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Cendrillon à l’électricité

Paris
Opéra Comique
03/05/2011 -  et 7, 9, 11, 13*, 15 mars 2011
Jules Massenet : Cendrillon
Judith Gauthier*/Blandine Staskiewicz (Cendrillon), Michèle Losier (le Prince Charmant), Eglise Gutiérrez (la Fée), Ewa Podles (Mme de la Haltière), Laurent Alvaro (Pandolfe), Aurélia Legay (Noémie), Salomé Haller (Dorothée), Laurent Herbaut (le Roi), Vincent de Rooster (le Doyen de la Faculté), Julien Neyer (le Surintendant des plaisirs), Paul-Henri Vila (le Premier Ministre)
Orchestre et Chœur des Musiciens du Louvre-Grenoble, Marc Minkowski (direction)
Benjamin Lazar (mise en scène)


(© Elisabeth Carecchio)


Courbes sensuelles des passages lyriques, pastiche de la musique du grand siècle, accents pré-debussystes : on reconnaît très vite, à l’écoute de cette Cendrillon créée en 1899, la patte du compositeur de Manon. Il est d’autant plus étonnant que ce « conte de fées » ne se trouve pas plus souvent à l’affiche… ou qu’il n’en existe, côté discographie, qu’une version officielle – avec l’inégalée Frederica von Stade (Sony). Merci donc à Marc Minkowski, toujours aussi curieux, de nous l’avoir rendu, comme il nous a rendu d’autres chefs-d’œuvre du patrimoine lyrique français. Lui que l’on trouve parfois désordonné, peu concentré, se révèle ici très à son aise. Si le néo-baroquisme de certaines pages le trouve d’emblée en terrain connu, il s’abandonne sans s’y perdre aux effusions chères à Massenet, sensible au mystère et à la poésie de la partition, trouvant le juste milieu entre les différents registres et, surtout, ne succombant pas à son penchant fâcheux pour une théâtralité artificielle. Bref, du meilleur Minkowski, qui ne s’est pas laissé piéger par l’acoustique du lieu.


La distribution s’avère plus inégale. Judith Gauthier n’a ni rondeur dans le timbre et ni souplesse dans l’émission, défauts aggravés au fur et à mesure de la représentation. C’est dommage : la finesse de la composition, l’adéquation aux canons du style français rendent plutôt justice au rôle, malgré une certaine raideur dans la déclamation. Le Prince charmant de Michèle Losier a, heureusement, plus de couleurs dans la voix, un phrasé mieux galbé, des élans plus chaleureux, de quoi se réjouir du choix d’un mezzo, comme à la création. Laurent Alvaro a l’immense mérite de remplacer au pied levé Franck Leguérinel : force est donc de lui pardonner un timbre un peu charbonneux, une articulation trop prosaïquement syllabique, pour souligner la bonne tenue de la ligne de chant et la justesse de la caractérisation dans ce rôle de père tendre et de mari bafoué. Remarquée à Savonlinna, Eglise Gutiérrez assume parfaitement les coloratures de la Fée, dont la magie aérienne échappe cependant à sa voix trop mate ; le médium manque également de chair pour un rôle qui ne se réduit pas au registre suraigu. Ewa Podles, en revanche, « cartonne » en madame de la Haltière gonflée de vanité, écrasant tout le monde par sa présence et sa vis comica dans un numéro d’auto-caricature de contralto rossinien, où elle joue avec panache des restes d’une voix aux registres totalement dessoudés.


Plus d’un siècle après, Cendrillon retrouve le lieu de sa création. L’Opéra Comique venait de rouvrir, après le terrible incendie de 1887, modernisé, en particulier grâce à l’électricité. Voici donc la Fée électricité. Et comme Méliès tourne ses premiers films, Benjamin Lazar transfère dans ses studios la partition de Massenet. Cendrillon, de son côté, deviendra, lorsqu’elle délire dans son sommeil, une de ces folles que traitait Charcot à la Salpêtrière. Ce genre d’idée a déjà beaucoup servi et ne fait plus guère d’effet. Le mariage entre Perrault et Méliès, surtout, agrémenté de mouvements de voiles à la Loïe Fuller pour la scène du Chêne des fées au troisième acte, paraît artificiel : le metteur en scène ne parvient pas à articuler les deux univers dans une vision cohérente. Cela dit, les costumes grand siècle sont superbes, si superbes d’ailleurs qu’ils soulignent la laideur ténébreuse du décor. Et la mise en scène, au fond, reste très convenue, tirant pour le comique toutes les ficelles d’usage au lieu d’épouser l’humour au second degré de la musique, échouant à restituer sa magie, avec, faute d’une direction d’acteurs affinée, beaucoup de passages à vide. L’électricité ne suffit pas à créer une féerie : l’éclairage à la bougie convient beaucoup mieux à Benjamin Lazar.



Didier van Moere

 

 

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