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Symphonie avec voix

Paris
Salle Pleyel
03/31/2011 -  
Alban Berg : Trois Pièces pour orchestre op. 6
Richard Wagner : Tristan et Isolde (acte II)

Iréne Theorin (Isolde), Iris Vermillion (Brangäne), Gary Lehman (Tristan), Daniel Johansson (Melot), Albert Dohmen (Le Roi Marke)
Orchestre de Paris, Christoph Eschenbach (direction)


I. Vermillion (© Robert Frankl)


Troisième et dernier concert de Christoph Eschenbach pour son retour à la tête de l’Orchestre de Paris. Avec un beau programme, qui n’a malheureusement pas rempli la salle Pleyel. Le deuxième acte de Tristan, pourtant… même précédé des moins populaires Trois pièces op. 6 de Berg…


Un triptyque où chef et orchestre ont donné le meilleur d’eux-mêmes, dans une lecture sombre, dramatique, rappelant cette symphonie tragique envisagée initialement, qui eût pu constituer le pendant de la Sixième de Mahler – dont Berg a repris, entre autres, les terrifiants coups de marteau. C’est de ce côté-là que regarde Eschenbach, dont la direction tendue installe dès « Praeludium » une atmosphère de catastrophe, à travers une pâte sonore dense mais pas épaissie. Aucune éclaircie dans « Reigen », où le chef fait bien pressentir Wozzeck, avec ses rythmes ternaires à la fois grimaçants et désespérés, où les pupitres s’équilibrent parfaitement – premier défi posé par la partition. La même tension, la même violence portent « Marsch » au paroxysme de la déréliction, jusqu’à l’effondrement d’un monde – impitoyable dénouement d’une crise dont le chef allemand a, depuis le début, rigoureusement construit les étapes.


Le deuxième acte de Tristan l’a moins inspiré, posant, une fois de plus, des questions cruciales. Celle du chant wagnérien d’abord : donné – et l’on s’en félicite – dans son intégralité alors que l’on coupe souvent le très long duo, cet acte exige des voix à toute épreuve, au médium puissant là où l’on ne pense souvent qu’à l’aigu. Celle de l’acoustique de Pleyel ensuite, très dangereusement sonore lorsque les chanteurs sont placés devant un orchestre imposant, ce qui rend la première question encore plus brûlante. Tout cela exige un subtil dosage que n’a pas trouvé Christoph Eschenbach. La direction a beau concilier fluidité et générosité, elle pâtit d’un éventail dynamique et expressif limité, peu sensible à la sensualité d’une musique parfois impressionniste avant l’heure, en particulier dans la première scène – les timbres français pourraient s’y prêter naturellement. Autant de pièges qu’avait su déjouer Esa-Pekka Salonen dans la fosse de Bastille, laissant Waltraud Meier et Ben Heppner, pourtant pas vraiment les formats requis, enlacer librement leurs voix.


Isolde à Bayreuth, Iréne Theorin a pour elle le sens de la nuance, la sincérité dans l’engagement, la solidité et l’endurance aussi ; cette Isolde amoureuse, jamais statufiée, n’en manque pas moins de stabilité de l’émission, surtout dans un médium qui a justement du mal à passer la rampe, et trahit une articulation pâteuse. On sent une voix plus lyrique qu’héroïque, comme chez le Tristan de Gary Lehman, qu’on comparerait volontiers au Siegfried de Torsten Kerl – malgré un timbre moins joliment coloré : l’émission reste assez souple pour arriver au bout de l’acte sans fatigue apparente, le phrasé dénote un indéniable styliste – il chante comme un lied le début de l’hymne à la nuit. Tous deux n’en sont pas moins malmenés par l’orchestre et l’on entend souvent une symphonie avec voix.


La Brangäne atypique d’Iris Vermillion brûle les planches, si l’on peut dire, aussi affolée que tutélaire dans la première scène, entremetteuse malgré elle, n’hésitant pas à recourir au registre de poitrine comme si elle chantait Verdi, détaillant le texte comme ne le fait pas sa maîtresse, pas moins à l’aise, grâce à sa maîtrise du souffle, dans les longues phrases des appels. « Hoher Bass » authentique, Albert Dohmen peut passer, comme d’autres avant lui, de Kurwenal – qu’il fut à Genève dans la fameuse production d’Olivier Py – à Marke : le meilleur de tous, finalement, par la noblesse du phrasé, l’intériorisation de l’émotion, la richesse du timbre, la douleur de ce vrai roi trouvant son écho dans une superbe clarinette basse.



Didier van Moere

 

 

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