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Tragique russe Paris Salle Pleyel 02/03/2012 - et 4 février 2012 (Aix-en-Provence) Dimitri Chostakovitch : Concerto pour violon n° 1, opus 77/99
Serge Rachmaninov : Danses symphoniques, opus 45 Alina Ibragimova (violon)
Orchestre philharmonique de Radio France, Kirill Karabits (direction)
K. Karabits (© Sasha Gusov)
Au lieu de Dimitri Kitajenko, initialement annoncé, l’Orchestre philharmonique de Radio France retrouve, semble-t-il sans plaisir excessif, celui qui fut le premier, entre 2002 et 2005, à exercer auprès de lui les fonctions de «jeune chef associé». Devenu depuis octobre 2009 chef principal de l’Orchestre symphonique de Bournemouth, Kirill Karabits (né en 1976) appartient donc au cercle toujours plus large des artistes originaires de l’ex-Union soviétique en poste en Grande-Bretagne, comme Valery Gergiev et Vladimir Jurowski (Londres), Andris Nelsons (Birmingham) et Vasily Petrenko (Liverpool), invité par le Philhar’ la semaine prochaine également dans un programme entièrement russe (probablement en relation avec le froid polaire qui sévit depuis quelques jours dans la capitale).
Dans le Premier Concerto (1948) de Chostakovitch, Alina Ibragimova (née en 1985) manque quelque peu de projection, à en juger du moins depuis le premier balcon – Pleyel est assez imprévisible à cet égard et l’orchestre n’est pas en cause, d’autant qu’il est réduit à quarante cordes. Mais la Russe sait jouer de ce caractère un peu frêle et elle démontre aussi qu’elle est en mesure de donner davantage de corps à son violon, notamment dans la cadence. Cela étant, techniquement, ses traits sont nets et il n’y pas grand-chose à lui reprocher, sinon peut-être son intonation parfois un peu déroutante; de même, son interprétation est difficilement attaquable, sans doute moins rugueuse que ce qu’on a l’habitude d’entendre dans cette œuvre, mais d’une constante élévation de pensée. En bis, c’est l’incontournable Sarabande de la Deuxième Partita de Bach – dont elle a déjà enregistré l’intégrale des Sonates et Partitas (Hyperion) – sans le moindre vibrato, radicalement étique, dans un style qui est certainement celui qu’elle pratique lorsqu’elle se produit avec l’Academy of Ancient Music.
En seconde partie de cette bien courte soirée, les Danses symphoniques (1940) de Rachmaninov – son ultime partition orchestrale, plus solidement installée au répertoire que ses trois Symphonies ou deux poèmes symphoniques – témoignent de ce que huit ans plus tôt, le moral de l’exilé n’est guère meilleur que celui de son compatriote resté dans un pays frappé par la terreur stalinienne. Avec sa battue claire et précise, le chef ukrainien, qui avait soigneusement détaillé l’accompagnement du concerto, renouvelle la réussite dans ce triptyque. Les couleurs sont flatteuses – rien de surprenant, avec un Philhar’ rutilant, à son niveau d’excellence coutumier. Les cordes frémissent, les bois ricanent, les cuivres menacent, mais tout cela reste à la fois fermement tenu et sans raideur: la valse centrale est ainsi on ne peut plus straussienne – Johann pour la grâce, Richard pour la toxicité d’une «Danse des sept voiles».
Le site d’Alina Ibragimova
Simon Corley
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