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Un roi dans l'arène Geneva Grand Théâtre 01/22/2012 - et 24*, 26, 28, 30 janvier, 1er février 2012 Giorgio Battistelli: Richard III
Tom Fox (Richard III), Marion Ammann (Lady Anne), Bénédicte Tauran (Queen Elisabeth), Renée Morloc (Duchess of York), Urban Malmberg (Buckingham), Emilio Pons (Richmond), Bruce Rankin (Edward IV), Christopher Lemmings (Clarence/Tyrrel), Bruno Balmelli (Hastings), Daniel Djambazian (Lovell), David Adam Moore (Rivers/Catesby), Timm De Jong (Barckenburry/Ratcliffe), Thomas Dear (Murderer/Archbishop), Michail Milanov (Murderer/Mayor), Jonathan De Ceuster (Prince Edward), David Ferreira*/Ulysse Arzoni (Prince Richard of York)
Chœur du Grand Théâtre de Genève, Ching-Lien Wu (assistante à la direction musicale, chef de chœur), Basel Sinfonietta, Zoltán Peskó (direction musicale)
Robert Carsen (mise en scène), Frans de Haas (reprise de la mise en scène), Radu Boruzescu (décors), Miruna Boruzescu (costumes), Robert Carsen, Peter van Praet (lumières), Franck Brigel (reprise des lumières), Ian Burton (dramaturgie)
(© GTG/Yunus Durukan)
«Un opéra que l’on ne cherchera pas à réécouter, mais une production que l’on reverrait certainement avec beaucoup d’intérêt...» Ainsi se terminait le compte rendu de la création en France du Richard III de Giorgio Battistelli, en septembre 2009 à Strasbourg. Après avoir vu le spectacle à Genève, où il fait halte pour six représentations, on ne peut qu'adhérer au propos. L'ouvrage, on le sait, a été créé à Anvers en janvier 2005 et a d'emblée séduit public et critique. Sept ans plus tard, pour sa troisième reprise, le succès est toujours au rendez-vous, un fait plutôt rare pour une œuvre contemporaine. Un succès qui doit beaucoup à la mise de scène de Robert Carsen, qui signe ici une de ses productions les plus fortes et les plus abouties. Dans le programme de salle, le Canadien déclare qu'il a travaillé en étroite collaboration avec le compositeur et le librettiste très en amont déjà, pratiquement dès les premiers instants de l'écriture. Ceci explique peut-être cela.
L'action se déroule dans une semi-arène entourée de gradins métalliques inclinés. La piste du cirque qu'est la cour d'Angleterre est plongée dans la pénombre. Des courtisans parfaitement interchangeables portent de longs manteaux noirs à la Magritte. Monsieur Loyal a les traits de Richard III: personnage dénué du moindre scrupule, avide de pouvoir, il ne recule devant aucun sacrifice pour s'installer sur le trône et porter la couronne qu'il convoite par-dessus tout. Pour parvenir à ses fins, il n'hésite pas à tuer ses frères, ses neveux, ses amis et ses conseillers. Tireur de ficelles démoniaque, manipulateur cynique, ses excès sont à l'image de ses poses grotesques, qui le rendent plus inhumain encore. Le sang n'arrête pas de gicler et de couler à grands jets, symbolisé par le sable rougeâtre qui recouvre le plateau. Le rouge et le noir dominent cette tragédie de la cruauté et de la folie, vue ici à travers le prisme de l'ironie grinçante.
Le librettiste Ian Burton a resserré la pièce éponyme de Shakespeare en gardant toutefois les vers originaux. Le compositeur Giorgio Battistelli, né en 1953, a déjà plusieurs opéras à son actif. Dans Richard III, la musique crée une ambiance sombre et oppressante, jalonnée de salves brutales des cuivres et d'interventions lugubres des percussions. L'électronique tient une place discrète. Les lignes vocales sont très proches de la déclamation. Sur la scène du Grand Théâtre, il convient de relever l'excellente prestation, tant vocale que scénique, de Tom Fox dans le rôle-titre, qui porte le spectacle sur ses épaules, présent sur scène pratiquement de bout en bout. Les autres personnages sont réduits à la portion congrue, ce qui n'enlève rien aux mérites d'une distribution parfaitement homogène. Zoltán Peskó tient solidement les rênes de la fosse. Cette production est une réussite à tout point de vue. Dommage que seul un public clairsemé ait pris la peine de se déplacer. La création contemporaine continue de faire peur.
Claudio Poloni
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