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Un genre musical nouveau: l’opéra sans chanteurs

Paris
Salle Pleyel
05/17/2011 -  et 13, 15 mai 2011 (Toulouse)
Camille Saint-Saëns : Samson et Dalila, opus 47

Elena Bocharova (Dalila), Ben Heppner (Samson), Tómas Tómasson (Le grand prêtre de Dagon), Nicolas Testé (Abimélech), Alain Gabriel (Un messager philistin), Guðjon Oskársson (Un vieillard hébreu), Charles Ferré (Premier Philistin), Tomislav Lavoie (Deuxième Philistin)
Chœur du Capitole de Toulouse, Alfonso Caiani (chef de chœur), Orchestre national du Capitole de Toulouse, Tugan Sokhiev (direction)


T. Sokhiev (© Sébastien Grébille)


Une fois n’est pas coutume, c’est un opéra français qui est donné en version de concert ce soir à la Salle Pleyel, faisant ainsi la nique aux habituels opéras italiens, allemands ou, même, russes compte tenu notamment de la nationalité du directeur musical de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse. Et pas n’importe quelle œuvre, puisqu’il s’agit de l’opéra le plus connu de Camille Saint-Saëns (1835-1921), Samson et Dalila (1877), celui-ci ayant depuis longtemps éclipsé les plus tardifs et rarissimes Ascanio (1890) ou Déjanire (1911).


Sur un livret de Ferdinand Lemaire (1832-1879), Saint-Saëns transforma en opéra ce qu’il avait entrepris sous la forme d’un oratorio, mettant donc en musique l’histoire célèbre de Samson et Dalila telle que narrée dans le chapitre XVI du Livre des Juges. Dalila, sollicitée par les Philistins qui souhaitent connaître la raison de la force herculéenne de Samson, use de ses charmes auprès du jeune homme et tente par trois fois de lui soutirer ce secret. Sans succès, elle connaît enfin la réponse lors de sa quatrième tentative; ayant coupé les cheveux de Samson alors que celui-ci est endormi, elle lui fait également crever les yeux. Prisonnier des Philistins, attaché à deux colonnes d’un temple, Samson, dont les cheveux ont lentement commencé à repousser, profite d’une cérémonie effectuée en l’honneur du dieu Dagon pour appeler l’aide de Dieu; recouvrant une partie de sa force, il fait alors s’effondrer le temple, causant ainsi la mort de milliers de Philistins et la sienne propre. En 1874, l’exécution privée du deuxième acte de l’opéra fut accueillie avec circonspection de même que, quelques mois plus tard, du troisième, de telle sorte que la création intégrale eut lieu le 2 décembre 1877 au Hoftheater de Weimar grâce aux efforts de Franz Liszt qui s’était engagé depuis longtemps à en faciliter la représentation. Depuis lors, l’opéra est devenu un passage obligé, reconnue par tous comme un véritable chef-d’œuvre.


Chef-d’œuvre avant tout pour l’orchestre! Et c’est bien ce qui ressort ce soir de la prestation des Toulousains au sommet de leur forme, dirigés par un Tugan Sokhiev impérial. Dès l’introduction du premier acte, grave, pesante, les cordes, dont le volume et la puissance sont renforcés par sept contrebasses, instillent un souffle quasi wagnérien qu’on croisera à maintes reprises (les trombones avant l’air de Samson «D’Israël renaît l’espérance» à l’acte II) et qui ne retombera jamais. La délicatesse de la petite harmonie, notamment les clarinettes et bassons, dans l’accompagnement du chœur «Hymne de joie! Hymne de délivrance» (acte I) ou pendant l’air de Dalila «Printemps qui commence» à la fin de l’acte I, est exemplaire. Sans baguette, Sokhiev dirige l’ensemble avec un grand sens de l’équilibre (refrénant à plusieurs reprises les cordes lorsque celles-ci tendent à couvrir les bois), veillant à chaque détail et donnant ainsi la pleine mesure d’une partition extraordinaire. Même si l’on aurait pu préférer qu’il abordât la célébrissime «Bacchanale» avec davantage de folie qu’il ne l’a fait ce soir, son engagement force l’admiration.


Chef-d’œuvre également pour les chœurs qui, hormis dans le deuxième acte, le plus intime où n’interviennent en vérité que les deux principaux protagonistes, sont constamment sollicités. Dès l’introduction du premier acte, leur cri «Dieu! Dieu d’Israël, écoute la prière de tes enfants» témoigne de qualités indéniables: cohésion, justesse, implication des chanteurs... Là aussi, le travail accompli par Alfonso Caiani à la tête du Chœur du Capitole de Toulouse, est exemplaire; on regrettera néanmoins le volume sonore du chœur, chantant souvent très forte, en passe même d’être parfois assourdissant, couvrant l’orchestre en plus d’une occasion. L’acoustique de la Salle Pleyel y est peut-être en partie pour quelque chose mais nul doute qu’un chant un tant soit peu plus doux aurait été idéal.


Si l’orchestre et les chœurs ont été ovationnés avec ferveur par le public, les chanteurs n’ont, en revanche, été qu’applaudis (même si certains spectateurs les ont également portés au le pinacle). Ce ne fut que justice tant ils ont été en deçà des exigences minimales que l’on était en droit d’attendre de leur part. Olga Borodina, spécialiste du rôle, qu’elle a encore chanté voilà quelques mois à l’Opéra de Marseille, était malheureusement souffrante: elle fut donc remplacée, de même que pour les représentations qui ont eu lieu quelques jours plus tôt à Toulouse, par une autre chanteuse russe, Elena Bocharova. Si son premier air, à la fin de l’acte I («Printemps qui commence») pouvait faire quelque peu illusion, il a rapidement fallu déchanter. Sa prononciation fut en effet, le plus clair du temps, totalement incompréhensible – remercions, même si cela peut sembler paradoxal pour un opéra français, le surtitrage sans lequel le suivi de l’action eût été périlleux! – et son incarnation du rôle de Dalila peu convaincante. Nullement séductrice, pas davantage ensorceleuse, elle a témoigné en plus d’une occasion d’une technique fragile qui laisse ainsi sa voix lui échapper, en particulier dans les aigus (l’air «Je sais combien il m’aime» à l’acte II). Quant au très attendu «Mon cœur s’ouvre à ta voix» (acte II), Elena Bocharova le chante avec peu de conviction, de façon assez mécanique et sans aucune véritable saveur.


Ce n’est pas le personnage de Samson qui rattrape le couple puisque Ben Heppner, pourtant très attendu, ne fait que lire avec application une partition qu’il ne maîtrise pas très bien. Dès le premier acte, la voix vacille (l’air «Lui qui dans l’Océan») et, outre une prononciation très confuse, témoigne d’une incontestable fatigue qui culmine dans son dernier air, étranglé dans une gorge qui n’en pouvait visiblement plus (fin de l’acte III). Les autres chanteurs sont heureusement d’un meilleur niveau, à commencer par le grand prêtre de Tómas Tómasson, dont la voix puissante et la diction claire cette fois-ci rendent pleinement justice au personnage cruel et influent composé par Camille Saint-Saëns. Quant à Nicolas Testé, qui avait déjà chanté le rôle d’Abimélech dans la production marseillaise du mois de novembre, il prouve une fois encore sa parfaite compréhension du rôle qui lui était dévolu. Dommage que les vedettes de l’opéra ne se soient pas hissées à leur niveau!


Le site de Ben Heppner
Le site de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse



Sébastien Gauthier

 

 

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