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Ronflant

Paris
Salle Pleyel
09/07/2011 -  et 10 septembre 2011 (Bonn)
Ludwig van Beethoven : Concerto pour piano n° 4, opus 58
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Symphonie n° 5, opus 64

Hélène Grimaud (piano)
Pittsburgh Symphony Orchestra, Manfred Honeck (direction)


M. Honeck (© Jason Cohn)


Le grand carrousel des grandes phalanges américaines de la côte Est et de leurs directeurs musicaux se poursuit rue du faubourg Saint-Honoré: après Chicago avec Riccardo Muti et deux jours avant Philadelphie avec Charles Dutoit, c’est Pittsburgh avec Manfred Honeck, par ailleurs en poste à l’Opéra de Stuttgart depuis 2007 et premier chef invité de la Philharmonie tchèque depuis 2008. Le chef autrichien entame sa quatrième saison en Pennsylvanie par douze concerts donnés dans dix villes différentes entre le 26 août et le 11 septembre, principalement en Allemagne, mais aussi en Lituanie, Autriche, Suisse et Grande-Bretagne. Comme on est trop souvent amené à le constater avec les orchestres en tournée, l’étape française demeure quelque peu en retrait par rapport aux autres programmes que l’orchestre présente durant les deux semaines de son séjour européen: pas de Rihm, par exemple, ni même le quart d’heure d’extraits des alléchantes Apparitions fantastiques d’un thème d’Hector Berlioz de Braunfels, auquel les Proms auront pourtant eu droit en introduction d’un programme par ailleurs rigoureusement identique à celui de Paris.


Anne-Sophie Mutter, que le public parisien retrouvera dès le 29 novembre (avec le Symphonique de Londres) puis le 19 avril (avec le National), accompagnait l’orchestre et son chef à l’occasion de leur précédente venue salle Pleyel en mai 2010 et se produit de nouveau avec eux à huit reprises. C’est Hélène Grimaud qui est la soliste pour les quatre autres dates de cette tournée, en avant-première d’un mois de novembre où l’on pourra l’entendre à pas moins de cinq reprises à Pleyel ou à la Cité de la musique: le 1er (avec l’Orchestre de l’Académie Sainte-Cécile), les 3 et 5 (avec l’Orchestre de chambre de la Radio bavaroise), le 6 (avec le violoncelliste Jan Vogler) et le 28 (avec le Symphonique de Londres). Nonobstant ces nombreux rendez-vous annoncés, la pianiste française, comme Muti la semaine précédente, n’en a pas moins presque fait le plein à Pleyel.


Ayant enregistré le Quatrième Concerto (1806) de Beethoven voici plus de dix ans à New York avec Kurt Masur (Teldec), elle l’a déjà donné en mars 2009 (avec l’Orchestre de Paris et David Zinman) et elle l’avait également choisi en avril 2010 (avec le symphonique de la Radio suédoise et Daniel Harding), devant finalement y renoncer pour raisons de santé. L’œuvre lui tient donc indéniablement à cœur, et on ne se surprend donc pas, dès les cinq fameuses mesures introductives, à l’y trouver plus impliquée que lors de certaines de ses précédentes prestations: faisant sonner l’instrument de façon ample et puissante, elle semble en revanche peiner à trouver une cohérence dans la partition, entre étude et exploration, entre souci accordé au détail et véhémence, entre hâte (cadence du premier mouvement) et maniérisme.


Malgré quelques décalages, l’accompagnement est en phase avec ce piano volontiers puissant: à la tête de cinquante cordes, Honeck n’hésite pas en effet à recourir à des effets de masse. L’orchestre joue cependant de malchance en succédant immédiatement à celui de Chicago: malgré un monumental loupé des cordes au tout début du mouvement central, il ne le cède certes guère en cohésion, mais se montre instrumentalement moins au point, notamment du côté des bois – il est vrai en l’absence des premiers pupitres, qui se réservent pour la seconde partie. Hélène Grimaud se fait un peu prier, mais finit par accorder en bis la Première des Trois nouvelles études (1839) de Chopin: bonus aussi bref que fascinant, car elle en exploite les ambiguïtés rythmiques et en exalte le caractère romantique avec une habileté telle qu’elle parvient à élever cette page généralement négligée au niveau de la Neuvième des Etudes de l’Opus 10, elle aussi en fa mineur.


Si l’Orchestre de Pittsburgh s’inscrit dans la succession très rapprochée de formations américaines à Pleyel, il prend en même temps part à une autre série de cette rentrée, celle des grandes Cinquièmes russes: après celle de Chostakovitch – qu’il avait d’ailleurs interprétée l’an passé – par Chicago et Muti, et avant celle de Prokofiev par le Philharmonique de Radio France et Mikko Franck, voici donc celle de Tchaïkovski (1888). Honeck en avait offert une excellente version avec le Philharmonique de Radio France en novembre 2007, mais quatre ans plus tard avec son orchestre, le sentiment est nettement moins favorable. Soixante-deux cordes (dont vingt violoncelles et basses) et des pupitres doublés (bois, trompettes): il annonce clairement la couleur – textures épaisses et prétentions ronflantes. S’il évite, grâce à des tempi le plus souvent rapides, que l’ensemble ne s’enlise et s’il obtient de spectaculaires moments de virtuosité orchestrale (Trio de la Valse, partie centrale du Finale), les bois se révélant nettement meilleurs que dans Beethoven, il ne s’attache cependant pas du tout à la continuité du discours. Picorant dans la musique par coups de projecteur de plus ou moins bon goût, comme cette manière mahlérienne de demander aux clarinettes de diriger le pavillon vers le haut pour mieux faire ressortir leur voix, il se livre essentiellement à une démonstration technique de ses dons et de ceux de son orchestre.


«Je suis parvenu à la conviction qu’elle est manquée. Il y a quelque chose en elle de repoussant, de trop disparate, un manque de sincérité, une affectation.» S’il revenait parmi nous, Tchaïkovski, dont plusieurs extraits de lettres sont opportunément cités dans le programme de salle, ne serait-il pas confirmé dans ses doutes sur sa Cinquième Symphonie? Legato baveux, ralentis coupables, changements incessants de nuances dynamiques et de tempi: pas plus russe que Muti dans Chostakovitch et tout aussi décevant que dans cette même Cinquième de Chostakovitch l’année passée, le chef paraît vouloir tout faire pour donner raison au sévère jugement du compositeur.


La présence sur scène de pupitres restés jusqu’alors inemployés laissait présager des bis, attendus impatiemment par des spectateurs qui font fête au Symphonique de Pittsburgh et à Honeck, lui-même très applaudi pas ses musiciens: effectivement, la harpe avait été installée en vue de l’Intermezzo (entre les deuxième et troisième actes) de la Première Suite de Carmen (1875) de Bizet et les percussions contribuent au Galop final de la Suite de Mascarade (1940/1944) de Khatchatourian, où, comme en 2010, le clarinettiste Michael Rusinek, peu avant la fin, enrichit sa cadence de citations plaisantes et inattendues.


Le site de l’Orchestre symphonique de Pittsburgh
Le site d’Hélène Grimaud



Simon Corley

 

 

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