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Le dandy et la glamoureuse

Paris
Salle Pleyel
09/14/2011 -  et 15* septembre 2011
Hector Berlioz : Le Corsaire, opus 21, H. 101
Frédéric Chopin : Concertos pour piano n° 1, opus 11 (*), et n° 2, opus 21
Ludwig van Beethoven : Symphonie n° 5, opus 67

Khatia Buniatishvili, Jan Lisiecki (*) (piano)
Orchestre de Paris, Paavo Järvi (direction)




A la mi-septembre, l’Opéra a certes rouvert, avec la reprise de deux spectacles (voir ici), mais la saison ne donne l’impression de véritablement battre son plein que lorsque les trois principales phalanges de la capitale font leur rentrée, généralement au cours de la même semaine et même, compte tenu de leur agenda habituel, en trois jours consécutifs. Fidèle au mercredi (et au jeudi, qu’il partage avec le National), l’Orchestre de Paris est cette année encore le premier sur la ligne de départ, avec son directeur musical, Paavo Järvi, deux semaines après leur brève tournée en Autriche et en Estonie.


Ces deux premières soirées sont dédiées à la mémoire de Luben Yordanoff, qui, disparu le 4 septembre dernier à l’âge de quatre-vingt-quatre ans, fut, dès la création de l’orchestre et durant près d’un quart de siècle (1967-1991), son premier violon solo. Une telle longévité fait d’ailleurs regretter que l’hommage ne consiste pas en l’interprétation d’une pièce de circonstance, ni même en une minute de silence précédée d’une annonce, mais prenne simplement la forme d’un texte placé au début du programme de salle – au demeurant inexact: s’il a effectivement donné la première mondiale du Concerto de Jolivet en février 1973 (sous la direction de Zdenĕk Mácal) et même s’il est vrai qu’il interpréta à Paris à deux reprises en mai 1968 le Concert royal (Troisième Concerto) de Milhaud (sous la direction de Jean-Pierre Jacquillat), ce n’est pas lui mais Jaime Laredo qui a créé cette œuvre, écrite dix ans plus tôt pour le Concours Reine Elisabeth.


Le programme se coule non seulement dans l’immuable moule ouverture/concerto/symphonie, mais plonge ses racines au plus profond de la tradition de cette formation héritière de la Société des concerts du conservatoire, avec deux de ses compositeurs d’élection, Beethoven et Berlioz, qui seront également au centre du désormais traditionnel samedi «Portes ouvertes» (à entrée libre), le matin (pour un public plus familial) et l’après-midi. Il faudra par conséquent attendre un peu pour trouver des choix audacieux (et prometteurs): Messe solennelle de sainte Cécile de Gounod, Onzième Symphonie de Tubin, Symphonie en mi de Rott, La Tragédie de Salomé de Schmitt, Sinfonía India de Chávez.


Mais c’est donc Le Corsaire (1844/1851) qui se lance à l’abordage de 2011-2012: flamboyante, incisive et colorée, l’ouverture de Berlioz montre un orchestre et un chef qui ont visiblement envie d’en découdre et paraissent heureux de retrouver la salle Pleyel, au point de manifester cette joie de façon quelque peu bruyante. Puis le déroulement du concert offre une variante, confiant successivement, le mercredi et le jeudi, l’un des deux Concertos de Chopin à un jeune soliste.



J. Lisiecki (© Andras Schram)


Le mercredi, Jan Lisiecki, fait, à seize ans (et demi), ses débuts avec l’Orchestre de Paris – pas de quoi l’impressionner, puisqu’il s’est produit à Carnegie Hall voici déjà trois ans et qu’il est sous contrat avec Deutsche Grammophon, l’Institut Frédéric Chopin ayant cependant publié l’an passé son premier disque, comprenant précisément les deux Concertos. Dans le Premier (1830), le Canadien déploie assurément de belles qualités, nonobstant un petit incident dans la coda de la Romance, où l’orchestre met quelque temps à se recaler avec lui: solidité d’une technique qui sait se faire aussi agile que discrète, richesse d’un jeu qui évite tout effet percussif, soin apporté à la sonorité, amplitude dynamique étendue. Dès lors, son aptitude à réaliser des choses magnifiques est certaine, mais il utilise ses facultés davantage en esthète qu’en poète, pour livrer une interprétation personnelle qui prend le risque de sembler décousue à force d’être recherchée et rhapsodique, entre fièvre et langueur. D’une voix forte et dans un français assuré, Lisiecki annonce la Deuxième (en ut dièse mineur) des trois Valses de l’Opus 64 (1847) de Chopin puis l’Aria des Variations Goldberg (1742) de Bach: inutile de préciser auquel des deux bis son dandysme pianistique convient le mieux.



