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Place aux jeunes Geneva Victoria Hall 03/24/2011 - Felix Mendelssohn: Les Hébrides, opus 26
Frédéric Chopin: Premier Concerto pour piano, opus 11
Robert Schumann: Quatrième Symphonie, opus 120 Kit Armstrong (Piano)
Orchestre de la Suisse Romande, Marek Janowski (Direction) K. Armstrong (© Künstlersekretariat Schoerke GmbH)
Retenez bien le nom de Kit Armstrong. Ce jeune pianiste tout frêle droit venu de la Californie n’a que 19 ans. Il est compositeur, a travaillé avec Alfred Brendel et se produit depuis son plus jeune âge. Son toucher est beau. Il est capable de jouer de longs passages avec une égalité de son et un vrai legato (quoi qu’il serait possible de trouver quelques forte un peu « verts »). Sa technique est sans faille mais elle n’est pas le seul intérêt de sa prestation : ce qui le distingue des jeunes pianistes de son époque est qu’il fait partie de la famille très fermée des musiciens qui ont cette capacité de structurer les œuvres et de faire ressortir leur architecture, une famille dont sont issus des pianistes comme Schnabel, Brendel ou Pollini. Pas de sentimentalité ni d’extériorisation physique déplacée, pas de rubato trop visible ni d’arrêt narcissique sur une note, il n’est pas faux de le caractériser comme l’antithèse d’un Lang Lang.
Œuvre de jeunesse, le Premier concerto de Frédéric Chopin n’en est pas moins un chef-d’œuvre, bien que souvent présenté comme une pièce virtuose dont la partie soliste masque les interventions d’un orchestre dont Chopin n’aurait pas la même maîtrise que celle du clavier. Une telle conception ne tient pas une seule minute à la lumière de la lecture décapante qu’en donnent Armstrong et Janowski. L’introduction est dramatique à souhait et riche en couleurs, nous rappelant que le chef a une éducation allemande mais des racines polonaises. Dès l’entrée du pianiste, on est frappé par la continuité de la ligne musicale et l’autorité qu’il dégage. Durant le développement, alors que tant de solistes ont tendance à couvrir un orchestre souvent timide ou désintéressé, Armstrong n’hésite pas à réduire son volume et se fond dans l’orchestre, donnant un caractère concertant saisissant « à la Bach » que l’on ne connaissait pas à cette œuvre. Le Larghetto est plein de douceur et de sensibilité. Certains passages du Rondo manquent un peu de tension mais l’ensemble est plein de vie et d’énergie. Au final, voici une relecture pleine d’intelligence d’une pièce que l’on croyait connaitre, voici surtout un pianiste tout simplement exceptionnel dont on va entendre parler.
Très applaudi par une salle particulièrement silencieuse durant l’exécution, Armstrong donne un choral de Bach en bis, à nouveau, remarquablement par son construction et la continuité de sa ligne.
En début de concert, l’OSR et Marek Janowski retrouvaient Felix Mendelssohn, qui fait partie des compositeurs qu’ils ont souvent joué avec beaucoup de succès. Comme à son habitude, Janwoski privilégie des tempi plutôt vifs tout en prenant soin à bien alléger la texture orchestrale et mettre en valeur la pulsation rythmique. Sous sa direction, l’ouverture de jeunesse Les Hébrides est un vrai poème symphonique en miniature dans l’esprit de ce que fera plus tard un Richard Strauss. Dans la Quatrième Symphonie de Robert Schumann, Janowski recherche en revanche une couleur orchestrale plus forte privilégiant souvent les interventions des cuivres. L’orchestration se détourne de la légèreté mendelssohnienne pour se diriger vers des canons brucknériens. Si l’orchestre gagne en couleurs, en particulier dans le grand crescendo entre le Scherzo et le Finale, la ligne se perd durant le premier mouvement, où les équilibres se font au détriment des cordes. Mais ne nous trompons pas: le centre de gravité de ce concert était bien le concerto.
Antoine Leboyer
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