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Pour Haydn Paris Salle Pleyel 03/16/2011 - et 17 mars 2011 Joseph Haydn : Symphonie n° 88
Ludwig van Beethoven : Concerto pour piano n° 4, opus 58
César Franck : Symphonie en ré mineur
Rafal Blechacz (piano)
Orchestre de Paris, Paavo Järvi (direction)
R. Blechacz (© Felix Broede)
Même si la musique paraît bien impuissante face à un tel drame, les événements qui frappent le Japon depuis près d’une semaine mobilisent les phalanges parisiennes. Tandis que le Philharmonique de Radio France devait «dédier [son concert du vendredi 18 mars prochain] aux victimes du séisme japonais» et en affecter la recette «à un projet japonais de l’UNICEF dont Myung-Whun Chung et les musiciens de l’orchestre sont les ambassadeurs», un feuillet inséré dans le programme de salle indique l’Orchestre de Paris «souhaite dédier les deux concerts de cette semaine aux victimes du tremblement de terre», dans l’attente de la tournée qu’il a prévu d’effectuer dans l’archipel en novembre prochain.
Cette copieuse soirée couvrant exactement un siècle de musique commence par la Quatre-vingt-huitième Symphonie (1787) de Haydn: immortalisée au disque par Furtwängler, elle n’est pas si rare que l’affirme la note de programme, qui indique d’ailleurs elle-même que l’œuvre est apparue à l’affiche de l’Orchestre de Paris à trois reprises sur une période de douze ans. Quoi qu’il en soit, on ne regrette pas que Paavo Järvi s’intéresse à son tour au maître d’Esterháza, car il y fait preuve des mêmes qualités que la semaine précédente dans la très haydnienne Quatrième de Beethoven: clarté, tranchant, énergie et mise en valeur de l’élément rythmique. Difficile ensuite de chipoter sur quelques surprenants partis pris (reprise variée du Menuet avec un changement de nuances dynamiques, curieux crépitement de timbales dans la coda du Finale), sur un Allegro initial peut-être un peu lent (mais précédé d’un vigoureux Adagio) ou sur un Largo sagement phrasé (mais avec de formidables sforzandos du tutti), d’autant que la solide rusticité du Menuet et le tempo étourdissant de l’Allegro con spirito conclusif ont vraiment de quoi réjouir. Avec quarante cordes dans une disposition «viennoise» (violons I et II de part et d’autre du chef) mais aussi un placement inhabituel des bassons sur la gauche des pupitres de bois (à côté des violoncelles et contrebasses), l’orchestre semble se plaire dans ce répertoire à la facilité trompeuse, qui sanctionne immédiatement la moindre faiblesse.
Pour ses débuts à l’Orchestre de Paris, Rafal Blechacz (né en 1985) se produit dans le Quatrième Concerto (1806) de Beethoven. En phase avec un accompagnement ferme et musclé, le jeune Polonais ne manque pas d’assurance et les traits défilent généralement sans encombre, mais son jeu droit, mat et décanté, presque sec et raide, et ses tempi rapides s’en tiennent à un survol plus ludique et brillant que poétique. Ce même primat du digital sur l’expressif caractérise les deux Mazurkas offertes en bis – Deuxième puis Quatrième de l’Opus 41 (1839) – et rappelant qu’il remporta en 2005 le premier prix au concours Chopin de Varsovie.
La Symphonie en ré mineur (1888) de Franck fut créée par la Société des concerts du Conservatoire: héritier de cette formation, l’Orchestre de Paris a laissé plusieurs enregistrements de ce jalon essentiel de l’histoire de la musique française avec ses directeurs musicaux successifs, tant Karajan – un disque que le programme de salle se hasarde à ranger parmi les «versions de référence» – que Barenboim et Bychkov. Par une amusante coïncidence, il ne l’avait pas donnée depuis 1999, sous la direction de... Neeme Järvi. Diversement apprécié pour son approche du répertoire français depuis son arrivée à Paris, son fils allait-il mieux réussir dans cette partition sous forte influence germanique? Ayant retenu cette fois-ci une disposition plus traditionnelle des cordes (avec les altos au premier plan à sa droite), Paavo Järvi ouvre largement les vannes de l’orchestre, particulièrement des cuivres: puissante mais surtout massive, son interprétation apparaît en outre lestée par des tempi globalement lents et une difficulté à maintenir le fil d’un discours trop morcelé.
Le site de Rafal Blechacz
Simon Corley
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