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Mythes et relectures

Nancy
Opéra national de Lorraine
10/23/2011 -  et 25, 26, 27, 28*, 29 octobre 2011
Igor Stravinski : Mariage (Les Noces) (#) – Le Sacre du printemps
Khatouna Gadelia (La Fiancée), Avi Klemberg (Le Fiancé), Svetlana Lifar (La Mère), Igor Gnidii (Le Père), Fabien Leriche (basse solo), Dania di Nova (Une mère)
Valérie Ferrando, Joris Perez (Les Mariés) (#), CCN - Ballet de Lorraine
Chœur de l’Opéra national de Lorraine, Merion Powell (direction), Orchestre symphonique et lyrique de Nancy, Tito Munoz (direction musicale)
Tero Saarinen (création chorégraphique et mise en scène) (#), Ginette Laurin (création chorégraphique), Mikki Kunttu (décors et lumières) (#), Erika Turunen (costumes) (#), Marilène Bastien (décors et costumes), François Marceau (lumières)




Les ballets conçus par la compagnie de Diaghilev appartiennent désormais au patrimoine chorégraphique autant que les chefs-d’œuvre de Stravinski à celui de la musique, ce qui autorise aux relectures contemporaines un renouvellement de la littéralité originale. Les Noces, créées par Nijinska en 1923, reviennent ainsi à l’Opéra de Nancy sous le titre Mariage, où la vision de Tero Saarinen a été créée en 2007.


Accentuant la contrainte de la tradition subie par les futurs époux, le Finlandais poursuit la décontextualisation du folklore russe opérée dans le spectacle de Nijinska, en habillant les protagonistes de noir, selon les coutumes ancestrales finnoises, et sacrifiant en même temps à une modernité réduite à quelque sévère essence. Le groupe social prend place dans une arène qui resserre l’étau de la liesse nuptiale sur les promis tel un anneau. Seuls les amis de blanc vêtus se réjouissent au milieu de cette garde-robe funèbre, portant la dualité émotionnelle à la dialectique. Les mariés, couronnés de bibelots, s’avancent en boitant au son du carillon conclusif, suspension du temps, suggérant la non-viabilité de cette union régie par des intérêts extérieurs. Une polémique dénonciation, absente de la mélancolie du rituel implacable décrit par Nijinska, sourd du spectacle, et pèse peut-être sur l’ampleur de son herméneutique, ici condensée. L’originalité de l’interaction entre les parties de ces scènes chorégraphiques russes avec chant et musique est pour le moins préservée.


Ecrite dans le sillage du Sacre du printemps, la partition de Stravinski poursuit l’exploration de l’essence rythmique de la musique, d’un même geste archéographique et moderne. L’effectif particulier requis, pianos et percussions, fait jaillir une luminosité particulière, rendue avec sa relative sécheresse par la direction précise de Tito Munoz. Le plateau vocal ne cherche jamais à prendre l’ascendant. Khatouna Gadelia incarne l’innocence un peu verte de la jeune fille. Avi Klemberg, le fiancé, fait montre d’une projection contenue. Les parents résonnent de manière idiomatique avec l’ambre sombre de Svetlana Lifar, contrastant avec le soprano de Diana di Nova, le baryton Igor Gnidii, et plus encore avec Fabien Leriche, basse pourtant non slave. Le groupe, formé de douze danseurs, fonctionne davantage comme une palette de caractères que comme un bloc monolithique, enrichissant la solitude peuplée des époux, Valérie Ferrando et Joris Perez.





Le Sacre du printemps nous plonge dans une tout autre atmosphère. A l’inverse de la clarté un peu froide des Noces, Tito Munoz prend plaisir à soutenir l’empreinte romantique des textures sonores. Le dépouillement mélodique de la partition ne condamne pas ici à l’épuration, même dans l’orchestration réduite par Jonathan Mc Phee. Le basson inaugural sonne avec une sapidité généreuse, épaisse presque. Le frissonnement des flûtes s’agglutine au corps orchestral plus qu’il ne s’y oppose. L’énergie n’en ressort nullement amoindrie, mais sa crudité en paraît davantage condimentée. L’âpreté du primitivisme sonne adoucie, plus esthétisée, moins disséquée que dans des lectures plus analytiques.


Ginette Laurin réserve le meilleur de son inspiration aux épisodes de caractère. Ce ne sont pas tant les invocations gestuelles, pertinentes variations sur le rituel certes, qui retiennent la mémoire, mais davantage la virtuosité presque contrapuntique avec laquelle les deux sextuors se font le miroir l’un de l’autre au début de la seconde partie. Pas plus que le premier, le second final ne parvient pas à la synthèse jubilatoire attendue. En voulant ouvrir le processus sacrificiel, la mise en scène amoindrit la violence de sa décharge et la transcription visuelle de l’impact de la musique.



Gilles Charlassier

 

 

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