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Ariane a du mal à décoller

Toulouse
Théâtre du Capitole
04/24/1998 -  et 26, 28, 30 avril et 3 mai 1998
Richard Strauss : Ariane à Naxos
Katharine Goeldner (Der Komponist),Aline Kutan (Zerbinetta) ; Elisabeth Meyer-Topsoe (Ariadne), Marian Pop (Harlekin), Michael Pabst (Bacchus)...
Pet Halmen (mise en scène, décors et costumes)
Orchestre du Capitole, Gunther Neuhold (direction)

Certainement une des plus belles oeuvres de Strauss, Ariane semble aussi parmi les plus difficiles à mettre en scène par la subtilité de son mélange incessant entre comédie, drame et féerie, entre antiquité grecque et commedia dell'arte. Pet Halmen, dans cette nouvelle production du Théâtre du Capitole, a totalement écarté cette problématique en mettant l'accent sur la seule partie comique de l'opéra. Foin d'antiquité, toute l'action se déroule dans la demeure très 1930 (époque préférée des metteurs en scène, semble-t-il) d'un riche noble viennois, dans des décors d'une sobriété réfrigérante, en noir et blanc pour le Prologue, dominés par le bleu nuit pour l'acte. Plutôt que d'une véritable mise en scène, c'est à dire un essai de comprendre et de faire vivre l'oeuvre, on pourrait parler plutôt d'illustration ou d'animation autour de la partition, dans un mouvement incessant qui cherche plus à distraire de l'action qu'à la servir. La troupe bouffe, transformée en cirque à la Barnum, accumule les gags "hénaurmes" et tient la vedette d'une façon sans doute exagérée, alors que la partie dramatique semble à peine traitée, comme le montrent les déplacements erratiques d'une Ariane laissée à elle-même ou la platitude de l'entrée de Bacchus déguisé en croque-mort venu boire une coupe de champagne au coin d'un canapé. L'oeuvre culmine avec le monologue de Zerbinette, où l'abattage d'Aline Kutan fait merveille, mais l'interêt retombe fortement avec le duo amoureux d'Ariane et Bacchus, franchement sinistre. Ainsi conçu, Ariane prend des airs d'opérette superficielle, les moments demandant plus d'intensité ou de sens de la durée étant expédiés et banalisés, ce qui évacue toute la dualité entre éléments comiques et tragiques voulue par le compositeur et son librettiste. Le plateau vocal est dominé par le remarquable Compositeur de Katharine Goeldner, belle mezzo à la voix ample et actrice énergique. Elisabeth Meyer-Topsoe chante bien, mais sa voix sans doute trop large pour le rôle fait d'Ariane une cousine de Senta et elle se montre d'une totale absence sur scène. Le public a fait un véritable triomphe à la Zerbinetta d'Aline Kutan dont la pétulance et le dynamisme étaient effectivement remarquables, alors que sa voix, plaisante au demeurant, paraît légère pour un rôle aussi exigeant, notamment dans l'aigu. On peut citer pour le reste un Musiklehrer sonore, des nymphes acidulées, une troupe bouffe plutôt médiocre d'où se détachaient les dandinements et les gloussements de dindon lubrique de l'inévitable Ricardo Cassinelli, qui ferait bien de songer à la retraite avant que le Capitole ne nous l'inflige à nouveau. Réservons une place particulière à Bacchus, caricature de Heldentenor à bout de souffle, qui a signé une prestation vocale remarquablement asthmatique et prions pour ne pas le revoir dans ce théâtre. Si Circé ne l'a pas transformé en cochon, il n'en braie pas moins comme un âne. Direction énergique et efficace de Günther Neuhold. Bien sûr, le spectacle n'est pas désagréable et la prestation de Katharine Goeldner vaut le détour ; mais où est Ariane ?



Laurent Marty

 

 

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