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L'opéra contemporain populaire

Paris
Opéra Bastille
05/16/1998 -  et 20, 22, 25, 28 et 30 mai 1998
Philippe Fénelon : Salammbô
Emily Golden, Nora Gubisch le 30 (Salammbô), Patrick Raftery (Mâtho), Stephen O'Mara (Narr'Havas), LeRoy Villanueva (Spendius), Gidon Saks (Hamilcar), Kenneth Cox (Schahabarim), Ivan Matiakh (Premier Ancien), Gérard Garino (Second Ancien), Michel Fockenoy (Troisième Ancien), Frank Ferrari (Quatrième Ancien), Stephen Richardson (Cinquième Ancien), Jean-François Monvoisin (Sixième Ancien), Nicolas Testé (Septième Ancien)
Francesca Zambello (mise en scène), Robert Israël (décors), Marie-Jeanne Leccca (Costumes), Dominique Bruguière (lumières)
Orchestre et Choeurs de l'Opéra national de Paris, Gary Bertini (direction)

Pour la première création mondiale de l'ère Hugues Gall, l'Opéra de Paris démontre que ses "fondamentaux" sont bons, que l'institution fonctionne à un haut niveau de qualité. Les chanteurs, le choeur, l'orchestre, la mise en scène, la technique n'appellent en effet qu'éloges pour le sérieux de leur travail et leur implication dans un projet aussi risqué et aussi difficile que de monter un opéra ex nihilo. Une confiance en soi qui s'affirme notamment par la volonté déjà affichée de redonner cette oeuvre cinq fois en mai 2000.

Reste ensuite, pour assurer la réussite de l'entreprise, les intentions des créateurs, le compositeur et le librettiste. Ce dernier, Jean-Yves Masson, annonce clairement la couleur en marquant son "désir d'écrire un "vrai" opéra jouant pleinement le jeu du récit, alliant théâtre et musique sans adopter la posture ironique propre à l'époque postmoderne". En effet, Salammbô ne s'inscrit pas contre le goût commun qui s'est sédimenté (sclérosé ?) dans un répertoire restreint d'une quarantaine d'opéras sur deux siècles. Aucune distance n'est prise avec le modèle conventionnel de l'Opéra avec son héroïne amoureuse puis trahie qui se donnera la mort, ses airs qui montent vers une note haut perchée, ses grandes scènes de choeur, le méchant à la voix de basse, etc. Mais après tout pourquoi pas, puisque cela constitue une grande partie du plaisir que l'on prend à l'art lyrique ! Cependant cette "posture" dont parle Masson n'est pas seulement ironique et liée à une mode postmoderne - ce point de vue est trop réducteur - c'est sans doute tout simplement l'histoire même le l'opéra. Et justement, en ce qui concerne la création récente, cette distance par rapport aux codes de l'opéra (pour les renouveler !) peut s'exprimer d'une façon radicale (Les Soldats de Zimmermann, Le Grand Macabre de Ligeti, le cycle Licht de Stockhausen) que l'on peut évidemment ne pas partager, mais elle peut aussi apparaître plus subtilement, sans volonté de déstabiliser à tout prix le spectateur (Un Re in ascolto de Berio, La Ronde de Boesmans, Trois soeurs d'Eötvös créées en mars dernier à Lyon). Il manque à Salammbô toute volonté de nous surprendre.

Ce parti pris, Jean-Yves Masson l'assume pleinement en construisant un livret d'une réelle qualité dramaturgique : les personnages sont clairement établis et l'action se déroule sans temps mort. Philippe Fénelon semble plus hésitant, on ne perçoit pas dans cet opéra une écriture, tout comme dans son oeuvre d'ailleurs. Les inspirations sont multiples, encyclopédiques même, mais manquent d'une conception générale. Voulant à tout prix que ça-chante-parce-que-c'est-un-opéra on entend trop souvent une alternance voix à découvert/orchestre avec une écriture simple, mais efficace, pour la voix et une sauce hétéroclite dans la fosse. Mais Philippe Fénelon sait utiliser les recettes, ou les ficelles, de l'opéra et ménage de vrais moments lyriques (les scènes de groupe, la dispute des anciens au cinquième tableau, le superbe monologue de Salammbô au septième tableau, par exemple). On possède avec Salammbô un opéra contemporain populaire, à la fois complaisant et plaisant.

Les chanteurs, rappelons-le, ne méritent que des éloges. La mezzo-soprano Emily Golden, avec son timbre chaleureux et sa santé vocale, incarne parfaitement toutes les contradictions de Salammbô. Des deux mercenaires qui se disputent la déesse, Patrick Raftery se distingue par sa voix ample, tandis que Gidon Saks impressionne par sa puissance dans les imprécations d'Hamilcar et Kenneth Cox par son émotion contenue dans le rôle du grand prêtre Schahabarim confronté à l'écroulement de son univers. La mise en scène très bien construite et très fouillée confirme tout le bien que l'on pense de Francesca Zambello (Billy Budd et Turandot à Bastille).



Philippe Herlin

 

 

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