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Gruberomania

Nice
Opéra
12/10/2011 -  et 15 (Nice), 20 (Paris) décembre 2011
Vicenzo Bellini : Norma

Edita Gruberova (Norma), Sophie Koch (Adalgisa), Massimo Giordano (Pollione), Wojtek Smilek (Oroveso)
Chœur de l’Opéra de Nice, Giulio Magnanini (chef des chœurs), Orchestre Philharmonique de Nice, Andriy Yurkevych (direction musicale)


E. Gruberova


La venue d’Edita Gruberova à l’Opéra de Nice – tellement rare en France – était un événement qui a fait se déplacer de nombreux fans de la diva, des quatre coins de notre pays mais aussi de l’Europe entière. Donnée au profit de l’association ColineOpéra, dont Sophie Koch est la marraine, cette Norma en version de concert s’est révélée un grand moment de bel canto. Cela fait presque dix ans que Gruberova a ajouté le rôle de la vestale gauloise à son répertoire, et le premier étonnement provient de l’intégrité d’un timbre proprement miraculeux pour une artiste qui fêtera ses 65 ans dans quelques jours. Après avoir impérieusement attaqué le «Sediziose voci», Gruberova chante ensuite le sublime «Casta diva» dans la tonalité de sol majeur, la voix se parant alors d’une luminescence toute lunaire. Elle triomphe dans la cabalette avec des pianissimi à la fois ambrés et éthérés – et une longueur de souffle! – qui laissent l’auditeur pantois. Loin d’en faire un morceau de bravoure, elle transforme cette prière en une plainte, en mouillant presque son chant de larmes. Avant même «Ah bello a me ritorna», dont elle orne la reprise avec une facilité désarmante, la soprano slovaque nous plonge au cœur du drame de Norma, femme habitée par l’angoisse et vivant en constant conflit avec elle-même. Car la Gruberova est une vraie tragédienne, tout autant qu’une grande dame du chant. Le moindre de ses gestes, le moindre de ses regards bouleversent ou glacent les sangs. Son «In mia man» demeure à cet égard éloquent, moment où la prêtresse reprend le dessus sur la femme, et où l’extrême douleur de l’âme blessée paraît comme balayée par les accents cruels de la femme de pouvoir. Au dernier acte, l’oiseau blessé se transforme même en fauve, et l’émission du «Mira, o Norma» se fait alors rugueuse. Mais loin de nous l’idée de livrer ici un éloge seulement béat, la voix de la cantatrice possède aussi ses limites. Ainsi certains aigus trahissent des duretés, certaines respirations déroutent et certains maniérismes entachent le phrasé. Quant au problème que lui pose le registre grave, elle l’esquive trop souvent en ayant recours au parlando. Il n’en reste pas moins vrai qu’elle incarne une des Norma les plus convaincantes et les plus enthousiasmantes du moment.


Aux côtés de Gruberova, Sophie Koch est une Adalgisa de rêve. Outre que leurs voix se marient avec un rare bonheur, la mezzo française enchante par la richesse de son timbre, la variété des couleurs et la splendeur du legato. Il faut aussi mentionner la générosité de l’émission, la musicalité de la ligne et la fulgurance des aigus, autant de qualités qui en font une des chanteuses les plus attachantes de sa génération. Le ténor italien Massimo Giordano réussit le tour de force de transformer Pollione, rôle ingrat par essence, en personnage à part entière, grâce à un chant lumineux et vibrant. Son timbre chaud et éclatant, allié à une louable conviction dans l’accent, déclenchent une réelle exaltation parmi le public. Wojtek Smilek, enfin, impose un magnifique Oroveso, à la voix sombre et sonore, d‘une irréprochable musicalité. Une basse dont on ne comprend toujours pas pourquoi la carrière ne s’envole pas plus haut.


Le chef ukrainien Andriy Yurkevych ne semble pas prendre Bellini à la légère, et nous nous en félicitons. De fait, Norma est un opéra de chef et sa direction s’avère un bonheur de tous les instants: fluide, nerveuse, d’une extrême précision rythmique. Le délicat équilibre qu’il parvient à obtenir entre les vents et les cuivres et la subtile poésie qu’il confère aux duos entre Norma et Adalgisa, nous donnent envie de réentendre très vite ce jeune chef fort prometteur. Au rideau, c’est un vent de folie qui a parcouru la salle de l’Opéra de Nice, une interminable ovation venant saluer la magistrale interprétation d’Edita Gruberova, mais également la formidable prestation des autres protagonistes.


Un concert mémorable.



Emmanuel Andrieu

 

 

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