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Prolongation

Paris
Salle Pleyel
03/09/2011 -  et 10* mars 2011
Ludwig van Beethoven : Die Weihe des Hauses, opus 124 – Symphonie n° 4, opus 60
Alban Berg : Concerto pour violon «Dem Andenken eines Engels»

Gidon Kremer (violon)
Orchestre de Paris, Paavo Järvi (direction)


G. Kremer (© Knud Rauff)


Jusqu’au 10 avril, le hall de la salle Pleyel accueille des photographies d’interprètes illustres réalisées par Alexandra Kremer-Khomassouridze dans les coulisses des salles de concert: le lancement de cette exposition coïncide avec le retour de son mari, Gidon Kremer, à l’Orchestre de Paris, où il ne s’était pas produit depuis février 2006. Vingt-cinq ans plus tôt, à l’occasion de l’une de ses premières apparitions, il avait choisi le Concerto «à la mémoire d’un ange» (1935), qu’il a enregistré peu de temps après avec Colin Davis à Munich (Philips): s’il a beau avoir fait sienne cette œuvre qui convient si bien à son archet à la fois intense et fragile, le musicien letton, sans cesse sur le qui-vive, plus soucieux de l’expression que de la justesse, n’en continue pas moins d’explorer et d’interroger la partition déployée devant lui sur un pupitre.


Soigneusement ciselé par Paavo Järvi à défaut de dégager une force expressive à la hauteur de l’enjeu, l’accompagnement s’efforce de ménager le violoniste. Kremer ne parvient toutefois pas toujours à s’imposer, mais il sait faire bon cœur de cette mauvaise fortune, cultivant une veine plus chambriste que soliste et se plaçant délibérément dans une posture humble, comme lorsqu’il se recule à hauteur des premiers violons pour se joindre à eux à l’unisson. Mais il parvient à susciter émotion aussi bien qu’admiration et, fêté par l’orchestre autant que par le public, il offre, de nouveau avec l’aide de la partition, l’un de ses bis favoris: l’adaptation de la quatrième (Lento. Meditativo) des six Tango-Etudes (ou Etudes tanguistiques) pour flûte de Piazzolla.


Dans le cadre d’un traditionnel (et court) programme en trois volets, le Concerto de Berg était entouré d’une ouverture et, après l’entracte, d’une symphonie, toutes deux de Beethoven. Jusqu’à présent, le nouveau directeur musical, salué pour ses succès dans la musique du XXe siècle mais inégalement apprécié dans la musique française, n’avait abordé Beethoven à la tête de la formation parisienne qu’avec Janine Jansen dans le Concerto pour violon, puis Radu Lupu dans le Cinquième Concerto pour piano. La curiosité était grande de l’entendre dans ce répertoire, d’autant qu’il y a fait merveille au disque (RCA) avec la Philharmonie de chambre allemande de Brême, dont il est par ailleurs le directeur artistique depuis 2004.


La Consécration de la maison (1822), l’une des moins connues des onze ouvertures de Beethoven, n’est guère plus souvent programmée que Pour une fête, peut-être parce que cet Opus 124 se trouve coincé entre les deux géants que sont les Opus 123 et 125, à savoir respectivement la Missa solemnis et la Neuvième Symphonie. Sans apparaître évidemment aussi essentiel, il ne manque cependant pas de séduire, pour peu qu’on en fasse ressortir la solennité et l’éclat: c’est exactement ce à quoi parvient Järvi, insufflant à ces pages l’animation qui leur évite de verser dans la pompe ou la lourdeur. Héritier d’une longue tradition interprétative remontant à la Société des concerts du Conservatoire, qui organisa la première parisienne des Symphonies de Beethoven dès la fin des années 1820, et plutôt habitué ces dernières années à travailler avec des tenants d’une approche traditionnelle, comme Sawallisch ou Eschenbach, l’Orchestre de Paris fait preuve d’une belle capacité d’adaptation.


Plus fréquente que les Deuxième et Huitième, mais suffisamment rare pour ne pas avoir été donnée par les deux précédents directeurs musicaux de la phalange parisienne, la Quatrième Symphonie (1806) confirme les promesses que l’ouverture avait fait entrevoir. Dirigeant un effectif standard (cinquante cordes) sur instruments modernes et avec des cordes qui ne renoncent pas au vibrato, Järvi dispose d’une puissante force de frappe et n’hésite pas en user. Mais il appartient à cette génération de chefs qui intègrent les acquis des «baroqueux» pour redécouvrir ainsi un Beethoven... que Toscanini ou Szell n’auraient pas renié: engagé et dramatique, le discours est emporté par un élan tel que certains spectateurs ne peuvent se retenir d’applaudir après le premier mouvement.


S’il veille à ce que le propos aille constamment de l’avant, le chef estonien s’attache en même temps à passer chaque mesure au peigne fin, abordant d’un œil neuf une musique que chacun croit pourtant déjà bien connaître. Du coup, à aucun moment l’ennui ne menace: alors que le respect systématique des reprises peut si souvent tourner au pensum, il devient ici une véritable aubaine, permettant d’admirer une seconde fois le travail accompli sur le texte et la virtuosité de l’orchestre – le Finale, ne respectant pas du tout l’indication ma non troppo, est ainsi enlevé à une allure époustouflante. Quant à l’orchestre, il semble jubiler à s’illustrer avec le même esprit et la même excellence que l’Orchestre de chambre d’Europe voici quelques semaines avec Bernard Haitink


Certains jugeront sans doute que le climat manque quelquefois de chaleur, notamment dans l’Adagio, où l’élément rythmique – avec cet iambe il est vrai omniprésent – l’emporte sur le potentiel lyrique, et, surtout, que le trait est parfois un peu forcé – quelques libertés avec le texte, une pause volontairement exagérée avant les toutes dernières mesures. Mais le résultat fourmille de trouvailles stimulantes – mise en valeur de voix généralement négligées, originalité du phrasé, latitude accordé aux soli, comme la clarinette de Philippe Berrod dans l’Adagio.


Ovationné par ses musiciens, Järvi a une autre raison de se réjouir: on vient d’apprendre que son contrat, entré en vigueur à la rentrée dernière et initialement conclu jusqu’à la saison 2012-2013, est prolongé jusqu’à la saison 2015-2016.



Simon Corley

 

 

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