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Paris
Opéra Bastille
01/19/2012 -  et 23, 26, 29, 31 janvier, 3, 6 février 2012
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : La Dame de pique, opus 68

Vladimir Galouzine (Hermann), Evgeny Nikitin (Comte Tomski), Ludovic Tézier (Prince Eletski), Martin Mühle (Tchekalinski), Balint Szabo (Sourine), Fernando Velasquez (Tchaplitski), Yves Cochois (Namourov), Larissa Diadkova (La Comtesse), Olga Guryakova (Lisa), Varduhi Abrahamyan (Paulina), Nona Javakhidze (Macha), Robert Catania (Le maître de cérémonie)
Chœur de l’Opéra national de Paris, Maîtrise des Hauts-de-Seine/Chœur d’enfants de l’Opéra national de Paris, Alessandro Di Stefano (direction des chœurs), Orchestre de l’Opéra national de Paris, Dmitri Jurowski (direction musicale)
Lev Dodin (mise en scène), David Borovsky (décors), Chloé Obolensky (costumes), Jean Kalman (lumières), Yuri Vasilkov (chorégraphie), Mikhail Stronin (dramaturgie)


L. Diadkova, V. Galouzine (© Opéra national de Paris/Elisa Haberer)


Cela est devenu une habitude à l’Opéra national de Paris, le public a copieusement sifflé le metteur en scène à la fin de la représentation. D’aucuns croient savoir que la situation de l’intrigue dans un hôpital psychiatrique n’est pas du goût de tout le monde. Et pourtant, si l’on se réfère à la nouvelle de Pouchkine dont est tiré le livret de Modeste Tchaïkovski, on se rend compte qu’il s’agit du point de convergence de l’histoire de Hermann. Le procédé consistant à ouvrir le spectacle du point de vue qui le conclut, constituant l’argument comme une récapitulation amère, livre une fois de plus la preuve de son efficacité. La césure entre la chambre de Hermann, recluse à un niveau inférieur, et les autres personnages traduit immédiatement l’enfermement du personnage dans ses obsessions, de l’amour et du jeu. A la fin de la première partie, l’entrée de la Comtesse, ministre de ses espérances, coïncide avec l’élargissement du fond de scène, semé de statues antiquisantes. Lorsque le destin se refermera sur Hermann, la réalité s’éloignera de lui, rejoignant un étage inaccessible à sa folie. Si, dans le détail, les frontières sémiologiques n’apparaissent pas toujours très claires à première lecture, la structure dramaturgique du travail de Lev Dodin a le mérite de caractériser le point de vue psychologique du personnage avec une pertinence redoutable. La violence de la réaction de la salle témoigne peut-être, de manière paradoxale, douze ans après la première série de représentations et après des reprises en 2001 et en 2005, que la vision du metteur en scène russe n’a pas pris une ride. Mentionnons également le professionnalisme des lumières pertinentes de Jean Kalman, tirant partie des spécificités du plateau de la Bastille – incarnation typique de ce que l’on a parfois décrit comme le style du vaisseau parisien.


Mais la réussite de cette reprise tient avant tout dans ses qualités musicales remarquables. D’une séduction peut-être moins immédiate qu’Eugène Onéguine, la Dame de Pique fait entendre des sonorités parfois âpres. Les grandes séquences modulatoires se montrent particulièrement percutantes tandis que les pastiches XVIIIe sont revêtus d’un orchestre plus ample. La direction précise de Dmitri Jurowski révèle avec soin les couleurs de la partition, sans se départir d’un sens de l’homogénéité qu’il convient de saluer. Puissante, elle équilibre cependant son intensité de sorte à ne jamais couvrir le plateau vocal. Et il aurait été regrettable d’altérer la projection d’une des plus belles distributions de la saison, à commencer par le Hermann de Vladimir Galouzine. Après quelques saisons qui lui avaient connu des aléas dans la forme vocale, le ténor russe revient plus vaillant que jamais, exhibant des harmoniques d’une grande richesse, à même de dépeindre la psychologie tourmentée du personnage. Nulle faiblesse ne vient trahir l’endurance exigée par le rôle. Sa Lisa, en la voix charnue d’Olga Guryakova, témoigne également d’un mûrissement du matériau vocal qui la destine désormais à de tels emplois. Une légère instabilité de la ligne au début de la représentation fait émerger quelques craintes, heureusement balayées par la suite. Son incarnation se fait émouvante, même si elle pourrait élargir sa palette chromatique – moins étendue que celle de son partenaire. Evitant avec intelligence le recours à un mimétisme de la chronobiologie de la Comtesse, Larissa Diadkova fait montre d’une autorité souveraine, et d’une santé vocale bienvenue.


La longueur du souffle flatte la Paulina musquée de Varduhi Abrahamyan, tandis que Nona Javakhidze remplit son office en Macha. D’un équilibre infaillible dans la tessiture, Evgeny Nikitin délivre un Comte Tomski mémorable. Meilleur gosier qu’acteur, Ludovic Tézier est tout à son affaire en Prince Eletski. Martin Mühle ne dépare nullement en Tchekalinski, non plus que Balint Szabo en Sourine. Fernando Velasquez et Yves Cochois, respectivement Tchaplitski et Namourov, complètent honorablement le plateau. Les chœurs de la maison, ainsi que ceux d’enfants (Maîtrise des Hauts-de-Seine), préparés par Alessandro Di Stefano, font preuve d’un engagement qui achèvent de faire de cette reprise une incontestable réussite. On ne peut que regretter le nombre limité de représentations, et l’on se prendrait à rêver à un monde où des Dame de Pique supplanteraient quelques Manon...



Gilles Charlassier

 

 

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