K. Buniatishvili (© Julia Wesely)


Le jeudi dans le Second Concerto (1829), de nouveau devant une salle comble et avec l’accompagnement très appuyé de Järvi, Khatia Buniatishvili, dont la biographie prend le soin de préciser qu’elle réside dans la capitale depuis avril dernier, fait également ses débuts à l’Orchestre de Paris. Elle se présente elle aussi avec un curriculum vitæ tout aussi brillant: troisième prix au concours Rubinstein en 2008, elle effectue sa première apparition à Carnegie Hall la même année, précisément dans ce concerto, et est enrôlée par Sony pour un premier disque récemment paru et dédié à Liszt. Si, à vingt-quatre ans, elle fait presque figure de vétérane par rapport à son cadet canadien, elle n’offre guère davantage de satisfactions ou de poésie. Dans une scintillante robe noire glamour, elle démontre sans peine qu’elle maîtrise remarquablement le clavier, mais comme la veille, il n’est pas évident de savoir quelle est la finalité d’une telle maîtrise. Sans doute moins maniérée et plus cohérente, mais aussi plus roublarde, parfois même raide et distante, elle reste à la surface de la partition. Et dans le Finale, certes marqué Allegro vivace, elle confirme sa tendance, déjà constatée en récital il y a six ans, à se hâter excessivement, bousculant le propos et avalant les traits.


La Géorgienne, qui sera à l’affiche de la Cité de la musique le 5 janvier en récital, prend congé sur un seul bis, le Troisième Rêve d’amour (1850) de Liszt, trituré moins par certaines libertés avec le texte que par une volonté d’en faire beaucoup trop, entre étirement et précipitation. Nul doute qu’au fil de la saison de l’Orchestre de Paris, d’autres pianistes inviteront le public à s’approcher plus près du cœur de la musique: en tout cas, les prétendants ne manquent pas – Menahem Pressler, Jorge Luis Prats, Dang Thai Son, Bertrand Chamayou, Till Fellner, Yefim Bronfman, Maria João Pires, Radu Lupu, Romain Descharmes, Alexander Toradze, Jean-Frédéric Neuburger et Boris Berezovsky.


Retour au tronc commun du programme pour la seconde partie, entièrement consacrée à la Cinquième Symphonie (1808) de Beethoven. Alors que le choix d’un tel tube aurait pu traduire de façon agaçante une certaine paresse, il était en réalité tout à fait stimulant. Car si l’on attend beaucoup du mandat de Järvi en matière de musique scandinave et moderne, il est également arrivé à Paris précédé d’une solide réputation beethovénienne, dont témoigne l’intégrale qu’il a gravée avec sa Philharmonie de chambre de Brême pour RCA. Dans la brochure de saison, il indique toutefois: «Bien sûr, avec l’Orchestre de Paris, la Symphonie n° 5 sonnera différemment. Je dois trouver une autre voie, qui s’appuie sur son caractère et sa personnalité spécifiques.» Mais la Quatrième, en mars dernier, était d’excellent augure.


La Cinquième ne confirme hélas ni les promesses du disque, ni celles du concert du printemps. Son enregistrement en avait fait une «symphonie de révolution» plutôt qu’une «symphonie du destin», mais c’est plutôt une «symphonie des grosses ficelles» qu’on entend ici. Car si le fameux rythme initial saisit l’auditeur, avec l’effet dramatique de ses points d’orgue très raccourcis, la suite déçoit par sa tendance à rouler des mécaniques, avec un effectif étonnamment fourni (soixante cordes, dix de plus que pour la Quatrième) que Hartmut Haenchen avait utilisé, en mai 2010, de manière certes plus conventionnelle mais surtout plus aboutie. Pourquoi ces effets de manche, ces intentions décoratives, cette affectation, comme dans ce phrasé cocasse du thème de l’Andante con moto? Alors que dans son intégrale discographique, il avait convaincu par sa capacité à aller à l’essentiel en même temps que par son caractère innovant, il se perd en détails et bizarreries, oubliant la ligne directrice, défaut rédhibitoire dans ce répertoire. Le chef américain d’origine estonienne doit aux spectateurs parisiens une revanche dans Beethoven: rendez-vous en 2012-2013!


Le site de l’Orchestre de Paris
Le site de Paavo Järvi
Le site de Jan Lisiecki
Le site de Khatia Buniatishvili



Simon Corley

 

 

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