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Dédé fait de la résistance

Tours
Opéra-Théâtre
12/29/2011 -  et 30*, 31 décembre 2011
Henri Christiné : Dédé
Francis Dudziak (Dédé, André de la Huchette), Jacques Duparc (Robert d’Auvergne), Jacques Lemaire (Leroydet), Jean-Marc Bertre (Monsieur Chausson), Ingrid Perruche (Denise), Catherine Dune (Odette), Estelle Danière, Letitia Antonin, Gwenaëlle Deram, Sabine Petit (les quatre vendeuses et danseuses)
Chœurs de l’Opéra de Tours, Emmanuel Trenque (chef des chœurs), Orchestre Symphonique Région Centre-Tours, Dominique Trottein (direction musicale)
Jacques Duparc (mise en scène), Estelle Danière (mouvements chorégraphiques), Christophe Vallaux (décors), Dominique Burté (costumes), Marc Delamézière (lumières)


(© François Berthon)


D’un alinéa du cahier des charges qui commandent aux maisons lyriques de programmer pour les fêtes de fin d’année des ouvrages consensuels, l’Opéra de Tours tire profit pour mettre à l’affiche un avatar de notre patrimoine frappé de désuétude. L’opérette Dédé, d’Henri Christiné, sur un livret d’Albert Willemetz, incarne une tradition générique qui a connu son heure de gloire à l’entre-deux-guerres, empruntant largement ses codes au cabaret en vogue, sur des rythmes métissés par le swing naissant outre-Atlantique.


L’argument est élémentaire. André de la Huchette, dit Dédé, a racheté un fonds de commerce de chaussures, dans l’unique but de séduire la femme de l’ancien propriétaire, le bien-nommé Monsieur Chausson. Ce viveur a laissé la conduite de l’affaire à Denise, secrètement amoureuse de lui, à la tête d’une équipe de vendeuses recrutée parmi les danseuses de casinos qu’il fréquente assidûment. Au sortir de situations usant l’ensemble des ficelles du burlesque, André et Denise célèbreront leurs épousailles, tandis qu’Odette reprendra la boutique, pour le plus grand bonheur de son mari, lequel restera aveugle aux infidélités d’une femme lassée de sa libido engoncée dans ses charentaises – et le pauvre Robert d’Auvergne ne suffira peut-être pas pour satisfaire les appétits de la vive Odette.


Jacques Duparc, avec la complicité de Christophe Vallaux, a imaginé un piédestal où trône un immense escarpin, emblème du magasin, qui se transformera en couche des amants au troisième acte. La rotonde dévolue aux clients recèle d’ailleurs maintes cachettes, propices à une intrigue généreuse en coups de théâtre. Les dialogues parlés, à la contrepèterie facile et jouant de clins d’œil envers l’artifice de la scène, l’actualisent avec efficacité, suscitant sans peine les zygomatiques du public. Les mouvements chorégraphiques imaginés par Estelle Danière recyclent des variétés encore vivaces dans la mémoire du public, telles celles d’un Claude François déchargeant son indécrottable électricité. Le trombinoscope de stéréotypes semble également s’être arrêté à cette contemporanéité-là, à l’image du préfet de police, célibataire endurci, comparé à un groupe de disco aussi fameux pour ses mœurs que ses déguisements. Tout un horizon familier se tient dans cette scénographie adaptée.


C’est une analogue homogénéité qui préside à la distribution vocale, faisant plus honneur aux talents de comédiens qu’à ceux d’interprètes lyriques, sagement contenus par des numéros chantés qui tournent aisément à la revue – certains sont devenus des standards, tel «Dans la vie, faut pas s’en faire». On admire le cabotinage de Francis Dudziak en Dédé, qui ne le cède en rien à celui de Jacques Duparc, Robert d’Auvergne savoureux, jusque dans ses effets comiques foireux. Ingrid Perruche minaude avec talent une Denise pincée tandis que Catherine Dune affiche une Odette pétulante. Jean-Marc Bertre campe un Monsieur Chausson aussi falot que nécessaire. Les ensembles témoignent d’une énergie incontestable, et font regretter une diction loin d’être toujours exemplaire.


Quant à la direction de Dominique Trottein, elle réjouit par sa précision, et jubile dans la caricature des morceaux célèbres du répertoire, parodiés à des fins humoristiques – tels la Passacaille de Bach, dans la version orchestrale utilisée par Kubrick pour Barry Lindon, dans une caricature de séduction entre Odette et André, sous une lumière lunaire, ou encore l’incipit de la Cinquième de Beethoven ou des Carmina Burana – s’assurant ainsi la complicité avec l’auditoire, et meublant un spectacle somme toute plus théâtral que musical. On ne se plaindra pas de cette légèreté en ces temps moroses, même au prix d’un refuge dans des stéréotypes surannés.



Gilles Charlassier

 

 

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