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Du Groupe des Six à l’Amérique du Sud Paris Auditorium Saint-Germain 05/09/2011 - Heitor Villa-Lobos : Quatuor n° 17, W537
Darius Milhaud : Suite d’après Corrette, opus 161
Alberto Ginastera : Quatuor n° 1, opus 20 (*)
Francis Poulenc: Sextuor, FP 100
Hélène Giraud (flûte), Jean-Michel Penot (hautbois), Jean-Claude Falietti (clarinette), Henri Lescourret (basson), Tristan Aragau (cor), Alexis Cardenas, Isabelle Durin (*), Domitille Gilon (*), Flore Nicquevert (violon), Inès Karsenty, Benachir Boukhatem (*) (alto), Camilo Peralta, Bertrand Braillard (*) (violoncelle), Claire-Marie Le Guay (piano)
C.-M. Le Guay (© Thierry Cohen)
Intitulée «Rêves et voyages» et consacrée à deux des membres du Groupe des Six ainsi qu’à deux compositeurs sud-américains, la dernière soirée de musique de chambre de la saison des solistes de l’Orchestre national d’Ile-de-France vient en écho au concert «Années folles» qu’il vient de donner à plusieurs reprises à Paris et dans la région et qui associait Milhaud, Honegger, Poulenc et Ginastera. Bien que les œuvres sortent très largement des sentiers battus, un auditorium Saint-Germain bien rempli démontre de façon réconfortante qu’il n’est pas impossible d’attirer le public avec des propositions originales.
Ainsi du Dix-septième Quatuor (1957) de Villa-Lobos, dernier d’un corpus quantitativement identique à celui de Beethoven, ce qui n’aurait pas dû autoriser pour autant Camille Vier-Villanove, sans doute emportée par la fraîcheur et la spontanéité de sa présentation liminaire, à le qualifier de «compositeur très prolixe». S’il n’était pas à l’affiche du programme symphonique, il en prolonge évidemment la composante latine, notamment latino-américaine, ce dont les rythmes, harmonies et tournures mélodiques ne permettent pas de douter. Porté par l’irrépressible puissance caractéristique de l’écriture du Brésilien dès l’Allegro non troppo initial, dense et parfois abrupt, le flot ne s’interrompt que pour un Lento d’une belle simplicité, avec un solo de violoncelle bien mis en valeur par Camilo Peralta, pour reprendre son cours dans un Scherzo virtuose et un robuste Allegro final.
A la différence de Villa-Lobos, qui laissa son Dix-huitième Quatuor inachevé, Milhaud a atteint en 1950 l’objectif qu’il s’était fixé – dès 1920! – d’en écrire dix-huit, mais alors que ceux-ci sont tout aussi injustement oubliés, c’est sa Suite d’après Corrette (1938) qui a été choisie. Faisant office d’intermède léger, ces huit très brèves pièces pour hautbois, clarinette et basson rappellent, comme Aubade de Poulenc la semaine précédente, le goût de l’époque pour un certain classicisme, accommodé ici d’assaisonnements stravinskiens à la Pulcinella.
Ginastera n’a laissé quant à lui que trois quatuors. ProQuartet avait permis d’entendre des extraits du Troisième (avec voix) voici un an, mais c’est cette fois-ci l’occasion d’entendre le Premier (1948), récemment enregistré par le Quatuor Abysse (XXI-21 Productions). Interprétée par une formation entièrement différente de celle réunie pour Villa-Lobos, mais dont l’engagement n’est pas moindre, cette musique spectaculaire et remarquablement écrite pour les cordes vaut d’être découverte. Transcendant la dimension nationale dans la lignée de Bartók, Janácek et Szymanowski, trois des quatre mouvements marquent par leur vitalité et leur énergie, qui s’expriment notamment dans de sauvages ostinatos hérités en ligne directe du Sacre du printemps: Allegro violento ed agitato rugueux, Vivacissimo d’inspiration fantastique, voire maléfique, et Allegramente rustico concluant de manière plus joyeuse. Mais le cœur de l’ouvrage est son troisième mouvement, un splendide Calmo e poetico où s’élèvent le chant du premier violon (Isabelle Durin) puis du violoncelle (Bertrand Braillard) – mais la charnière centrale (Domitille Gilon et Benachir Boukhatem) apporte une contribution de même niveau à cette éclatante réussite.
Claire-Marie Le Guay, qui a accompagné l’orchestre dans sa récente tournée francilienne, retrouve les musiciens pour le Sextuor (1940) de Poulenc: malgré un instrument à la sonorité frêle et modérément séduisante, elle s’intègre à l’ensemble avec sûreté mais aussi discrétion, ne tirant jamais la couverture à elle et laissant ses partenaires faire exulter toute la verve de cette partition.
Simon Corley
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