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De l’éblouissement à l’emphase

Paris
Salle Pleyel
05/30/2011 -  
Henry Cowell : Synchrony
Felix Mendelssohn : Concerto pour violon n° 2, opus 64
Ludwig van Beethoven : Symphonie n° 5, opus 67

Christian Tetzlaff (violon)
San Francisco Symphony, Michael Tilson Thomas (direction)


C. Tetzlaff (© alexandra-vosding.de)


L’Orchestre symphonique de San Francisco accomplit du 19 mai au 6 juin une vaste tournée européenne, comportant pas moins de quinze concerts (dont quatre à Vienne) en dix-neuf jours; entre Prague, Bruxelles, Luxembourg et Essen, d’une part, Barcelone, Madrid et Lisbonne, d’autre part, il pose ses valises pour deux jours à Paris. Il se devait sans nul doute de le faire, car alors que sa dernière visite, en mai 2003 au Théâtre des Champs-Elysées, venait quatre ans seulement après la précédente (février 1999), il a fallu cette fois-ci attendre huit ans son retour. Il en va de même pour Michael Tilson Thomas, qui devait faire ses débuts à l’Orchestre de Paris en avril 2009 mais avait finalement renoncé pour raisons de santé. Agé de soixante-six ans, en fonctions depuis 1995 à la tête de la phalange californienne, qui fêtera son centenaire en décembre prochain, il a d’ores et déjà battu le record de longévité au poste de music director, jusqu’alors détenu par Alfred Hertz (1915-1930).


Comme de bien entendu en cette année 2011, la tournée est essentiellement dédiée à Mahler, avec trois de ses symphonies, la Deuxième – objet de la seconde soirée salle Pleyel – ainsi que les Sixième et Neuvième. Mais l’on reconnaît bien la patte de «MTT» qui, à bien des égards, peut se poser en successeur de Bernstein, dans le choix d’une pièce américaine pour ouvrir le premier programme. Synchrony (1930) de Henry Cowell (1897-1965), figure majeure de l’avant-garde outre-Atlantique, en laquelle Cage saluait le «sésame de la nouvelle musique en Amérique», n’est pas seulement une véritable rareté, mais semblait tout indiquée pour la circonstance: signée d’un compositeur né dans la banlieue de San Francisco, elle fut créée à Paris voici presque tout juste quatre-vingts ans. Dérivée d’un projet inabouti conçu avec la chorégraphe Martha Graham, la partition, d’une durée de près d’un quart d’heure, commence par un long solo de trompette, comme une improvisation: Mark Inouye, dont son jeune collègue Romain Leleu, présent dans la salle, aura sans doute pu apprécier la performance, exécute avec brio cette entrée en matière, d’autant plus redoutable qu’elle vient à froid. La suite apparaît plus typique de son époque: l’écriture polyphonique et harmonique compacte, qui ne craint pas les dissonances, évoque ses compatriotes Ives et Ruggles, mais aussi la polytonalité de Milhaud et les chorals délibérément austères de Satie. Très changeante, l’atmosphère laisse aussi la place à des courbes élégantes et à un doux mouvement de balancier, qu’on imagine inspirés par la danse, jusqu’à rappeler la sensualité du début de la seconde partie du Sacre du printemps.


Avant de se produire avec sa sœur Tanja et Lars Vogt à l’Auditorium du Louvre le 15 juin dans des trios avec piano de Brahms et Dvorák, et après avoir déjà joué le Concerto de Beethoven en mars dernier au Théâtre des Champs-Elysées, Christian Tetzlaff se joint à l’Orchestre de San Francisco: à Vienne, huit jours plus tôt, il a choisi le Concerto de Berg, mais Paris, qui a déjà entendu l’œuvre au moins deux fois cette saison, a droit au Second Concerto (1844) de Mendelssohn. La crainte que la routine ne s’installe dans ces pages rabâchées s’évanouit dès les premières mesures: d’emblée, soliste, musiciens et chef sont dans le ton, donnent l’impression d’y croire: frémissant, juvénile, impétueux, exubérant, inattendu, l’Allegro initial se montre on ne peut plus conforme à l’indication molto appassionato, précédant un Andante d’un romantisme éperdu et un Finale léger mais pas frivole. Privilégiant l’urgence et la bravoure au prix de quelques dérapages et embardées qui ne suffisent pas à remettre en cause une technique exceptionnelle, le violoniste allemand, porté et suivi à la fois par un orchestre impeccablement réglé, produit une impression éblouissante et stimulante. Encore Bach en bis? Mais la «Gavotte en rondeau» de la Troisième Partita a au moins une triple justification: elle est dans la même tonalité de mi, elle rappelle la vénération de Mendelssohn pour le Cantor de Leipzig et, surtout, elle est interprétée avec le même élan et la même liberté, bien loin de ces Bach pusillanimes qu’on entend parfois.


En seconde partie, alors que les tournées sont généralement peu avares en démonstrations éclatantes de virtuosité orchestrale, Tilson Thomas et le San Francisco Symphony ont opté, comme Dudamel et le Los Angeles Philharmonic en début d’année, pour l’une des plus célèbres symphonies de Beethoven – un répertoire qui, à tort ou à raison, n’est pas celui qui a fait la réputation du chef américain. De fait, comme la Septième du jeune Vénézuélien, sa Cinquième (1808) déçoit. Le problème ne réside pas dans l’orchestre, aussi malléable que somptueux – cordes denses, bois colorés, cuivres puissants, timbales précises – et d’une parfaite cohésion: comme toujours le perfectionnisme est le maître-mot des formations nord-américaines – fidèles à leur habitude de s’entraîner longuement sur scène avant la première partie et pendant l’entracte – jusque dans la tenue des garçons d’orchestre – costume trois-pièces et nœud papillon. Mais l’enchantement mendelssohnien s’est envolé et la direction de Tilson Thomas, si elle assure une réalisation d’un soin irréprochable, peine à convaincre: lent et massif malgré un effectif somme toute raisonnable (cinquante cordes, vents pas doublés), le propos, certes exempt de la plupart des visées hédonistes de Dudamel, nonobstant quelques ralentis complaisants, tend vers quelque chose de figé et de marmoréen, où la grandeur tourne à l’emphase (Andante con moto, Finale) et où la tension fait cruellement défaut (transition entre les deux derniers mouvements). Ce Beethoven académique relève d’une esthétique datée, que, sans même aller jusqu’à penser à des «baroqueux» ou à des chefs plus jeunes, des personnalités formées à la vieille école et de la génération de Haitink (en janvier dernier à Pleyel avec l’Orchestre de chambre d’Europe) ou Zinman rendent caduque. Bref bis pour conclure ce bref concert, la Dixième des Danses hongroises (1869/1874) de Brahms se révèle toutefois moins indigeste.


Le site de l’Orchestre symphonique de San Francisco
Le site de Michael Tilson Thomas
Le site de Christian Tetzlaff



Simon Corley

 

 

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