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Deux concerts placés sous le signe du contraste

Paris
Cité de la musique
04/16/2011 -  
Ludwig van Beethoven : Symphonies n° 8 en fa majeur, opus 93, n° 5 en ut mineur, opus 67, n° 1 en ut majeur, opus 21, et n° 3 en mi bémol majeur, « Héroïque », opus 55

La Chambre philharmonique, Emmanuel Krivine (direction)


E. Krivine (© Fabrice Dell’Anese)


En dépit d’un magnifique soleil qui pousse les badauds à investir en nombre les terrasses de cafés et les pelouses du parc de La Villette, c’est une salle des concerts comble qui, au sein de la Cité de la musique, accueillait La Chambre philharmonique, l’espace de quatre jours et de cinq représentations, pour une intégrale fort attendue des symphonies de Ludwig van Beethoven (1770-1827). Fort attendue à en juger par la multiplication, ces derniers temps, des articles et portraits consacrés à Emmanuel Krivine alors qu’il est loin d’être le chef français le plus médiatique; fort attendue également compte tenu des critiques plutôt mitigées, qui ont accueilli la récente parution de l’intégrale des Symphonies du maître de Bonn (publiée chez Naïve) par les mêmes interprètes (voir ici): les concerts allaient-ils distiller le même scepticisme?


Sans vouloir donner une réponse de Normand, force est de constater que ces deux concerts auront laissé une impression plus favorable qu’au disque sans pour autant emporter l’adhésion la plus ferme.


Soulignons tout d’abord la bonne prestation globale de l’orchestre. Il faut dire que celui-ci, créé en 2004, est en réalité un ensemble de musiciens venus d’horizons et d’orchestres les plus divers qui, pour avoir le plaisir de faire de la musique ensemble, se sont donc retrouvés au sein d’un orchestre jouant sur instruments d’époque. Sous la houlette du premier violon solo Alexander Janiczek (par ailleurs chef d’orchestre ayant dirigé à de nombreuses reprises l’Orchestre de chambre d’Europe), on peut donc entendre aussi bien Alexis Kossenko (flûtiste de l’Ensemble Matheus) que Nicolas Baldeyrou (clarinettiste ayant officié aussi bien au sein de l’Orchestre national de France que du Philharmonique de Radio France ou de l’Orchestre de chambre d’Europe), Aline Potin-Guirao (qui tient les timbales au sein de l’Orchestre Lamoureux) ou Frédéric Audibert (violoncelliste aux talents multiples et reconnus) Autant dire que La Chambre philharmonique rassemble nombre de talents éprouvés! Certes, on entendra plusieurs faiblesses, qu’il s’agisse des attaques des cors dans le Tempo di minuetto de la Huitième, de la justesse des hautbois dans l’Allegro con brio et l’Allegro molto de la Troisième, ou des imperfections de violons dans la «Marche funèbre» (toujours dans l’Héroïque). Mais, par ailleurs, on ne peut qu’admirer la dextérité des cordes (et tout particulièrement des violons) dans la seconde partie du dernier mouvement de la Première prise à une incroyable vitesse, ou la beauté d’un pupitre de cors quasiment irréprochable – comment en serait-il autrement lorsque les cornistes viennent tous des meilleurs orchestres de l’Hexagone ? – dans des attaques nobles et directes à la fois (l’Allegro de la Cinquième ou le Scherzo de la Troisième). De même, on ne peut passer sous silence l’excellente prestation d’Aline Potin aux timbales ou de la petite harmonie, généralement saluée par de très vifs applaudissements au moment des saluts.


Mais un bon (voire un très bon) orchestre ne suffit pas à donner un très bon concert. Le chef d’orchestre a naturellement toute sa part de responsabilité. Emmanuel Krivine, à soixante ans passés (il est né en 1947), connaît son Beethoven et peut se permettre d’explorer les moindres tréfonds de partitions rabâchées. Ayant souhaité dépoussiérer ces œuvres, il exploite donc au maximum les sons parfois rudes des instruments d’époque ou l’absence de vibrato, ce qui, naturellement, conduit à des moments de très grande sécheresse (le dernier mouvement de la Cinquième) et, très souvent, à une faible ampleur sonore: à ce titre, la «Marche funèbre» de la Troisième Symphonie manque de puissance et de dramatisme, ne suscitant aucune passion ni aucune torpeur dans l’esprit de l’auditeur. Mais le principal reproche qu’on puisse adresser à Krivine est certainement une précipitation constante qui nuit en plus d’une occasion à la beauté et au sens donné au discours musical. Ainsi, dans le premier mouvement de la Cinquième, le hautbois solo n’a pas le temps de se poser, intervenant après des cordes trop brutales et devant immédiatement repartir, aspiré qu’il fut par la suite du mouvement. En outre, la vitesse souhaitée par le chef a posé de réelles difficultés de mise en place aux musiciens comme on a clairement pu l’entendre dans le dernier mouvement de la Cinquième ou le premier de l’Héroïque. Quelques semaines plus tôt, à la Salle Pleyel, Bernard Haitink, dans un concert qui obéissait au même couplage que le premier de cet après-midi (Huitième et Cinquième), avait pourtant su montrer qu’on pouvait parfaitement allier modernité du discours et tempo retenu.


Cela dit, soyons également honnête: Emmanuel Krivine, dont la gestique alambiquée s’avère toujours aussi étrange à suivre pour le profane, nous a tout de même livré de splendides moments grâce à une très grande clarté du trait et un sens poussé des dynamiques. Qu’il s’agisse du deuxième mouvement de la Huitième, du dernier mouvement de la Cinquième ou du Scherzo de l’Héroïque, on a été emporté par un flot sonore dégageant au surplus une énergie véritablement communicative. Autant de raisons qui ont justifié de très longs applaudissements et qui saluent à leur manière la très belle entreprise d’Emmanuel Krivine et des siens.


Le site de La Chambre philharmonique


Des extraits des concerts :









Sébastien Gauthier

 

 

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