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Gustav goes to Hollywood

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
05/13/2011 -  et 19 (London), 21 (Basingstoke) avril, 11 mai (Luxembourg) 2011
Gustav Mahler : Symphonie n° 6

Philharmonia Orchestra, Lorin Maazel (direction)


L. Maazel


Déjà sur la scène du Théâtre des Champs-Elysées en octobre dernier pour trois concerts Rachmaninov concentrés sur un week-end (vendredi, samedi et dimanche après-midi), l’Orchestre Philharmonia revient dans les mêmes conditions pour un nouveau cycle. En cette année où le piano et la symphonie ne semblent devoir être respectivement que lisztien et mahlérienne, point n’est besoin d’être grand clerc pour deviner à quel compositeur il est cette fois-ci consacré. Ce qui surprend davantage, en revanche, c’est le chef auquel est confié ce vaste projet, à cheval sur deux saisons, inauguré le 11 avril avec la Première Symphonie à Manchester pour s’achever en apothéose le 9 octobre à Londres avec la Symphonie des mille. Car la phalange londonienne n’a choisi ni son chef principal et conseiller artistique, Esa-Pekka Salonen, ni son chef honoraire à vie, Christoph von Dohnányi, ni son conductor laureate, Vladimir Ashkenazy, mais s’en est remis à un fringant octogénaire, dont la très longue biographie s’obstine à conserver un étonnant silence sur les treize ans qu’il a passés à la tête du National de France, mais ne se prive pas de préciser que «maestro Maazel, au début de la saison 2009-2010, a interrompu à deux reprises un bref congé sabbatique pour remplacer des collègues souffrants».


En outre, le chef américain, qui met fin cette année à ses fonctions de directeur musical du Palais des Arts Reina Sofia de Valence pour se consacrer au festival de Castleton dont il est, sur ses terres de Virginie, le fondateur et directeur artistique, n’est pas particulièrement renommé, à tort ou à raison, pour ses affinités avec Mahler, malgré une intégrale réalisée entre 1982 et 1989 avec la Philharmonie de Vienne pour CBS (Sony). Mais, après tout, il n’est jamais trop tard pour bien faire et si ses dernières apparitions à Paris – avec les Philharmoniques de New York (où, remplacé par Alan Gilbert, il a achevé son mandat voici deux ans), de Vienne et de Munich (dont il prendra les rênes à compter de la saison 2012-2013, succédant à Christian Thielemann) – l’ont été davantage pour le pire que pour le meilleur, il n’en reste pas moins l’une des baguettes à la fois les plus précises et les plus charismatiques – mais aussi les plus coûteuses – du circuit. En marge de très nombreux autres concerts mahlériens, alors que se poursuit le cycle entamé par le National et Daniele Gatti au Châtelet (voir ici) et que l’Orchestre symphonique de Londres a déjà donné le sien avec Valery Gergiev à Pleyel (voir ici), cette série venue à nouveau d’outre-Manche, chacun des trois programmes étant consacré à l’une des vastes symphonies «médianes», purement symphoniques, conçues coup sur coup entre 1901 et 1905, pouvait donc être attendue avec un optimisme mesuré.


Même s’il ne fallait pas espérer de miracle pour autant, la première soirée, intégralement dévolue à la Sixième (1904), n’en constitue pas moins une très sérieuse déconvenue. D’emblée, la direction déçoit par son caractère mou et traînant: l’exécution de l’ensemble de l’oeuvre dure près de quatre-vingt-quinze minutes – un parti pris défendable, comme le montre par exemple l’enregistrement de Barbirolli (EMI), pour peu qu’on y manifeste un tant soit peu d’investissement et de tension. Rien de tel ici, car l’on retrouve hélas en Maazel l’amateur de gadgets et de clins d’oeil d’un goût douteux. Droit comme un «I», partition sous les yeux et verre d’eau posé sur un tabouret à portée de main, il observe la reprise dans le premier mouvement, place le Scherzo en deuxième position et ne fait jouer que deux coups de marteau (d’un impact au demeurant peu spectaculaire) dans le Finale – un vendredi 13 n’est sans doute pas le jour le plus indiqué pour braver la malédiction mahlérienne. Mais à quoi riment, dès les premières mesures, cette descente de trombone en legato et ces glissandi de cordes, puis ce second thème qui n’offre qu’un festival d’alanguissement? Les mouvements centraux échappent peut-être un peu à ce jeu de massacre, mais le Scherzo paraît très appuyé (avec un Trio tendant à s’enliser) et l’Andante, bien qu’inspiré par les Dolomites, suscite le mal de mer à force de triturer le phrasé par un incessant stop and go.


On ne reconnaît que trop Maazel dans sa façon de ne s’intéresser qu’au détail et de forcer le trait – pas moins de cinq paires de cymbales ensemble pour marquer le coup en un point du Finale. Que reste-t-il ainsi de la terrible Sixième, cette «noix dure» qui résistait à Bruno Walter? Rien de tragique, de grinçant ou d’ironique, en tout cas, rien d’urgent et d’inéluctable dans cette succession de moments sérieux, monumentaux, grotesques ou décoratifs, dans ce règne du bling bling, et même du cling cling, à la faveur de coups de projecteur insensés, ici sur les harpes au plectre clinquant, là sur un célesta grêle, ou encore sur un tuba fafnérien. Cette approche descriptive, sur l’instant, n’aurait pas été déplacée dans les Tableaux d’une exposition; mais si l’on pense maintes fois à «Gnomus», «Bydlo» ou «Catacombes», c’est donc bien que le propos est complètement hors-sujet. Le style hollywoodien est certes hérité de Mahler, mais si le soin apporté à la mise en place et aux timbres suffit chez Bernard Herrmann et John Williams, voire chez Holst ou Korngold, il ne peut tenir lieu d’ambition interprétative, réduisant la partition à une accumulation d’effets spéciaux et confinant Mahler à un simple rôle d’orchestrateur, au détriment du symphoniste.


D’une belle cohésion, le Philharmonia, aux pupitres en parfait ordre de marche, quoique faisant preuve de davantage de discipline que de personnalité et ne disposant pas d’individualités saillantes et infaillibles, en est donc réduit à cette promenade entre Autant en emporte le vent et La Guerre des étoiles, en passant par les films d’horreur de série B (l’introduction du Finale!). Réservant au chef un accueil chaleureux, à l’instar du public, les musiciens ne demandent toutefois pas leur reste et tournent les talons dès le troisième rappel. Au moins échappe-t-on ainsi à l’un de ces bis – Danses hongroises – dont Maazel a le secret...


Le «mini-site» du cycle Mahler de l’Orchestre Philharmonia
Le site de «maestro Maazel»



Simon Corley

 

 

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