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Arsenic et vitamines

Moscou
Théâtre Bolchoï
10/20/1999 -  et 21* Octobre 1999, 21 et 22 Mars, 20 et 21 Juin 2000
Serge Prokofiev: L'amour des trois oranges
P.Gluboki (le roi de trèfle),S.Gaidey (le prince) M.Chutova (la princesse Clarice), Yu.Vedeneev (Léandre), N.Vasiliev (Truffaldino), A.Grigoriev (Pantalon), A.Naumenko (Tchelio), I.Udalova (la fée Morgane), E.Segeniuk (Linette), E.Golovleva (Nicolette), O.Lomova (Ninette), : les trois princesses orange, V.Kirnos (la cuisinière), A.Korotki (Farfarello), M.Maruna (Smeraldine), K.Tolstobrov (le maître de cérémonies), A.Korotki (le héraut), C.Youdin(le diable).
Peter Ustinov (mise en scène)
Orchestre du Bolchoï, Peter Feranets (direction), chef d'orchestre pour la soirée du 21 Octobre: M.Ermler

Décidément le théâtre Bolchoï fait peau neuve, il est grand temps! Même s'il s'agit de retrouver la voie de la nouveauté à partir d'une oeuvre du répertoire accueillie avec enthousiasme il y a des lustres - la première des "trois oranges" fut donnée à Chicago en 1921, à Cologne en 1925 et enfin à Moscou en 1927- il reste que l'effort est particulièrement louable pour un établissement qui conserve une certaine tendance à abuser d'une notoriété étatiste de longue date pour drainer des cohortes de touristes peu regardants sinon malentendants au point de ne pouvoir différencier un opéra de son leurre. Malgré toute la bonne volonté et parfois le talent d'exception de certains, il arrive encore trop souvent de regretter que le livret soit tel que l'un des protagonistes ne soit pas amené à disparaître avant l'heure et l'on se prend même à souhaiter que le public ne puisse résister à l'envie de manifester haut et fort son mécontentement au lieu de se livrer aux acclamations d'usage qui entérinent durablement la médiocrité. C'est dire l'ampleur des disparités d'un spectacle à l'autre avec cependant d'incontestables réussites qui prouvent bien que le mal venait davantage de rentes de situation bien gérées plutôt que d'une situation ingérable. Aussi, l'appel fait à Peter Ustinov pour réaliser la mise en scène de cette reprise de "l'amour des trois oranges" à Moscou est dans la droite ligne de la volonté de démontrer qu'une modernité "internationale" est en passe d'être restaurée sur la première scène du pays de ses origines, ce qui participe à l'authenticité de la démarche vue d'ici, bien qu'en définitive sa lecture témoigne largement d'un humour d'outre - manche qui n'est pas étranger à sa réputation. A titre d'exemple, le personnage du prince déguisé en explorateur colonial à la recherche des somptueuses oranges contenant les princesses, dont celle de ses rêves, ressemble à s'y méprendre au simple d'esprit qui rugit en montant les escaliers dans "Arsenic et vieilles dentelles". Par parenthèse, il est fort peu probable que ce film ait obtenu ici en son temps le succès qui fut le sien hors URSS si tant est qu'il y ait été projeté. Mais le ton est donné d'emblée dans cet esprit, ajoutant à la parodie et à l'absurde avec une tendresse qui permet au conteur Ustinov de jouer son propre rôle au coeur de la légende et de la réalité en introduisant ici et là le poison destructeur des idéologies factices tout en vivifiant les gestes de spontanéité ou d'amour éperdu. D'où le sentiment de déstabilisation ressenti confusément parmi les spectateurs un peu moins nombreux qu'à l'accoutumée et d'autant plus attentifs aux mille et une facettes du miroir qui leur était offert pour s'y entrevoir ou s'y reconnaître enfin. Sous cet aspect, la mission est superbement réussie, décors et costumes aidant.

Quelques déceptions en ce qui concerne la dynamique d'une partition dirigée parfois avec un semblant de tranquille assurance qui n'élevait pas toujours au rang de la révélation les intenses pulsations rythmiques qui la caractérisent, au point que la marche dont peu d'auditeurs des salles de concert ont été à même d'établir le rapprochement avec l'intégralité de l'oeuvre perdait ici en intensité communicative malgré la puissante présence scénique. Distribution homogène et jeu d'acteurs réglé dans le moindre détail comme il se devait pour rendre plus véridiques les Tragiques, les Lyriques, les Têtes vides, les Ridicules, la famille royale plus encore que ces derniers, avec une mention spéciale pour un petit rôle mais non sans importance, celui de la princesse élue parmi les trois oranges, Ninette, interprété par la soprano Olga Lomova qui en quelques phrasés nous a comblé d'émotion.




Edmond Rosenfeld

 

 

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