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Mieux qu’à Bayreuth ?

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
04/14/2011 -  et 17, 24 avril 2011 (München)
Richard Wagner : Parsifal

Michael Volle (Amfortas), Steven Humes (Titurel), Kwangchul Youn (Gurnemanz), Nikolai Schukoff (Parsifal), John Wegner (Klingsor), Angela Denoke (Kundry, Eine Altstimme aus der Höhe), Kevin Conners, Levente Molnár (Gralsritter), Solistes du Tölzer Knabenchor (Erster und Zweiter Knappen), Ulrich Ress, Kenneth Roberson (Dritter und Vierter Knappen), Hanna-Elisabeth Müller, Laura Tatulescu, Gabriela Scherer, Evgeniya Sotnikova, Tarra Erraught, Okka von der Damerau (Klingsors Zaubermädchen)
Chor der Bayerischen Staatsoper, Sören Eckhoff (chef de chœur), Bayerisches Staatsorchester, Kent Nagano (direction)


K. Nagano (© Benjamin Ealovega)


En septembre 2006, Kent Nagano a à la fois pris ses fonctions de directeur musical du Symphonique de Montréal, qu’il a emmené avec succès à Paris voici tout juste deux ans, et de Generalmusikdirektor à Munich, succédant à Zubin Mehta. Il y poursuit une tradition wagnérienne qui fait les beaux jours de la capitale bavaroise, notamment durant l’été en marge du festival de Bayreuth, grâce à des voix qui n’ont rien à envier à celles qui se produisent sur la Colline verte, pour la bonne raison que ce sont souvent les mêmes. En témoigne par exemple la reprise de Parsifal (1882) dans une mise en scène de Peter Konwitschny datant de juillet 1995, pour deux représentations à la fin du mois et deux autres en avril 2012. A huit jours du Vendredi Saint, l’ensemble des forces de l’Opéra d’Etat investit un Théâtre des Champs-Elysées presque comble pour en proposer une version de concert surtitrée. La privation de l’aspect visuel du spectacle ne suscite à vrai dire guère de frustrations: non seulement l’action n’est évidemment pas la caractéristique principale de ce Bühnenweihfestspiel («festival scénique sacré»), mais, davantage que dans une version de concert ordinaire, les chanteurs vivent sans doute plus pleinement des rôles qu’ils ne tarderont pas à incarner sur scène, la plupart se dispensant d’ailleurs de la partition.


Nagano jouit d’une excellente réputation dans le répertoire moderne et contemporain, y compris à l’opéra: depuis une dizaine d’années, Paris conserve ainsi de bons souvenirs de ses prestations dans Doktor Faust, El Nino, Dialogues des carmélites, Les Trois Sœurs, Cardillac et L’Amour de loin. Pour ce qui est en revanche de la musique romantique et postromantique, les avis étaient plus partagés, s’accordant sur sa précision et son sens dramatique mais trop souvent amenés à regretter un style lisse, voire froid. Son Werther, début 2009 à Bastille, marquait toutefois une évolution vers davantage de rondeur, de fluidité et de lyrisme, que semble confirmer ce Parsifal. S’il reste peut-être plus énergique que chaleureux, c’est un opéra que le chef américain dirige ici, et non une célébration: à l’approche de la soixantaine, il ne cultive pas encore les lenteurs ni même les élans mystiques de certains et, en trois heures et cinquante-cinq minutes, ses tempi sont plus proches de Clemens Krauss et Pierre Boulez que de Hans Knappertsbusch et Reginald Goodall. Sans précipitation, le propos avance donc, un peu étale dans le Prélude et le premier acte, pour s’épanouir dans les sortilèges du deuxième mais aussi dans les souffrances d’Amfortas et des chevaliers au troisième. Soyeux, clair, raffiné, pas nécessairement très germanique, l’orchestre, nonobstant de menus problèmes de réglage, n’a pas à rougir, tant s’en faut, de la comparaison dans une ville qui compte par ailleurs deux autres phalanges de premier ordre, le Radio-symphonique de Mariss Jansons et le Philharmonique de Christian Thielemann (et bientôt de Lorin Maazel).


