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Marathon schubertien

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
02/01/2011 -  
Franz Schubert: Moments musicaux, D. 780 – Impromptus, D. 899 et D. 935 – Klavierstücke, D. 946
András Schiff (piano)


A. Schiff (© Sheila Rock)


Les marathons se succèdent avenue Montaigne: beethovénien le lundi pour l’intégrale des Sonates pour violon et piano dont Renaud Capuçon et Frank Braley présentaient le premier volet, schubertien le lendemain pour András Schiff – voilà qui change des années Chopin, Schumann et Liszt. Son marathon ne s’apprécie cependant pas à l’aune d’une intégrale – l’entreprise serait au demeurant colossale – mais d’un unique récital dont la durée tranche avec les usages. Et si le pianiste hongrois a montré, notamment dans Bach, que les grandes distances ne l’effrayaient pas, il reste que dédier toute une soirée à un seul compositeur comporte un risque de monotonie, même s’il s’agit, en l’occurrence, de sommets de la littérature pianistique: les six Moments musicaux (1824), les huit Impromptus (1827) des Opus 90 et Opus 142 ainsi que les trois ultimes Klavierstücke (1828).


Au moins aussi nombreux que pour Arcadi Volodos quatre jours plus tôt, malgré la présence au même moment de Jorge Luis Prats à Pleyel, le public du Théâtre des Champs-Elysées ne s’est pas non plus laissé impressionner par la perspective de ces près de deux heures de musique, sans autre pause que l’entracte. Le Russe avait consacré la première partie de son programme à Schubert et il n’est pas facile de lui succéder, même pour une personnalité de l’envergure de Schiff. Sur l’un de ces Bösendorfer «Imperial» qu’il a toujours affectionnés – sans doute plus «authentique» dans ce répertoire mais, avec ses aigus un peu durs et malgré ses basses moelleuses, moins flatteur qu’un Steinway – il prend moins de libertés avec le texte mais, en un sens, l’interprète davantage que Volodos. Son approche inscrit ainsi les Moments musicaux à la pointe de leur époque, faisant apparaître leurs affinités avec le dernier Beethoven, en particulier dans le Cinquième (fa mineur), très décidé. L’ensemble du recueil est placé sous le signe de l’objectivité: le Deuxième et, plus encore, le Sixième (tous deux en la bémol) avancent sans traîner, tandis que le charme et la Gemütlichkeit souvent associés à ces pages passent au second plan – tant pis pour le bref et célèbre Troisième, parfois appelé «Air russe» (fa mineur).


Tout va ensuite crescendo, comme si le pianiste, dont la technique demeure au-dessus de tout soupçon, trouvait peu à peu ses marques pour s’assouplir, se libérer et diversifier son jeu: une urgence qui saisit dès le début des trois autres recueils, que ce soit le Premier des Impromptus de l’Opus 90 (en ut mineur), le Premier de l’Opus 142 (en fa mineur) ou le Premier des Klavierstücke (en mi bémol mineur), mais aussi une respiration déjà presque chopinienne dans le Deuxième Impromptu de l’Opus 90 (en mi bémol), qui ne s’en achemine pas moins jusqu’à une fougueuse coda au terme d’une progression parfaitement construite. Plus sobre que narratif, plus exigeant que tendre, il affronte imperturbablement et sans tricher les «divines longueurs» tout en ne ratant jamais une occasion de faire sonner l’instrument avec une rare subtilité, comme dans le premier couplet du Deuxième Klavierstück (en mi bémol). Le tempo ne s’alanguit pas dans les pièces lyriques, qu’il s’agisse du Troisième Impromptu de l’Opus 90 (en sol bémol) ou du Deuxième de l’Opus 142 (en la bémol), mais si les effusions sont peu fréquentes, hormis par exemple dans le Quatrième Impromptu de l’Opus 90 (en la bémol), la délicatesse des variations formant le Troisième Impromptu de l’Opus 142 (en si bémol) en fait l’une des plus grandes réussites de ce concert. Et les passages vifs, articulés clairement et sans sécheresse malgré la rapidité des tempi, peuvent se révéler ludiques et même capricieux, comme le Troisième des Klavierstücke (en ut) et le Quatrième Impromptu de l’Opus 142 (en fa mineur).


Au terme de ces dix-sept pièces, Schiff a encore assez de générosité et d’énergie pour offrir deux bis: la Mélodie hongroise (1824), à la carrure bien affirmée, et le Galop de Graz (1827), un vigoureux ut majeur qui rappelle que Schubert fut non seulement l’ancêtre de Bruckner et Mahler, mais aussi le contemporain de Lanner et Strauss.



Simon Corley

 

 

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