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Une leçon de direction d’orchestre

Paris
Théâtre du Châtelet
09/15/2011 -  et 24 septembre (Bucuresti), 3 (Dijon), 7 (Essen) décembre 2011, 12 (Barcelona), 13 (Vittoria) mars 2012
Gustav Mahler : Symphonie n° 9
Orchestre national de France, Daniele Gatti (direction)


Après l’Orchestre de Paris et en attendant celle de l’Orchestre philharmonique de Radio France, voici venue la rentrée du National pour la saison musicale 2011-2012. Au menu, un programme chargé cette année encore avec des chefs de renom (outre Daniele Gatti et Kurt Masur, actuel et ancien directeurs musicaux de la phalange, on verra donc l’orchestre dirigé aussi bien par exemple par Sir Colin Davis que par David Zinman ou John Eliot Gardiner) et un répertoire diversifié (on jongle ainsi entre Mahler et Berlioz, Wagner avec une version de concert de Parsifal très attendue et Debussy, Ibert et Donizetti). Quant aux solistes instrumentaux et vocaux (Anne-Sophie Mutter, Antonio Meneses, Marie-Nicole Lemieux, Emmanuel Ax, Han Na Chang…), ils ne font que renforcer l’attente de concerts qui, sur le papier en tout cas, font augurer de superbes moments.


En octobre 2009, Daniele Gatti et l’Orchestre national de France ont entamé un cycle monumental au cours duquel sont données l’intégrale des Symphonies de Gustav Mahler ainsi que plusieurs autres œuvres comme, par exemple, Das klagende Lied ou des extraits du Knaben Wunderhorn. Après notamment une Huitième Symphonie particulièrement réussie et en attendant la Dixième dans la «version Cooke», place ce soir à la dernière symphonie achevée du compositeur autrichien, la Neuvième (1909), créée à titre posthume en juin 1912 sous la direction de Bruno Walter. Après avoir pu l’entendre par trois fois l’année dernière à la Salle Pleyel sous la direction de Claudio Abbado, exceptionnel, avant Gustavo Dudamel, nettement moins convaincant, et Valery Gergiev, dans le cadre par contre d’une intégrale de haute volée, c’est donc au tour de Daniele Gatti de nous livrer sa propre vision de cette symphonie crépusculaire. Nulle appréhension à avoir: le chef italien connaît a priori son affaire. D’ailleurs, n’est-ce pas lui que l’Orchestre philharmonique de Vienne a justement choisi pour le diriger, dans cette même Neuvième, lors du concert célébrant officiellement le centenaire de la mort du compositeur le 18 mai dernier sous les ors du Staatsoper?


Et force est de constater que Gatti aura été tout effectivement impressionnant par sa maîtrise de la partition et du moindre détail d’une orchestration foisonnante. Sa gestique, extrêmement claire et précise, son art des transitions, sa parfaite connaissance de l’œuvre (il ne néglige aucun départ ni aucune intervention, qu’il déclenche soit par ses mains ou son regard, par un hochement de tête ou un léger soulèvement d’épaule) en font le principal artisan de la réussite de cette soirée. Les applaudissements nourris tant des spectateurs que de l’orchestre n’en sont, à la fin du concert, que la juste illustration et l’évidente reconnaissance. Or, ces qualités ne sont-elles pas également un handicap ? Dans une anecdote célèbre, Herbert von Karajan aimait à dire que la devise «Don’t disturb it» («Ne le dérangez pas») est peut-être le meilleur conseil qu’on puisse donner à un chef à l’égard de l’orchestre en face de lui. Et c’est effectivement ce que l’on regrette parfois chez Daniele Gatti, à savoir un certain manque de liberté des instrumentistes face à l’omniscience d’un chef qui, ce soir, ne pouvait être ignorée.


De fait, plusieurs passages s’avèrent quelque peu bridés et ne trahissent aucune folie, aucun débordement alors que certains chefs (on ne peut pas ne pas penser à Claudio Abbado il y a quelques mois…) allient à la fois exubérance de la partition et maîtrise d’un orchestre nécessairement pléthorique qui, ce soir, dépassait allégrement les quatre-vingt-dix musiciens. Le deuxième mouvement se révèle ainsi beaucoup trop sérieux, pas assez sarcastique (à l’image de ce que peut également être le deuxième mouvement de la Quatrième), handicapé au surplus par un tempo retenu et une approche pesante. Le premier mouvement avait d’ailleurs déjà suscité quelques appréhensions à cet égard: si la lecture de Gatti se voulait d’emblée celle d’un entomologiste au détriment de la définition de grandes lignes de force (n’est-ce pas là un contresens chez Mahler?) et de la souplesse mélodique, on se laisse néanmoins convaincre par une perfection instrumentale évidente. Des bois au meilleur d’eux-mêmes (soulignons en particulier, au-delà de l’ensemble du pupitre de clarinettes, la clarinette en mi bémol de Jessica Bessac) et des cordes généralement dotées d’une impressionnante cohésion (les violoncelles étant tous placés sur une estrade, les violons et altos occupant pour leur part l’ensemble du premier cercle de musiciens autour de l’estrade du chef) permirent à l’orchestre de démontrer une fois encore son excellence. On ne peut davantage passer sous silence les interventions des cuivres, dominés par le cor superlatif de Vincent Léonard et la trompette tout aussi conquérante de Guillaume Couloumy (jeune musicien qui, depuis le mois de janvier 2007, occupe le poste de trompette solo de l’Orchestre symphonique de la Radio de Hambourg). Pour autant, une certaine déconvenue pointait jusqu’à ce que...


... jusqu’à ce que les deux derniers mouvements arrivent. Le troisième est lancé à vive allure, les sons fusant des quatre coins de la scène, Gatti ne se perdant dans aucune conjecture et prenant le mouvement à bras-le-corps sans, toujours, omettre pour autant le moindre détail de la partition. La fin de celui-ci éclate et frappe le public avant que, dans une large respiration, Daniele Gatti ne lance les cordes dans l’introduction de l’Adagio conclusif tant attendu. Incontestablement, ce fut le couronnement de la soirée. Encore une fois, la cohésion et l’ampleur des cordes du National (qui faisaient parfois défaut dans le premier mouvement) prennent immédiatement mille couleurs, passant avec doigté de l’apaisement le plus impressionnant au tragique le plus inquiétant. Les derniers accords se prolongent par plusieurs secondes de silence absolu, chacun souhaitant savourer pleinement ce chant d’adieu. Aussi ne peut-on que saluer la réussite de ce concert qui, même s’il aura été en demi-teinte lors des deux premiers mouvements, laisse augurer une tournée triomphale de l’Orchestre national dans les semaines et mois à venir.


Le site de l’Orchestre national de France



Sébastien Gauthier

 

 

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