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Chouchou

Paris
Salle Pleyel
06/08/2011 -  et 9* juin 2011
Claude Debussy : La Mer
Maurice Ravel : Concerto en sol
Ludwig van Beethoven : Symphonie n° 7, opus 92

David Fray (piano)
Orchestre de Paris, Esa-Pekka Salonen (direction)


E.-P. Salonen (© Clive Barda)


Invité pour la première fois par l’Orchestre de Paris dès 1988 – il n’avait alors pas encore tout à fait trente ans – et très régulièrement revenu depuis 1999, Esa-Pekka Salonen est l’un des chouchous du public parisien: non seulement le chef, mais aussi le compositeur, au cœur de la programmation du festival Présences, en février dernier.


Le début du programme qu’il donne deux soirs de suite à guichets fermés salle Pleyel est prometteur: l’Orchestre de Paris, dans l’une de ses œuvres d’élection, qui figurait déjà à l’affiche de son premier concert en 1967, et Salonen, dans ce répertoire qui l’a fait connaître et apprécier, notamment dans la capitale lorsqu’il venait régulièrement au Châtelet avec le Philharmonia, dont il est devenu depuis chef principal et conseiller artistique. Il arrive que la mémoire joue des tours, mais il est peu probable qu’il ait alors dirigé de la sorte La Mer (1905), car c’est comme si le séjour qu’il a effectué entre-temps à Los Angeles avait déteint sur son approche de la partition. Mais peut-être ne faut-il pas incriminer cette proximité hollywoodienne, car son compatriote Jukka-Pekka Saraste avait donné en avril 2000 du triptyque debussyste une lecture d’esprit identique, straussienne par ses contrastes et son opulence, sorte de pendant pélagique de la Symphonie alpestre du maître bavarois, assise sur un confortable tapis de cordes (neuf contrebasses, et le reste à l’avenant). Comment ne pas y penser dans la péroraison de «De l’aube à midi sur la mer», lente et solennelle progression, presque immobile à ses débuts, vers un climax sur la corde raide entre grandeur et grandiloquence? N’hésitant pas à ralentir, parfois pour surligner le texte de manière excessivement maniérée, et recourant à des effets volontiers dramatiques, il laisse se déployer avec gourmandise une fête sensuelle et colorée de timbres, dans la filiation du Prélude à l’après-midi d’un faune, mais aussi le caractère spectaculaire d’une formidable démonstration de virtuosité instrumentale. Voici donc une interprétation, au sens fort du terme: inutile, dès lors, de s’offusquer de ce qu’elle possède de subjectivité et de personnalité, à une époque où c’est bien plus souvent une excessive standardisation qu’il faut déplorer. Et puis La Mer en a vu d’autres – qui ne se souvient de sa métamorphose intensément poétique sous la baguette de Svetlanov à la tête du National?


David Fray vient de fêter ses trente ans, mais c’est déjà la troisième fois qu’il se produit avec l’Orchestre de Paris: en mai 2007 puis en février 2010, il avait choisi Mozart, sans convaincre. Contrairement à ce qu’affirment le programme de salle... et Wikipedia, le Concerto en sol (1931) de Ravel ne résulte pas d’une commande de l’Orchestre symphonique de Boston pour son cinquantième anniversaire – Marcel Marnat, dans son indispensable monographie (Fayard) relève précisément: «On a peine à croire que Koussevitzky n’ait rien commandé à Ravel pour ce cinquantenaire [...] alors qu’Albert Roussel y envoya sa Troisième Symphonie». Quoiqu’il en soit, parmi les concertos du siècle passé, ce n’est pas le moins mozartien et il n’est donc pas étonnant d’y retrouver les qualités et limites des précédentes prestations du soliste, qui le donnera d’ailleurs en tournée avec Paavo Järvi fin novembre à Kyoto, à Tokyo puis à Pékin: sur sa chaise à la Gould ou à la Lupu, il cultive toujours précision et minceur du son plutôt que séduction et puissance, énergie rythmique plutôt que poésie, de telle sorte que les mouvements impairs ne manquent pas de vie et de mordant, tandis que le second thème de l’Allegramente initial et, surtout, l’Adagio assai, dépouillés sinon distants, auront laissé sur leur faim ceux qui préfèrent y trouver chaleur et lyrisme. En bis, il offre successivement les deux dernières Scènes d’enfants (1838) («L’enfant s’endort» et «Le poète parle») comme en 2010 à l’Orchestre de Paris, puis la «Courante» de la Sixième Partita, comme en mai 2010 avec le National: un Schumann extrême et un Bach TGV dont la tournure narcissique est sans doute renforcée par la vision qu’il donne de lui au clavier, visage torturé et mèche éternellement rebelle.


Après l’entracte, il rejoint le rang d’honneur pour la Septième de Beethoven: quelques mois après Gustavo Dudamel (son successeur à Los Angeles) dans la même symphonie et quelques jours après Michael Tilson Thomas (son ancien rival de San Francisco) dans la Cinquième, Salonen l’emporte dans un répertoire où l’on n’a pourtant guère l’habitude de l’entendre. Avec une telle masse de cordes – une bonne soixantaine – il ne fallait certes pas s’attendre à un quelconque souci d’authenticité: rien à voir avec les «baroqueux», ni même avec le Beethoven que l’Orchestre de Paris pratique désormais avec son directeur musical, Paavo Järvi (la Cinquième ouvrira d’ailleurs la prochaine saison). De fait, le chef finlandais privilégie dès le premier mouvement (avec sa reprise) une plénitude orchestrale dépourvue de pesanteur, une puissance qui ne se prive pas de sveltesse. L’Allegretto, comme trop souvent, s’apparente en fait à un Andante, ralentissant encore plus dans la coda, mais comment résister à ce virevoltant Scherzo (hormis un Trio pompeux à souhait) et, davantage encore, à ce Finale (sans sa reprise), sans précipitation mais débordant de vigueur, prolongement de l’optimisme conquérant de l’Héroïque plus que cette «apothéose de la danse» qu’y voyait Wagner?


Les musiciens applaudissent comme un seul homme et la salle Pleyel est sous le charme: la saison prochaine, c’est au Théâtre des Champs-Elysées qu’il faudra se rendre pour retrouver Salonen, dans un cycle Bartók de trois concerts avec son Orchestre Philharmonia, les 15 novembre, 27 janvier (avec Christian Tetzlaff) et 25 juin (avec Nikolaï Lugansky), mais aussi le 9 juin avec l’Orchestre symphonique de la Radio bavaroise et Yefim Bronfman.


Le site d’Esa-Pekka Salonen


Le concert en intégralité:






Simon Corley

 

 

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