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Hommage à Liszt

Dijon
Auditorium
10/20/2011 -  
Franz Liszt : Deux Légendes pour orchestre, S.354 – Rhapsodie hongroise n° 3, S. 359 n° 3 (orchestration Franz Doppler) – Totentanz, S.126
Hugo Wolf : Harfenspieler I, II & III – Prometheus

Thomas E. Bauer (baryton), Pascal Amoyel (piano)
Anima Eterna Brugge, Jos van Immerseel (direction)


T. E. Bauer, J. van Immerseel (© Alex Vanhee)


La postérité n’a pas davantage retenu les innovations de Liszt dans le domaine orchestral que ses contemporains subjugués par la virtuosité du pianiste hongrois. Le bicentenaire de sa naissance offre tout au long de cette année l’opportunité de redécouvrir des pans négligés de son catalogue, et le programme conçu par Jos van Immerseel et son ensemble Anima Eterna y apporte ce soir sa contribution.


La piété de Liszt n’est plus à présenter, lui qui se fit abbé au milieu des années 1860. Au cours de sa retraite au Monte Mario, il compose Deux Légendes qu’il orchestre dans la foulée. L’originalité du travail sur la matière et la lumière orchestrales s’inscrit dans la continuité de celui opéré sur le piano – et se fait l’écho de l’inspiration et des recherches des Années de Pèlerinage. «La Légende de Saint-François d’Assise, la prédication aux oiseaux», scintille comme le doux babillage de l’auditoire du moine, et distille une atmosphère extatique portée un thème bref, assimilé à l’innocence peu dialectique des volatiles. La harpe est placée à l’avant de la scène, comme c’est l’usage chez Anima Eterna, et cet artifice souligne la transparence de l’instrument, avec moins de discrétion et de mystère que de coutume. On peut entendre dans l’appel du cor anglais une réminiscence berliozienne – la «Scène aux champs» de la Fantastique – et quelques imprécisions incidentes chez le hautbois par exemple. La seconde page, «Saint François de Paule marchant sur les flots», contraste avec l’entrée des bassons, dont la tessiture grave annonce la densité des flots. Liszt révèle ici un sens étonnant de la picturalité. La sensibilité wagnérienne se décèle dans une marche qui évoque par sa solennité celle des pèlerins dans Tannhäuser, mais aussi dans des vrombissements qui font songer aux vagues du Vaisseau fantôme, ou encore une citation de l’accord de Tristan. On peut regretter un abus un peu processionnel des modulations et une modération dans le triomphe qui n’est peut-être pas d’époque.


Hugo Wolf, imprégné de l’héritage lisztien et wagnérien, a consacré la majeure partie de son activité créatrice au lied. Les trois Harfenspieler (Chants du harpiste) sont tirés du roman de Goethe, Les Années d’apprentissage de Wilhem Meister. Le premier, «Wer sich der Einsamkeit ergibt», est empreint d’une gravité qui irrigue l’ensemble, à peine allégée par les traits de la harpe. «An die Türen will ich schleichen» progresse vers une émotion exprimée avec pertinence par Thomas Bauer, relevée par des traits mahlériens instillés par les bois. On sent la densité d’un désespoir presque révolté dans la marche conduite par les cordes à la fin du «Wer nie sein Brot mit Tränen ass». L’emportement du Prometheus («Bedecke deinen Himmel, Zeus») fait éclater cette orageuse rancune envers les dieux, caractérisée par des ruptures d’intonations et des arêtes accentuées par une relative verdeur des pupitres. Les qualités de diction de baryton allemand ne faillent point. La conclusion de ce blasphème farouche et puissant s’achève sur des réminiscences de l’Erkönig schubertien.


La Troisième Rhapsodie hongroise pour orchestre fait partie de ces morceaux brillants et vigoureux qui fédèrent aisément un auditoire. La conduite un peu pataude d’Immerseel n’altère pas la variété des timbres, rehaussée par un cymbalum théâtralement placé en soliste, à l’instar de la harpe, dans un dialogue imaginaire plus qu’acoustiquement légitime – même si le procédé contourne habilement les contraintes de l’ampleur de l’auditorium. Mais cette pièce fameuse et plutôt brève ne vaut surtout que comme mise en bouche pour la Danse macabre finale, jouée sur un Erard de 1886 – faisant à l’occasion un clin d’œil à la biographie de Liszt, mort cette même année. L’instrument, avec sa sonorité plus fine que les Steinway habituels, favorise une énergie plus élégante, à la diction éclaircie, sollicitée par le jeu concentré de Pascal Amoyel. La partition s’appuie sur le Dies Irae hérité du Moyen-âge et le thème évolue en cinq variations offrant des confrontations contrastées entre le soliste et l’orchestre. On retrouve dans cette émulation percutante presque diabolique des passages fugués héritiers de Beethoven autant que des modulations extatiques toutes lisztiennes. En bis, le pianiste français livre deux pages puisées dans l’inspiration variée de Liszt: «Au lac de Wallenstadt» tiré de la Première des Années de pèlerinage, avant un mouvement perpétuel surprenant de rythmicité brute.


Le site d’Anima Eterna
Le site de Pascal Amoyel



Gilles Charlassier

 

 

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