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Mexican express opera

Paris
Théâtre du Châtelet
09/23/2011 -   et 24, 25, 26*, 27 septembre 2011
José « Pepe » Martínez : Cruzar de la luna

Octavio Moreno (Laurentino), Cecilia Duarte (Renata), Brittany Wheeler (Diana), Brian Shircliffe (Mark), David Guzmán (Rafael), Vanessa Cerda-Alonzo (Lupita), Sauìl Avalos (Chucho), Juan Mejia (Victor), Ulysse Meyers/Mickaël Mateus (Le jeune Rafael)
Orchestre Mariachi Vargas de Tecalitlán, José « Pepe » Martínez (direction musicale, voix et violon), Joseph Li (direction musicale)
Leonard Foglia (mise en scène), César Galindo (costumes), Renaud Corler (lumières)


(© Marie-Noëlle Robert)



De quoi l’opéra est-il le nom? Les assises biannuelles d’opera europa, l’organisation qui fédère nombre de maisons du vieux continent, se font la caisse de résonnance des inquiétudes face à un genre qui toucherait un public insuffisamment diversifié, et où l’on se réjouit devant les tentatives d’élargir le spectre du genre, fût-ce à le rendre parfois fantomatique. Depuis cinq saisons, le Théâtre du Châtelet élargit sa programmation à la sphère de la comédie musicale et aux initiatives transculturelles. En acceptant d’apposer le label opéra à cette production commandée par l’Opéra de Houston, où elle fut étrennée le 13 novembre 2010, on guidait cependant le public vers certaines attentes que le cycle de chansons relié par des dialogues composant Cruzar de la luna a pu dérouter.


Pourtant, si l’on fait abstraction de la couleur sonore de la partition, les thèmes abordés par le livret de Leonard Foglia s’inscrivent dans la lignée des grands mythes lyriques, en les adaptant au contexte local – nous voulons nous abstenir de considérer que cet exotisme altère ce lien avec la tradition. Nous sommes au Texas. Mark, un quadragénaire, veille son père malade, avec sa fille Diana, entonnant une chanson du Mexique natal de celui-ci. Au fil de flash-back cinématographiquement orchestrés, on apprend que Laurentino est parti travaillé de l’autre côté de la frontière, aux Etats-Unis, laissant sa femme à la maison, et ne revenant qu’à la saison des mariposas, les papillons migrateurs, signifiant qui condense le nomadisme des hommes, l’illusion du retour et l’écoulement des générations. Renata, enceinte de Mark, part avec son fils Rafael rejoindre son mari, et meurt en accouchant sur le sol américain. Rafael sera ramené au Mexique, tandis que son frère sera élevé aux Etats-Unis. Après diverses tentatives, il réussira à convaincre ce frère qu’il n’a jamais connu de venir saluer son père une dernière fois. La famille reconstituée enterrera l’aïeul, de retour chez lui, au pied des montagnes du Michoacán, sous un rideau de lépidoptères. L’amour, la mort, la séparation, la frontière, archétypes du fonds lyrique, sont retravaillés ici sous la lumière du continent nord-américain, pour un résultat indiscutablement idiomatique. Il n’y aurait donc aucune illégitimité à relier Cruzar de la luna au genre opéra: le traitement textuel, balançant entre anglais et espagnol, excède le cadre usuellement dévolu à la comédie musicale.


Reste évidemment la partition. Si elle ne manque pas d’atouts pour séduire, force est de reconnaître que les violons à l’unisson sirupeux ne peuvent rehausser le propos jusqu’à une véritable écriture orchestrale, et relèguent vihuela et guitarrón au ton de carte postale. La performance de l’Orchestre Mariachi Vargas de Tecalitlán, emmené par José «Pepe» Martínez, se joint avec un enthousiasme chamarré à la direction de Joseph Li. Et il va sans dire que les ressources vocales ne paient qu’un tribut anecdotique à la virtuosité instrumentale. Pour autant, Brittany Wheeler ne démérite pas en Diana, tout comme la Renata de Cecilia Duarte. Le personnage de Laurentino bénéficie de la prestance émouvante et solide d’Octavio Moreno. Les deux frères sont un peu desservis. Si David Guzmán ne pèche que sporadiquement dans une tessiture de ténor un peu tendue, Brian Shircliffe, Mark, se révèle bien meilleur acteur que baryton. Les rôles secondaires sont tenus par des artistes mariachis convaincants.


La réduction semi-scénique confiée à Leonard Foglia s’est adaptée aux probables restrictions budgétaires de la création française, dans un minimalisme bariolé, ponctué de confettis pleuvant des cintres – les mariposas – et scandé de changements d’éclairages à l’unisson des ruptures chronologiques demandées par le livret. Le premier opéra mariachi de l’histoire n’est peut-être que l’abâtardissement inabouti de deux traditions souvent étrangères l’une à l’autre, la brièveté du spectacle, soixante-quinze minutes sans entracte, le rend au moins apte à voyager, dans cet esprit de mobilité si bien ancrée dans les gênes nomades de l’homme américain.



Gilles Charlassier

 

 

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