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Le grand frisson des Ibères !

Toulouse
Colomiers
09/12/2000 -  Du 12 au 16 septembre 2000
3° biennale des musiques ibériques
Interprètes variés

Entièrement dédiées à la culture ibérique, ces “Biennales des musiques ibériques” ont offert cette année une programmation riche et variée, où l’on pouvait trouver tout aussi bien des expositions d’art comme celles consacrées au photographe catalan Ferran Freixa ou au peintre toulousain Kaithya -qui proposait trois séries d’aquarelles sur des thèmes espagnols “Flamenco”, “Tango” et Tauromachie”-, une rétrospective des films de l’actrice Sara Montiel, des stages de danse -sevillanas, basque, catalanes ou tangos- et des stages de chant -traditionnel et “classique”-, un ballet sur les œuvres du Greco par Elisa Martin Pradal et, bien sûr, beaucoup de musique.
Tous les genres étaient abordés, avec la présence de l’ensemble “La Colombina”, où l’on retrouvait des chanteurs bien connus des amateurs de musique ancienne comme Maria Cristian Kiehr, Josep Benet ou Josep Cabre, souvent associés à Jordi Savall, un concert de Zarzuela par le ténor Manuel Sirera ou des extraits du Llibre vermell de Montserrat par l’ensemble “Colophanie”.

Mais le vrai choc fut le concert réunissant Cristina Branco et Carmen Linares.
Dans le cadre hideux, entre blockhaus néo-stalinien et gymnase désaffecté, du Hall Comminges de Colomiers, la belle portugaise a donné une des ces soirées qui comptent dans la mémoire d’un mélomane. Par la grâce d’une voix envoûtante, tout à la fois forte, claire et libre dans l’aigu, et comme doucement voilée d’une légère raucité dans le grave, elle amène la mélancolie propre au fado à un point indicible. La sincérité bouleversante de ce chant, tout à la fois doux et engagé, se pare d’une élégance naturelle du geste et d’une beauté rayonnante qui porte le comble à l’émotion. Dans une volonté de renouvellement, elle chante certes les classiques du genre, mais également des textes de grands poètes, comme Pessoa, mis en musique récemment, accompagnée par une ensemble dont on peut détacher l’étonnante virtuosité de Custodio Castelo à la guitare portugaise.
Peut-être trouverez-vous le ton de cette critique quelque peu lyrique en regard des commentaires parfois sévères consacrés à certain artistes “classiques”. Mais, même s’il s’applique à une musique que l’on peut trouver à la limite de la variété, le talent de Cristina Branco est si incontestable, si évident, qu’il dépasse toute querelle de genres, et la découverte d’une voix d’une telle beauté est une expérience à ne pas rater. D’autre part, la sincérité si évidente et si frappante, l’engagement total audible dans le chant de cette jeune artiste, pourraient servir de modèles à bien des “stars” confirmées du lyrique.

Carmen Linares est une artiste mieux connue du public puisque, outre sa collaboration avec le cinéaste Carlos Saura, elle a également enregistré l’Amour sorcier de Falla sous la direction de Josep Pons et les Canciones populares antiguas de Garcia Lorca. Mais, si l’on peut là aussi évoquer l’engagement total et la sincérité de sa prestation, impossible en tout cas de parler de la beauté de sa voix. C’est en effet avec un timbre de grande fumeuse en phase terminale, écorché et parfois même douloureux, que la grande cantaora nous a donné une leçon de flamenco pourtant indéniable. Indéniable par l’âme d’un chant torturé mais prenant et par son ardente vitalité. Souffle sur son Cante Jondo l’esprit de Falla, celui d’une Espagne du Sud tout à la fois traditionnelle et réinventée, tout sauf “folklorique”. Mais le flamenco se voit tout autant qu’il s’écoute, se danse tout autant qu’il se chante, et il était parfois frustrant de voir sortir une musique d’une telle énergie de cinq musiciens sagement assis sur leurs chaises.

Cristina Branco se produira à nouveau dans la région le 27 octobre 2000, dans le cadre de la programmation du Parvis de Tarbes. Si vous ne l’avez jamais entendue ou vue, courez réserver vos place, vous ne serez pas déçus!


Laurent Marty

 

 

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