About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Bête de scène

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
06/23/2011 -  
Serge Prokofiev : Symphonie n° 1 «Classique» en ré majeur, opus 25 – Concerto pour piano et orchestre n° 1 en ré bémol majeur, opus 10
Modest Moussorgski : Tableaux d’une exposition (orchestration Sergueï Gortchakov)

Denis Matsuev (piano)
Orchestre national de France, Kurt Masur (direction)


D. Matsuev


Pour son dernier concert de la saison au Théâtre des Champs-Elysées, l’Orchestre national de France affichait un programme exclusivement russe qui, en dépit de sa brièveté, n’en demeurait pas moins très attirant.


Peut-on dire que, d’une certaine façon, sous quelque déguisement, on a eu de nouveau droit au triptyque ouverture–concerto–symphonie? Car, prise à une allure rapide, la fameuse Symphonie «Classique» (1917) de Serge Prokofiev (1891-1953) peut avoisiner la durée du Prélude de Parsifal ou des Maîtres chanteurs! Mais Kurt Masur, qui s’est vu remettre trois jours plus tôt avec Pierre Boulez le prix de Gaulle-Adenauer et dont le poids des ans semble s’alourdir à chaque retrouvaille avec un orchestre qui l’adore et qu’il doit diriger à de nombreuses reprises au cours de la saison prochaine, aborde l’œuvre à une vitesse modérée. Même si l’on aurait apprécié un peu moins de raideur dans la «Gavotte» et un tempo un tant soit peu plus rapide dans le Finale, la symphonie est enlevée avec maestria, excellent hors-d’œuvre pour ce qui devait s’annoncer comme étant le plat de résistance.


Il peut paraître paradoxal, voire moqueur, de qualifier ainsi le Premier Concerto pour piano (1912) du même Prokofiev qui, partition de jeunesse, dépasse à peine le quart d’heure. Et pourtant, on sort de cette interprétation presque épuisé en raison du soliste de la soirée, Denis Matsuev. Jeune colosse doté de mains immenses à la Walter Gieseking, boule d’énergie sans cesse en mouvement (quand il ne joue pas, il s’essuie les mains avec un mouchoir et, quand il joue, il manque de tomber à chaque fois qu’il touche le clavier, emporté par son élan, toujours en train de frapper la mesure avec son pied gauche quand celui-ci consent à quitter la pédale), Denis Matsuev est un habitué des salles parisiennes, que ce soit à Pleyel accompagné par l’Orchestre de Paris dans le Deuxième Concerto de Tchaïkovski ou dans ce même théâtre de l’avenue Montaigne, avec le National, dans le Second Concerto de Franz Liszt. Et comme d’habitude, tout en étant subjugué par un jeu qui hypnotise le spectateur (que ce soit dans la cadence de l’Andante assai ou dans l’Allegro scherzando), on ne peut que regretter un jeu certes techniquement irréprochable mais où la violence est trop présente. Ce n’est pas une flamme qui éclaire, c’est un volcan tout entier qui engloutit ce pauvre piano (au point que l’on craint parfois pour son intégrité) et qui livre une lecture captivante – quelle facilité technique, encore une fois – de ce concerto de Prokofiev, dont Matsuev a plus fréquemment donné le Troisième (voir ici et ici). L’accompagnement millimétré de Masur à la tête d’un bon orchestre – on retiendra notamment les belles prestations, pleines d’humour, des cuivres et du piccolo dans le dernier mouvement – contribue à galvaniser le public qui se voit offrir deux bis par Matsuev: «Juin (Barcarolle)», extrait des Saisons (1876) de Tchaïkovski, puis le Precipitato final de la Septième Sonate (1942) de Prokofiev, éruptif et endiablé de nouveau: à n’en pas douter, les derniers morceaux de la structure interne du piano qui tenaient encore ont dû finir par s’effondrer à leur tour...


A défaut de symphonie, la deuxième partie du concert comportait une œuvre-phare du grand répertoire puisqu’il s’agissait des Tableaux d’une exposition de Modeste Moussorgski (1839-1881). Œuvre-phare certes mais dans l’orchestration (1954) de Sergueï Petrovitch Gortchakov (1905-1976) et non celle, généralement adoptée, de Maurice Ravel, ce qui suscitait le principal intérêt de cette interprétation, car nombreuses sont les différences! Que ce soit l’importance des cuivres dans la «Promenade» introductive, l’intervention du gong ou de la clarinette basse dans le «Gnomus», le fait que la partie soliste soit assumée non par un saxophone alto mais par une trompette dans «Il vecchio castello», le fait que la sonnerie soit jouée non par la trompette mais, cette fois-ci au contraire, par un saxophone soprano dans «Samuel Goldenberg et Schmuyle», la partition reste évidemment la même dans ses grandes lignes mais renouvelle considérablement l’écoute des Tableaux. Même si Kurt Masur, qui a dirigé cette version non seulement deux jours plus tôt au musée d’Orsay à l’occasion de la Fête de la musique mais aussi dès 2004 au Théâtre des Champs-Elysées, donne davantage d’impulsions avec son corps ou, le suppose-t-on, avec son regard qu’avec ses bras, souvent immobiles, le résultat est extrêmement convaincant à défaut d’être toujours délicat; il faut bien avouer, à la décharge du chef et des solistes (excellents, notamment dans les pupitres de cuivres), que l’orchestration s’avère tout de même beaucoup moins raffinée que celle de Maurice Ravel. Mais ce n’est naturellement pas une raison pour ignorer son existence...


Le site de Denis Matsuev



Sébastien Gauthier

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com