Le Bayerische Staatsoper a également établi sa renommée wagnérienne sur des distributions dignes de Bayreuth. Mais à vrai dire, celle réunie à cette occasion n’est-elle pas encore meilleure qu’à Bayreuth? En tout cas, on s’y croirait, et pas seulement en raison des odeurs de viande grillée dans le hall à l’entracte ou de la publicité pour une marque de bière dans le programme de salle. Certes, le duo formé par Nikolai Schukoff et Angela Denoke est assez typique. Contesté en Siegfried voici cinq ans, en conclusion du Ring de Bob Wilson et Christoph Eschenbach au Châtelet, le ténor autrichien n’a pas de problèmes de tessiture ou de justesse, mais souffre d’une couleur trop souvent changeante et d’une projection insuffisante. Cela étant, il sait émouvoir, soulignant davantage la dimension lyrique du «chaste fol» que son côté héroïque. Assurant en outre la brève intervention de la «voix (d’alto) d’en haut» à la fin du premier acte, la soprano allemande, quant à elle, avait déjà alterné avec la Kundry de Waltraud Meier dans la production de Krzysztof Warlikowski en mars 2008 à Bastille: instable aussi bien dans le grave que dans l’aigu du registre, son intense identification au personnage trahit parfois au moins autant la cantatrice que la tragédienne, aux intonations rauques plus proches de l’expressionnisme d’Erwartung ou même de Weill.


Les amateurs de grandes voix wagnériennes ont néanmoins trouvé d’amples consolations en Kwangchul Youn et Michael Volle. Cela tombe bien, car après tout, la partie la plus développée n’est ni celle de Parsifal, ni même celle de Kundry, mais probablement celle de Gurnemanz, car il se voit confier ces longs récits dont Wagner s’est fait la spécialité et qui visent à narrer ce qui s’est passé avant le lever du rideau, au point qu’on a pu le comparer à l’Evangéliste d’une Passion de Bach. La basse coréenne offre un modèle de style, de diction, de phrasé, plus allemand que nature: une autre chance sera donnée de profiter de cette référence époustouflante, toujours en Gurnemanz et de nouveau en version de concert, les 6 et 9 mars prochain en ce même lieu, sous la baguette de Daniele Gatti (qui a dirigé l’œuvre ces dernières années à Bayreuth). Timbre clair, émission solide, le baryton allemand campe un Amfortas tout aussi remarquable, auquel on finirait presque par devoir reprocher une trop bonne santé vocale pour un grand blessé. A leurs côtés, le Titurel puissant et sépulcral de Steven Humes paraît préférable au Klingsor John Wegner, au souffle un peu court et au timbre mat. Issus pour la plupart, de même que Volle et Humes, de la troupe du Staatsoper – un mode de fonctionnement qui semble décidément faire la force des institutions de répertoire germaniques – les rôles secondaires sont tous fort bien tenus, à l’image des six filles-fleurs placées devant le chœur, lui-même superbe (et fier d’indiquer dans sa biographie qu’il participa à la création de Parsifal).


Au printemps prochain, l’Opéra d’Etat présentera une nouvelle production du cycle complet de la Tétralogie, dans une mise en scène d’Andreas Kriegenburg: à défaut de la voir dans son intégralité, il sera possible d’en entendre la première journée, puisque le Théâtre des Champs-Elysées affiche le 24 avril 2012 La Walkyrie en version de concert, sous la direction de Kent Nagano, avec Nina Stemme et Juha Uusitalo. Alors que l’Opéra de Paris se contente d’une reprise du Tannhäuser mis en scène par Robert Carsen, les wagnéromanes, sans même devoir attendre le bicentenaire de la naissance du compositeur, seront vraiment gâtés la saison prochaine avenue Montaigne, puisque sans oublier le Parsifal susmentionné, Tristan sera confié le 11 mars à Andris Nelsons et à son Orchestre de Birmingham, avec Lioba Braun et Torsten Kerl.


Le site de l’Opéra d’Etat de Bavière
Le site de Kent Nagano
Le site de Nikolai Schukoff
Le site de Kwangchul Youn
Le site de John Wegner
Le site de Steven Humes



Simon Corley

 

 

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