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La vie de château

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
11/15/2011 -  
Béla Bartók : Musique pour cordes, percussion et célesta, sz. 106 – A kékszakállú herceg vára, opus 11, sz. 48

Michelle DeYoung (Judith), John Tomlinson (Barbe-Bleue), Carole Bouquet (récitante)
Philharmonia Orchestra, Esa-Pekka Salonen (direction)


M. DeYoung (© Christian Steiner)


Les trois visites que l’Orchestre Philharmonia effectue cette saison avenue Montaigne sont intégralement dédiées à Bartók, au moment où s’achève le cycle qu’il a consacré au compositeur hongrois tout au long de l’année, en Angleterre et dans plusieurs pays européens. Le public de Paris est-il plus hardi que celui de Bruxelles? Cela se saurait, mais toujours est-il que le Théâtre des Champs-Elysées est comble, à la différence du Bozar la veille. Les spectateurs ont-ils été séduits par des tarifs attractifs ou bien certains se souviennent-ils avec quelque nostalgie de la formation londonienne, à la tête de laquelle un jeune Finlandais, il y a vingt ans, enflammait le Théâtre du Châtelet avec de passionnants programmes de musique du XXe siècle?


Esa-Pekka Salonen, qui en était alors le premier chef invité, en est devenu depuis 2008 le principal conductor. Paris est la seule ville de cette tournée où ils interprètent la Musique pour cordes, percussion et célesta (1936): est-ce pour cela que quelques flottements sont perceptibles et que, surtout, l’impression est pour le moins mitigée, dans un déferlement de toux qui ajoute à l’agacement dans les mouvements impairs? Si l’atonie de tout le début de l’Andante tranquillo peut apparaître rétrospectivement justifiée par le souci de ménager une progression vers le point culminant central, cette conception plus dramatique qu’unitaire nuit aux mouvements suivants: l’Allegro fluctue sans cesse, les épisodes donnant l’impression de s’enchaîner sans véritable nécessité, sentiment encore plus flagrant, après un Adagio trop appuyé, dans l’Allegro molto final, qui chavire parfois dans un romantisme complètement déplacé. En outre, si le double orchestre à cordes est, comme il se doit, symétriquement disposé de part et d’autre de la scène autour du piano, du célesta et de la harpe, le choix de placer les percussions derrière les cordes (au fond, et côté jardin pour le xylophone), contrairement aux indications fournies par la partition, ne laisse pas de surprendre.


Force est de toutefois de reconnaître que c’est Le Château de Barbe-Bleue (1911) qui, après l’entracte, était attendu avec impatience, précédé d’une réputation flatteuse, notamment acquise à Dijon six jours plus tôt. Aucune déception de ce point de vue: l’orchestre vrombit quand il le faut – pour l’ouverture de la cinquième porte, l’intervention des cuivres supplémentaires, depuis le second balcon, produit un effet proprement saisissant – et autant Salonen avait peiné à assurer la continuité dans la Musique pour cordes, autant il fait couler ici un flux ininterrompu, intense et brûlant. Même si le chef prend garde à ne pas couvrir les chanteurs, l’orchestre n’est pas dans la fosse pour cette version de concert surtitrée et il n’en faut donc pas moins des voix solides pour passer la rampe. C’est heureusement le cas de Michelle DeYoung et de John Tomlinson. En outre, chantant tous deux par cœur, ils peuvent se mouvoir librement à l’avant-scène, tout en veillant bien à se trouver pour chacune de leurs interventions devant l’un des deux micros installés en vue d’un enregistrement: ces déplacements, gestes et regards valent bien certaines productions et animent bien mieux que certaines productions scéniques une action qui se réduit à une confrontation psychologique entre les deux protagonistes.


Qu’ajouter à ce qui a déjà été écrit? La mezzo américaine, pieds nus sous sa longue robe, est impeccable de bout en bout, à l’aise sur l’ensemble de la tessiture, incarnant une Judith remarquablement nuancée, tour à tour amoureuse et vindicative, inquiète et résignée. A soixante-cinq ans, la basse anglaise peut être pardonnée de faire preuve d’un peu moins de régularité dans le timbre et l’intonation et d’abuser du vibrato, mais elle peut aussi être admirée pour sa puissance intacte, son autorité incontestable et sa parfaite connaissance du rôle. C’est à Carole Bouquet qu’a été confié le bref prologue du Barde, mais son délicieux chuintement est parasité par les grésillements et gazouillis de son micro portatif alors qu’elle traverse lentement et imperturbablement de jardin à cour.


Le site de l’Orchestre Philharmonia
Le site d’Esa-Pekka Salonen
Le site de Michelle DeYoung
Le site de John Tomlinson



Simon Corley

 

 

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