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Le roi s’amuse !

Versailles
Opéra royal
03/02/2011 -  et 3, 5, 6 (Versailles), 10 (Besançon) mars 2011
Henry Purcell : King Arthur
Julie Fuchs, Chantal Santon-Jeffery (sopranos), Mélodie Ruvio (mezzo-soprano), Mathias Vidal (haute-contre), Marc Mauillon (taille), João Fernandes (basse)
Elisabeth Geiger (chef de chant), Chœur du Concert Spirituel, Le Concert Spirituel, Hervé Niquet (direction)
Corinne et Gilles Benizio, alias Shirley et Dino (mise en scène), Jacques Rouveyrollis (lumières), Catherine Rigault (costumes)


(© Nicole Bergé)


On oublie trop souvent que, outre qu’elle ne cessait de se jauger pour savoir qui serait le mieux en vue du Souverain et qui aurait par exemple le privilège de tenir le bougeoir au coucher de Sa Majesté, la Cour savait s’amuser à Versailles, que la comédie allait bon train et que le roi lui-même (en tout cas pour Louis XIV) ne répugnait pas à s’autoriser quelques facéties. Le spectacle donné ce soir dans le cadre solennel de l’Opéra royal du château de Versailles nous l’a rappelé, et de quelle manière!


Prenez un chef d’orchestre rompu au répertoire baroque qui sait à l’occasion payer de sa personne que ce soit en kilt écossais ou en typique tenue autrichienne, un ensemble de musiciens dont les qualités ne sont plus à démontrer depuis plus de vingt ans, des chanteurs qui savent s’amuser en interprétant leurs rôles avec beaucoup de justesse, ajoutez-y un couple de comédiens-scénaristes dont le public connaît les exploits pour les avoir maintes fois vus à la télévision, saupoudrez le tout de la musique de Henry Purcell (1659-1695) et vous obtiendrez un spectacle loufoque au possible. On y croisera ainsi un régisseur de théâtre qui multiplie les gaffes (Dino, époustouflant), deux pingouins et un ours polaire, un chef d’orchestre (Hervé Niquet, tout simplement génial) qui essaie de dompter tant bien que mal son orchestre entre une interprétation de l’air «On a l’béguin pour Célestin» (tiré de l’opérette L’Auberge du Cheval Blanc de Ralph Benatzky) et une chanson de son cru moitié italienne, moitié tyrolienne, «On aime les si bémol quand on est musicien, on aime les bagnoles quand on est italien» (sans oublier une parfaite imitation du brame du cerf au fond des bois), deux skieurs scandinaves qui traversent la scène sans s’apercevoir qu’ils déboulent au beau milieu d’un spectacle... Bref, on pourrait ajouter le fameux «et un raton-laveur» à ce véritable bric-à-brac qui, au premier abord, pouvait nous inciter à la méfiance, Shirley et Dino ne s’étant pas toujours caractérisés par la plus évidente subtilité – avouons à ce propos que certains gags sont un peu trop appuyés mais ce n’est là qu’un infime reproche.


Et pourtant, en vérité, la musique et le chant de Purcell sont parfaitement intégrés à cette histoire désopilante où le comique (on pense aux Marx Brothers mais aussi à Blake Edwards ou aux Monty Python) côtoie la poésie la plus grande. Comme l’a très bien expliqué Hervé Niquet dans son allocution liminaire à l’attention du public, celui-ci a donc écrit une histoire qui utilise l’ensemble de la musique du semi-opéra en cinq actes King Arthur (1691) sans pour autant imposer au public les récitatifs de John Dryden, le librettiste. Certes, les puristes ou amateurs d’authenticité pleine et entière pourront être déçus (le spectacle étant considérablement raccourci par rapport à l’œuvre originelle puisqu’il dure à peine une heure quarante-cinq sans entracte) mais qu’importe tant le résultat fut enthousiasmant.


A tout seigneur tout honneur, João Fernandes incarne un Roi Arthur des plus parfaits, usant d’une voix chaude et d’un sens du théâtre à toute épreuve (notamment lorsqu’il interprète, au troisième acte, le célèbre «Air du froid», «What power art thou» ou lorsqu’il danse avec agilité sur les tables lors du banquet concluant l’opéra). Chacune des interventions de Mathias Vidal et Marc Mauillon, moines en robe de bure plus vrais que nature, doit également être saluée avec, au premier acte, le bel air «I call you all to Woden’s Hall» et surtout leur duo «Com if you dare», accompagnés de superbes trompettes et de chœurs non moins impliqués. Julie Fuchs et Chantal Santon-Jeffery jouent à merveille les péronnelles, que ce soit en costume d’infirmières ou de princesses tout droit venues de l’Orient lointain, Mélodie Ruvio étant également une musicienne à la hauteur de ses talents de comédienne. La mise en scène alterne pour sa part une grande poésie avec une verve comique incroyable: qu’on regarde, par exemple, Arthur chevaucher son cheval dans les airs («Hither this way» au deuxième acte II) ou les soldats du roi faire le pas du patineur pour entrer sur scène (où trône notamment un réfrigérateur) au début de l’acte III.


Les musiciens et les chœurs du Concert Spirituel sont excellents, participant à cette grande farce de la plus belle manière, qu’il s’agisse pour eux tous de revêtir bonnets et écharpes avant d’aborder le troisième acte (qui se passe dans les confins gelés des cieux), ou d’accompagner Hervé Niquet dans ses chansonnettes. Car, il faut le dire, c’est bien lui la vraie vedette de la soirée! Chansonnier, conférencier à l’attention du public tel que pourrait l’être le fils de Tryphon Tournesol et d’Achille Talon, comédien mais aussi chef attentif à ses musiciens, il étonne, fait rire (ses récurrents «Y a-t-il des questions?» à l’attention du public sont impayables), séduit et prouve l’immensité de ses talents. Quant à Corinne et Gilles Benizio, ils illustrent également ce que peut être l’art du cabaret dans ce qu’il a aujourd’hui de meilleur, leur prestation en skieurs scandinaves étant à marquer d’une pierre blanche.


Indéniablement, une réussite totale que ce King Arthur (disponible en DVD, chez Glossa, enregistré lors des représentations de mars 2009 à l’Opéra national de Montpellier Languedoc-Roussillon) que l’on devrait recommander à tous ceux qui voient dans l’opéra, qui plus est baroque, un divertissement réservé à une élite et à tous ceux qui ont le cafard: cela permettrait de faire tomber quelques idées reçues et de réduire le trou de la sécurité sociale.


Le site du Concert spirituel
Le site de Julie Fuchs
Le site de Mélodie Ruvio
Le site Mathias Vidal
Le site de Marc Mauillon



Sébastien Gauthier

 

 

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