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Bel hommage

Paris
Hôtel de Soubise
07/22/2011 -  
Joseph Haydn : Quatuor n° 79, opus 76 n° 5
Ondrej Adámek : Quatuor n° 2 «Lo que no’ contamo’»
Béla Bartók : Quatuor n° 2, opus 17, sz. 67
Robert Schumann : Quatuor n° 1, opus 41 n° 1

Quatuor Girard: Hugues et Agathe Girard (violon), Mayeul Girard (alto), Lucie Girard (violoncelle)


Le Quatuor Girard (© François Séchet)


Dans le cadre du festival européen «Jeunes talents», solos, duos et trios se succèdent à l’hôtel de Soubise, toujours salle des gardes en attendant qu’un hypothétique retour du beau temps permette de songer de nouveau à jouir des agréments du plein air dans la cour de Guise. Mais sans que cela puisse évidemment être attribué à une volonté délibérée, seul un quatuor est à l’affiche cette année. Pour cette unique soirée dédiée à la formation reine de la musique de chambre, il ne fallait donc pas se tromper et Laurent Bureau, directeur artistique du festival, a eu raison de s’en remettre à Miguel da Silva, membre du Quatuor Ysaÿe, dont la classe au conservatoire à rayonnement régional de Paris jouit d’une très flatteuse réputation: l’altiste lui a recommandé le Quatuor Girard, l’un des ensembles dont il a la charge, en l’occurrence depuis 2010.


Tous issus de la même fratrie (même les Hagen ne sont que trois!), nés entre 1983 et 1991 – Agathe, second violon, vient tout juste de fêter ses vingt ans – les musiciens avaient précédemment suivi l’enseignement de François Salque au CNSM. Ils se produisent ici avec le soutien du prix que Mariette Job, sur les conseils de «Jeunes talents», attribue en mémoire de sa tante Hélène Berr (1921-1945), une étudiante juive, par ailleurs excellente violoniste, qui, à l’image d’Anne Frank mais sans devoir rester terrée chez elle comme la jeune Néerlandaise, tint son journal d’avril 1942 à février 1944 (publié voici trois ans seulement chez Tallandier), peu avant son arrestation avec ses parents, leur déportation à Auschwitz et leur assassinat à Bergen-Belsen.


Depuis sa prestation à l’Opéra Comique en février 2010 dans un rare programme Cherubini/Gounod/Hérold, le Quatuor Girard a remarquablement évolué, comme le montre d’emblée le Soixante-dix-neuvième Quatuor de Haydn cinquième de l’Opus 76 (1797). Sobre jusque dans une personnalité sonore modérément affirmée, l’interprétation se caractérise avant tout par une excellente mise en place et un style irréprochable. La cohésion des frères et sœurs était sans doute attendue, mais leur homogénéité n’est pas moins remarquable, même si l’œuvre met plus particulièrement en valeur le très beau violoncelle de Lucie.


Un Menuet dynamique, net et précis, un Finale parfaitement enlevé, tout cela aurait déjà dû laisser prévoir qu’ils sauraient se départir de leurs faux airs de premiers de la classe. Mais à les voir s’attaquer au Deuxième Quatuor «Lo que no’ contamo’» (2010) d’Ondrej Adámek, cela ressemble à Mireille Mathieu – d’origine avignonnaise, comme eux – se mettant au rap. Prix de composition en 2006 au CNSM, le Tchèque (né en 1979) s’est déjà fait connaître dans la capitale, par exemple avec Nôise, créé en février 2010 à la Cité de la musique. Comme le laisse supposer son sous-titre, la partition, destinée au Quatuor Diotima, qui en a donné la première audition l’an dernier à Donaueschingen (voir ici), est inspirée de l’Espagne, et plus particulièrement du flamenco: pieds marquant vigoureusement la cadence sur le sol de l’estrade, coups frappés sur les caisses de résonance, violons – et, dans une moindre mesure, alto – transformés pendant plus de cinq minutes en guitares, pizzicatos réalisés avec l’aide d’un plectre métallique. S’y ajoutent d’autres effets spéciaux, spectaculaires, voire ludiques: petit tube de verre à l’index de la main gauche pour glisser sur les cordes et modifier ainsi la couleur, scordaturas complexes (et différant d’un instrument à l’autre), ... Le tout évoque les grandes heures de Penderecki revues par un humour à la Ligeti: rhapsodiques, tour à tour rageuses, sarcastiques, étranges, détraquées ou fantastiques, ces dix-sept minutes d’un seul tenant gagnent à être vues autant qu’entendues et sont peut-être plus plaisantes que profondes.


Après l’entracte, le Quatuor Girard s’attaque d’abord au Deuxième Quatuor (1917) de Bartók pour en livrer une version exemplaire, coulant de source, dès le Moderato initial, dans une atmosphère intense et poignante qui avait un peu manqué au Largo cantabile e mesto de Haydn. Ensuite, au fil d’un Allegro molto capriccioso âpre et sauvage puis d’un Lento désolé, la parenté de cette musique avec celle de la seconde Ecole de Vienne, plus spécialement de Berg, ressort nettement. XVIIIe, XXIe, XXe, il manquait encore le XIXe à ce copieux concert et à cette brillante démonstration de polyvalence et de flexibilité. Cette lacune (!) est comblée par Schumann: dominant tout autant le sujet que dans Bartók, les jeunes musiciens se révèlent en adéquation totale avec son Premier Quatuor (1842), qu’ils magnifient à l’égal de l’un des ultimes quatuors de Beethoven. Dans une grande fluidité, sans la moindre baisse de régime, tout y est – tendresse, énergie, passion, générosité – pour se conclure sur un Scherzo survolté, incisif et inquiet, qui sera bissé, et un Presto final renversant de virtuosité, de fougue et d’à-propos.


A la riche énumération de jeunes quatuors français – Ardeo, Ebène, Modigliani, Psophos, Raphaël, Voce, Zaïde – il convient donc d’ajouter le nom des Girard, qui rendent ainsi à Hélène Berr le plus bel hommage qui soit.


Le site du Quatuor Girard
Le site d’Ondrej Adámek



Simon Corley

 

 

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