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Un concept qui s’impose Aix-en-Provence Théâtre de l’Archevêché 07/06/2011 - & 8, 9, 12, 14, 16, 18, 20, 22, 24 juillet 2011 Giuseppe Verdi: La traviata Natalie Dessay (6, 9, 12, 16, 20, 24)/Irina Lungu (Violetta Valéry), Charles Castronovo (6, 9, 12, 14, 16, 20, 22, 24)/Fabrizio Mercurio (Alfredo Germont), Ludovic Tézier (Giorgio Germont), Adelina Scarabelli (Annina), Silvia de La Muela (Floria Bervoix), Manuel Nunez Camelino (Gastone), Kostas Smoriginas (Barone Douphol), Andrea Mastroni (Marchese d’Obigny), Maurizio Lo Piccolo (Dottor Grenvil)
Estonian Philharmonic Chamber Chorus, London Symphony Orchestra, Louis Langrée (direction musicale)
Jean-François Sivadier (mise en scène), Alexandre de Dardel (scénographie), Virginie Gervaise (costumes), Philippe Bertomé (lumières)
Le soixante-troisième Festival d’Aix-en-Provence entrait hier soir dans le vif du sujet avec une Traviata à l’affiche alléchante. Songez : Natalie Dessay, Charles Castronovo, Ludovic Tézier, et l’Orchestre symphonique de Londres.
Pourtant, dans les premières minutes, la mise en scène fait craindre le Py. On redoute le laboratoire expérimental, le sous-produit (c’est tout dire) du Regietheater. On trouve ce Jean-François Sivadier bien envahissant avec cette multitude de détails qui distraient. Ce n’est plus une scène, c’est une ruche. Agaçante même, cette mise en scène qui commence avant le prélude, tandis que les spectateurs s’installent. On cherche en vain les luxueux canapés de velours, les robes à cerceaux en mousseline, les flûtes à champagne en cristal guilloché, les gants de feutre gris souris, les cannes à pommeau, les habits de lumière. Rien. Tout ce demi-monde boit de la bière dans des verres à moutarde, assis sur des chaises de bistrot, dans un tripot sordide qui sert de décor aux quatre tableaux (ou presque, la campagne francilienne du deuxième acte étant évoquée par des calicots fleuris ou peints de nuages à la Magritte). On ne tarde cependant pas à se rendre compte que cette démarche a un sens, un double fil conducteur : celui de la souffrance d’un corps et de la distanciation dramatique que l’acteur/chanteur prend vis-à-vis de l’histoire. L’idée, qui mélange habilement la fiction et le réel, s’impose peu à peu et finit par séduire. Il faut dire qu’elle est portée par une distribution stellaire. Natalie Dessay, en formidable comédienne, signe une Violetta d’exception. On pourra dire que la Française n’est pas tout à fait un lyrico spinto, ou que les aigus ont un peu perdu de leur éclat, mais le rôle ne lui pose aucun problème. Les ornementations du « Sempre libera » sont ciselées avec justesse et agilité. Le « Addio del passato » au troisième acte offre un moment de grande intensité dramatique dans lequel Dessay montre d’étonnantes ressources après un parcours long et exigeant. Et les duos sont du même métal. Avec un Ludovic Tézier en très grande forme, le duo du deuxième acte est un autre moment fort. Le baryton français, sans doute encore un peu trop jeune pour être crédible physiquement dans le rôle de Giorgio Germont - d’autant moins qu’il n’est pas grimé - possède une émission facile, puissante, un timbre clair et une ligne de chant qui ne manque ni de noblesse ni d’autorité. Son « Di Provenza il mar, il suol » est justement très applaudi. L’Américain Charles Castronovo est tout à fait à sa place dans cet emploi de ténor. Il campe un Alfredo tout en immaturité, touchant et juste. Le timbre est lumineux et la projection irréprochable. Quant aux rôles secondaires, ils sont dignes d’éloges et homogènes dans la qualité. Cela vaut également pour le chœur de l’Orchestre philharmonique d’Estonie auquel on peut décerner une mention « très bien ».
L’Orchestre symphonique de Londres, qui donnera en tout dix-huit représentations à Aix cet été, resplendit de sonorité et de précision, en dépit de la baguette parfois nonchalante de Louis Langrée.
Cette Traviata aixoise est coproduite par les Opéras de Vienne et de Dijon où elle sera donnée respectivement en octobre et en décembre 2011.
Le site du Festival d’Aix-en-Provence
Le site du London Symphony Orchestra
Le budget du soixante-troisième festival
Christian Dalzon
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