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Un Poniatowski compositeur

Cracow
Eglise du Sacré Cœur
07/17/2011 -  
Joseph Michel Xavier Poniatowski : Messe en fa, pour quatre solistes, chœur et piano
Monika Mych (soprano), Agnieszka Monasterska (mezzo-soprano), Mikolaj Adamczak (ténor), Artur Rozek (baryton), Octava Ensemble, Marceli Kolaska (direction)
Bartlomej Kominek (piano)




C’est la septième édition du festival polonais de Cracovie, qui se déroule pour la première fois en juillet et non plus en novembre : « La Philharmonie et l’Opéra sont fermés, nous dit son nouveau et dynamique directeur Pawel Orski, Cracovie attire beaucoup de touristes, il faut leur proposer de la musique. L’esprit du festival, lui n’a pas changé : nous voulons promouvoir la musique polonaise, en invitant des artistes étrangers à la mettre à leur répertoire. » Formé lui-même à l’Académie de musique de Cracovie, où il a notamment étudié le chant, il rêve de faire du festival un « Salzbourg, un Bregenz ou un Edimbourg polonais ». Voici donc, pour les mélomanes de passage, l’occasion de réécouter évidemment Chopin, mais aussi, pour beaucoup, de découvrir des compositeurs peu fréquentés par les interprètes. Même en Pologne, on joue peu Zygmunt Noskowski, grand pédagogue, le maître des membres de « la jeune Pologne en musique », notamment de Szymanowski. Grazyna Bacewicz, qui incarna l’avant-garde avec un Lutoslawski, un Penderecki, un Tadeusz Baird, a peu les honneurs du concert. La musique d’aujourd’hui, qu’elle soit représentée par le vétéran Zbigniew Bargielski (1937), la quadragénaire Hanna Kulenty (1961) ou le plus jeune Aleksander Nowak (1979), doit être écoutée. Si le symphonique a peu de part dans la programmation, c’est une question de budget : « Nous connaissons, comme partout, des restrictions. Alors que la subvention ministérielle est assurée pour trois ans, la ville renouvelle la sienne chaque année et nous n’en avons connu le montant exact qu’un mois avant le début du festival ! Impossible, dans ces conditions, d’organiser à l’avance un ou plusieurs concerts symphoniques d’envergure. »



La rareté, à vrai dire, s’incarne surtout en Joseph Michel Xavier Poniatowski (1816-1873), neveu du célèbre maréchal de France, petit-neveu du dernier roi de Pologne et arrière grand-père de l’ancien ministre de l’Intérieur. L’illustre famille eut ainsi son compositeur, ténor virtuose, italien de naissance, naturalisé Français, sénateur du Second Empire, qui suivit Napoléon III dans son exil londonien. De grandes scènes créèrent ses opéras et son Pierre de Médicis, exhumé par le festival, fut représenté par l’Opéra de Paris en 1860, où il séduisit assez pour connaître plus de quarante représentations, avant d’être accueilli à Marseille, Madrid et à la Scala – ce plus grand succès lyrique de Poniatowski disparut ensuite et il a fallu recopier et corriger les parties conservées à la Bibliothèque de l’Opéra de Paris. Une histoire d’amour sur fond de politique, totalement imaginaire, dans l’esprit de l’opéra de l’époque, entre Donizetti et Meyerbeer, Rossini et Auber, avec passages virtuoses, ballet et grands ensembles, rappelant parfois le premier Verdi et exigeant des voix très sûres, à commencer par un ténor allant au-delà du contre- - une grande fugue vocale, en revanche, annoncerait plutôt Falstaff. Musique diablement bien faite, qui ne vous lâche pas même si elle reste un peu brute. Sans doute le « clou » du festival, où le très prometteur Florian Sempey, membre de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris, portera les couleurs du jeune chant français dans le rôle du baryton.


On a pu également entendre à Cracovie la première polonaise de la Messe en fa, pour solistes, chœur, harmonium, orgue ou piano. On se réjouit que le festival ait préféré celui-ci, tant l’écriture est pianistique, volontiers lisztienne. Poniatowski connaissait-il la Petite Messe solennelle de Rossini ? Créée en 1873 et éditée à Londres chez Boosey, dédiée au roi du Portugal, la partition porte la marque de son temps, oscillant entre la grande tradition chorale et un style plus opératique qui révèle, là encore, son intimité avec les modèles français et italiens. Une musique aussi agréable qu’efficace, collant bien au texte liturgique et remarquablement écrite pour les voix par le musicien chanteur : fugues jubilatoires pour la fin du « Gloria » et l’Amen conclusif, fanfares pour le début du « Credo », « Sanctus » intimiste, etc. Jolis solos ici ou là, en particulier pour la soprano, qui doit affronter de très théâtraux écarts dans l’évocation de la passion, mais aussi pour le baryton, soliste d’un « Agnus dei » recueilli – où l’on croit retrouver mutatis mutandis les premières mesures de la marche des Puritains de Bellini. Le baryton et le ténor ont d’ailleurs droit à un beau duo au moment du « O salutaris hostia », inséré entre le « Sanctus » et le « Credo », dont l’accompagnement rappelle cette fois la partie de violoncelle de la dernière partie de l’air de Rigoletto. Si l’on n’a pas connu une révélation fracassante, on a passé un excellent moment à l’écoute de cette Messe – alors qu’on grave tout et n’importe quoi, elle pourrait faire l’objet d’un CD.


Il est vrai que, accompagnés au piano par un excellent Bartlomej Kominek, les huit jeunes chanteurs de l’Octava Ensemble se sont montrés remarquables d’homogénéité et de précision, sous la direction à la fois vive et fervente de Marceli Kolaska – on a notamment remarqué l’émission souple des sopranos, aux aigus jamais forcés, les beaux timbres des basses. Les solistes ont eux aussi pleinement rendu justice à la partition, là encore de jeunes interprètes polonais, comme dans la plupart des concerts du festival, qui réserve une place de choix aux lauréats des Conservatoires et des Académies de musique du pays, souvent titulaires de prix de concours nationaux ou internationaux. Monika Mych séduit aussitôt par la richesse de sa voix faite pour l’opéra, l’égalité de la tessiture et la pertinence stylistique. Moins gâtée par le compositeur, Agnieszka Monasterska révèle un beau mezzo qui ne disparaît pas dans les ensembles. Mikolaj Adamczak, en revanche, a tendance à durcir l’émission de ses aigus, alors qu’il peut couronner le « O salutaris hostia » par un beau si bémol en voix de tête, et à chanter Puccini. Tout le contraire d’Artur Rozek, baryton au timbre chaud, superbe de phrasé dans l’« Agnus dei ».


Le site du festival



Didier van Moere

 

 

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