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Seul maître à bord, après Dieu

Paris
Salle Pleyel
01/29/2012 -  et 30 janvier 2012 (Frankfurt)
Gioacchino Rossini : Semiramide: Ouverture
Wolfgang Amadeus Mozart : Concerto pour piano et orchestre n° 26 en ré majeur K. 537, «du Couronnement»
Giuseppe Verdi : Quatuor en mi mineur (version pour orchestre à cordes)
Claude Debussy : La Mer

Filarmonica della Scala, Daniel Barenboim (piano et direction)


D. Barenboim (© Sheila Rock/EMI)


Daniel Barenboim aime les applaudissements, et ça se voit... Il goûte ces ovations avec un plaisir non dissimulé, tranchant avec la modestie (apparente, du moins) de certains de ses confrères qui préfèrent se fondre dans l’orchestre au moment des saluts. Et, à regarder le contenu des programmes qu’il dirige, on pourrait avoir la fâcheuse impression que sa propension à inclure à chaque fois une œuvre pour piano et orchestre lui permet de gagner un double rang de galons auprès du public en ses qualités de soliste et de chef d’orchestre (voir par exemple ici et ici). On regrettera donc que le programme des deux concerts prévus les 17 et 18 avril prochains à la Salle Pleyel où il devait diriger les Cinquième et Huitième Symphonies de Bruckner à la tête de la Staatskapelle de Berlin aient été modifiés (ce sont désormais les plus habituelles Septième et Neuvième qui sont annoncées) afin d’y inclure à chaque fois un concerto pour piano de Mozart, dont il est inutile de préciser qui est le soliste.


Après un premier concert donné la veille où dominait la musique hispanisante, voici un programme plus diversifié qui a néanmoins pour fil conducteur de mettre en valeur les moindres pupitres d’un orchestre symphonique. Pour un orchestre comme celui de la Scala de Milan, qui fête cette année ses trente années d’existence, il était difficile de ne pas commencer ce concert par une ouverture d’opéra italien. Le choix se porta sur celle de Sémiramis (1823), opera seria de Gioacchino Rossini (1792-1868) qui ne connut guère de succès: ainsi que le rapporte Stendhal dans sa célèbre Vie de Rossini, «cet opéra, qui à Venise n’a évité les sifflets qu’à cause du grand nom de Rossini, eût peut-être semblé sublime à Königsberg ou à Berlin; je me console facilement de ne l’avoir pas vu au théâtre, ce que j’en ai entendu chanter au piano ne m’a fait aucun plaisir.» Bénéficiant d’une excellente petite harmonie (quelle flûte piccolo! quelles clarinettes!) et d’un très bon pupitre de cors, Daniel Barenboim enlève l’ensemble avec beaucoup de réussite même si l’on aurait pu souhaiter un peu plus de verve, les solos de cors relevant davantage, dans leur solennité, du Freischütz que d’un opéra du Cygne de Pesaro.


Passage obligé donc de tout concert dirigé par Barenboim, le public a ensuite pu entendre le célèbre Vingt-sixième Concerto de Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), dit «du Couronnement». Accompagné par un orchestre étoffé (trente-et-une cordes), Barenboim livre une lecture assez atone et un peu lourde de l’œuvre, bénéficiant pourtant fréquemment d’un toucher d’une très grande finesse. On ne comprend pas, de ce fait, les raisons qui conduisent Barenboim, assez excentrique dans sa gestuelle (ce sera une constante tout au long du concert), à jouer la cadence du premier mouvement de manière aussi brutale dans les attaques. Les appréciations faites pour l’Allegro valent également pour l’Allegretto qui, avec un orchestre plus emphatique encore que précédemment, allie à la délicatesse du toucher une cadence encore une fois très dure et une certaine propension à l’absence de tout caractère. Les applaudissements du public n’en sont pas moins nourris, conduisant Daniel Barenboim à jouer en bis l’Andante cantabile de la Dixième Sonate du même divin Wolfgang, malheureusement émaillé par la longue sonnerie d’un téléphone portable.


La seconde partie du concert s’ouvrait par le rare Quatuor de Giuseppe Verdi (1813-1901) dans sa version pour orchestre à cordes. Faisant volontairement tomber un des micros installés près de lui et qui le gênait dans sa direction, Daniel Barenboim entraîne avec une vigueur implacable les cordes du Philharmonique de la Scala dans un premier mouvement endiablé. Le deuxième mouvement alterne moments de douce rêverie et de frénésie, qui culminera dans un superbe troisième mouvement Prestissimo. Les différents pupitres mis à contribution s’avèrent tous excellents et permettent à Daniel Barenboim de mettre parfaitement en valeur les mérites de cet orchestre dont il est jusqu’en 2016, directeur musical après en avoir déjà été premier chef invité.


Pont aux ânes des grands orchestres, les «trois esquisses symphoniques» La Mer de Claude Debussy (1862-1919) concluait ce concert en fanfare, le chef bénéficiant toujours d’un excellent orchestre permettant de s’adapter aux diverses couleurs de l’œuvre. En dépit de la trompette parfois chevrotante de Francesco Tamiati, la première partie («De l’aube à midi sur la mer») est assez réussie grâce notamment à des harpes séduisantes et des bois tout aussi fins que dans Rossini. Les deuxième («Jeux de vagues») et troisième («Dialogue du vent et de la mer») parties font malheureusement de nouveau apparaître les travers de Daniel Barenboim, qui a tendance à trop forcer le trait et à raidir le jeu orchestral, la souplesse inhérente aux images suscitées par la partition finissant par disparaître au profit d’une succession d’épisodes qui, pour certains d’entre eux, auraient mérités d’être plus soignés (ainsi, les interventions des cors dans la troisième partie se sont-elles avérées confuses et donc très difficiles à percevoir).


Alors que le public applaudissait en mesure, que les musiciens avaient ouvert une nouvelle partition sur leurs pupitres et que certains instrumentistes étaient venus des coulisses rejoindre la scène, c’est pourtant sans bis que les artistes de ce concert du dimanche après-midi s’en vont, confirmant l’impression mitigée d’une prestation en demi-teinte.



Sébastien Gauthier

 

 

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