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Troublante sobriété

Normandie
Rouen (Théâtre des Arts)
10/05/2011 -  et 7*, 9 octobre 2011
Benjamin Britten : The Turn of the Screw, opus 54

Patrick Kabongo (Narrateur du Prologue), Kimy McLaren (La Gouvernante), Thomas Michael Allen (Peter Quint), Lisa Karen Houben (Miss Jessel), Albane Carrère (Mrs Grose), Elodie Kimmel (Flora), Michael Clayton-Jolly (Miles)
Orchestre de l’Opéra de Rouen Haute-Normandie, Kynan Johns (direction musicale), Peter Kay (direction du chœur d’enfants)
Frédéric Roels (mise en scène), Vincent Lemaire (scénographie), Lionel Lesire (costumes), Roberto Venturi (lumières)


(© Jean Pouget/Opéra de Rouen)


Tandis que le célèbre ouvrage de Gounod se fait fauteur de troubles à l’Opéra de Paris (voir ici), l’institution rouennaise enchante son ouverture de saison, avec une économie de moyens troublante dans The Turn of the Screw de Britten. Le public parisien avait certes goûté, en 2005, dans les murs du Théâtre des Champs Elysées, la mise en scène chic de Luc Bondy, coproduite avec Aix-en-Provence et les Wiener Festwochen. Le travail du directeur de la maison normande, Frédéric Roels, importé de l’Opéra royal de Wallonie, séduit quant à lui par sa sobriété.


L’argument de l’œuvre de Britten, tiré de la nouvelle éponyme de Henry James, demeure constamment dans l’implicite, le sous-entendu. Si l’interprétation pédophile des comportements de Peter Quint et de Miss Jessel semble évidente, le refus de l’explicitation, conforme aux mœurs victoriennes, libère l’espace imaginaire et fantastique. Le propos du Tour d’écrou ne se tient pas tant dans la dénonciation du sordide, que dans l’exploration du non-dit, esquissant une cartographie psychologique et musicale de la dissimulation traumatique, entre hallucination et vraisemblance. La réduction de l’effectif à treize pupitres favorise les individualisations de timbre, dans un esprit chambriste. Pour autant, la variété des couleurs n’en ressort pas altérée, mais, bien au contraire, magnifiée dans cette juxtaposition d’éléments sonores évoquant l’incommunicabilité des êtres – et particulièrement la constance des enfants à se soustraire à la curiosité bienveillante de la Gouvernante.


La scénographie se limite à une façade couleur de pierre sur laquelle s’attèlent des fenêtres, reproduisant avec une simplicité redoutable l’ambiguïté dehors-dedans. En animant les croisées de mobilités diverses, on suggère tout un univers mental de dérobées et de voyeurisme. Avec l’approche de la maison dans les premières mesures du premier acte, l’arrivée de la Gouvernante est décrite avec un sens presque hitchcockien du mouvement. Les cadres restent suspendus au-dessus des têtes lorsque la révélation semble imminente, mais le couperet ne tombe jamais. L’aveu final de Miles provoque le soulèvement de la façade d’où s’échappent des brumes. Quint tente d’exercer encore sa fascination dissuasive. Mais la parole sortira et le petit Malo, mauvais garçon selon la complainte inventée par l’enfant, y laissera son corps inanimé entre les bras de la Gouvernante. La vérité confine au fantastique et au tragique.


Bien relevée, la fosse permet aux musiciens de l’Orchestre de l’Opéra de Rouen de faire ressortir l’originalité et la transparence de l’écriture de Britten, à laquelle Kynan Johns, le nouveau directeur musical de la maison, montre une sensibilité perceptible, et évite tout conflit avec le plateau, favorisant une écoute chambriste. La concentration donne à la formation une intensité qui la fait rayonner comme un ensemble symphonique.


La distribution réunie met en avant la Gouvernante de Kimy McLaren, à la sollicitude inquiète, face à une Mrs Grose plus lisse, incarnée par Albane Carrère. Les mélismes envoûtants de Quint trouvent en Thomas Michael Allen un magicien insinuant. Lisa Karen Houben montre une influence plus frontale, moins complexe. Elodie Kimmel fait une Flora crédible, tout comme Michael Clayton-Jolly en Miles, plus convaincant dans son timbre d’innocence que dans une justesse à la maladresse néanmoins émouvante. L’impact de la diction du Narrateur du Prologue est assuré par Patrick Kabongo.


Le site de l’Opéra de Rouen Haute-Normandie




Gilles Charlassier

 

 

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