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Folk and nonsense

Paris
Musée d’Orsay
12/15/2011 -  
Ralph Vaughan Williams : Six Studies in English Folk Song
William Walton : Façade

Charlotte Rampling, Gabriel Woolf (récitants)
Nels Lindeblad (flûte), Christelle Pochet (clarinette), Pierre-Marie Bonafos (saxophone alto), Bruno Nouvion (trompette), Eric Levionnois (violoncelle), Catherine Cournot (piano), Renaud Muzzolini (percussion), Adrien Perruchon (direction)


C. Rampling (© D.R.)


Parallèlement à la passionnante exposition «Beauté, morale et volupté dans l’Angleterre d’Oscar Wilde» (qui se tient jusqu’au 15 janvier), l’auditorium du musée d’Orsay a programmé trois concerts, dont le dernier permet d’entendre cette musique anglaise aussi peu connue de ce côté-ci de la Manche que la musique française est appréciée de l’autre côté de l’English Channel. Peu importe, à vrai dire, qu’on se situe ici en réalité dans l’entre-deux-guerres, un quart de siècle après la mort de Wilde, car c’est l’une des très rares occasions d’entendre une œuvre à part, sui generis, sans antécédents ni postérité véritables, Façade (1922/1942).


Sa démarche s’inscrit indéniablement dans l’esthétique des roaring twenties: dans un bref propos liminaire, Martine Kaufmann décrit Edith Sitwell (1887-1964), l’auteur de ces poèmes loufoques mis en musique par William Walton (1902-1983), comme un «Jean Cocteau féminin». Et la partition, sous-titrée «An Entertainment», est bien dans l’air du temps: non seulement c’est, derrière Cocteau, l’esprit de Satie et du groupe des Six qui y souffle, mais son expérimentation sur le récit et la prosodie évoque Schönberg (Pierrot lunaire) ou Honegger (Judith): entre le débit acrobatique du basso buffo rossinien et le rap, la récitation des textes (versifiés), scrupuleusement notée, va parfois à toute allure. Le livret est mis à la disposition du public en anglais seulement, ce dont la responsable de l’auditorium peut aisément se justifier: le spectateur n’aurait pas le temps de lire à la fois la langue originale et la traduction, laquelle, au demeurant, n’apporterait pas grand-chose, tant les mots sont choisis davantage en fonction de leur sonorité, en vue d’allitérations et d’assonances, que de leur signification.


En 1923, ce fut évidemment un beau succès de scandale, auquel la mise en scène contribua sans doute aussi: la poétesse, qui devait bien plus tard en réaliser des enregistrements avec Constant Lambert dès 1929 (sous la direction de Walton) puis avec Peter Pears en 1953, utilisait un mégaphone et était placée derrière un écran. Mais la musique ne tarda pas à s’imposer, en particulier grâce au ballet qu’en tira Frederick Ashton, et le compositeur en réalisa deux suites pour orchestre dans les années 1930, alors qu’il était déjà rentré dans le rang, notamment celui de la grande tradition britannique de l’oratorio avec son Festin de Balthazar. Il revint toutefois à cet emblématique opus de jeunesse en reprenant et remaniant, sous le titre de Façade 2 (dédié à Cathy Berberian), huit pièces qu’il avait écartées lors de précédentes révisions de la partition.


L’ensemble instrumental, digne d’un Milhaud (La Création du monde) ou d’un Martinů (La Revue de cuisine), associe une flûte (et piccolo), une clarinette (et clarinette basse), un saxophone alto, une trompette, un violoncelle et des percussions (un exécutant). Ce sextuor atypique se moque aimablement, tongue-in-cheek, avec ses citations et danses plus ou moins modernes (fox-trot, tango, paso doble, ...), mais l’écriture n’est pas avare de textures raffinées et subtiles («En famille», «Four in the Morning»). Les poèmes peuvent être dits par un seul récitant, mais l’usage, cautionné par Walton, a imposé le plus souvent un double mixte: assis en fond de scène, Charlotte Rampling et Gabriel Woolf ne partagent jamais un même poème, mais se lèvent et s’avancent tour à tour pour rejoindre leur pupitre devant le public avant de regagner ensuite leur place.


En dépit de son effectif très réduit, Façade, d’une redoutable complexité de mise en place, n’en requiert pas moins un chef: Adrien Perruchon, d’ordinaire premier timbalier solo, dirige cinq de ses camarades de l’Orchestre philharmonique de Radio France accompagnés du saxophoniste Pierre-Marie Bonafos. En équilibre instable, pas toujours très bien sonorisés, peut-être un peu décontenancés par des applaudissements qui jaillissent de manière exaspérante quasi systématiquement après chacun des vingt-et-un numéros, les deux acteurs sont confrontés à des parties qui, de fait, sont loin d’être de tout repos, puisqu’ils doivent se conformer à une scansion précise, quelquefois à très grande vitesse («Hornpipe», «Sir Beelzebub»), et se caler attentivement sur les musiciens. A soixante-dix-neuf ans, Gabriel Woolf n’est pas celui des deux qui s’en tire le moins bien et met tout le monde dans sa poche avec sa verve débonnaire («Polka», «Valse»). Charlotte Rampling, quant à elle, a prudemment choisi les morceaux les moins rapides et se perd d’ailleurs dans la vive «Popular Song», qu’elle a toutefois le panache de reprendre, sans encombre, au moment des rappels.


L’Angleterre est la patrie du nonsense et de l’excentricité, bien sûr, mais cela ne lui interdit pas, à la même époque, de rechercher ses racines. De ce point de vue, Ralph Vaughan Williams (1872-1958), appartenant à la génération antérieure à celle de Walton, joua dans les Iles Britanniques le rôle qui fut celui de Bartók et Kodály en Hongrie, même si sa modernité s’afficha de façon moins ouvertement radicale et novatrice. Car si le symphoniste, insuffisamment connu dans notre pays, exerça une influence capitale dans le monde anglophone et nordique, son activité de collecte de chants populaires à travers les campagnes constitue également une dimension essentielle de son art, dont témoignent, en lever de rideau, ses six Etudes sur des chansons populaires anglaises (1926), données avec pudeur et sincérité par Eric Levionnois et Catherine Cournot dans leur version originale pour violoncelle et piano.



Simon Corley

 

 

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