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A la recherche de Gustav Mahler

Paris
Salle Pleyel
01/29/2011 -  et 31 janvier (Luxembourg), 1er (Rotterdam), 4 (Athína) février 2011
Gustav Mahler : Kindertotenlieder – Symphonie n° 10 (version Deryck Cooke)

Thomas Hampson (baryton)
Ceská filharmonie, Eliahu Inbal (direction)


E. Inbal (© Jirka Jansch)


Célébrant tout à la fois le centième anniversaire de la mort de Gustav Mahler et le soixante-quinzième anniversaire de la naissance de son actuel «chef principal», la Philharmonie tchèque fait une brève étape salle Pleyel, dans une ville où ses apparitions se font bien trop rares. En proposant un programme entièrement mahlérien au cœur d’une saison musicale où le compositeur autrichien est à l’affiche jusqu’à l’overdose, Eliahu Inbal (né en 1936) n’a pourtant nullement rebuté les spectateurs parisiens qui occupent massivement les fauteuils de la salle et réservent un accueil particulièrement chaleureux aux musiciens praguois. On est toutefois vite refroidi par l’indifférence qui pèse, en première partie, sur les Chants pour les enfants morts (1901/1904). Deux semaines après les avoir chantés au Théâtre des Champs-Elysées dans la version avec piano, Thomas Hampson (né en 1955) remet sur le métier des Kindertotenlieder qu’il connaît comme peu d’autres.


Certes, le baryton américain garde toute son autorité naturelle dans le chant et démontre, par sa diction impeccable, une incontestable maîtrise des poèmes de Friedrich Rückert. D’où vient alors l’impression de routine qui plombe son interprétation et donne le sentiment d’un survol du texte – pour le moins inattendu de la part de cet éminent mahlérien? Probablement, pour une large part, de la triste trivialité de l’accompagnement orchestral, aussi instrumentalement parfait qu’il est orchestralement décoratif, plombé par des tempos à la fluctuation parfois douteuse. Et pourtant, le timbre de Thomas Hampson garde le même velours, dès «Nun will die Sonn’ so hell aufgehn» et jusque «Sie ruh’n wie in der Mutter Haus». Mais, ce soir, le souffle, s’il reste puissant, paraît moins infaillible que par le passé («Wenn dein Mütterlein tritt zur Tür herein»), alors que l’étendue des registres semble moins conquérante qu’avant. Fatigue passagère? On est loin, en tout cas, de l’engagement hors du commun de Matthias Goerne en début de saison dans des lieder qui n’acceptent pas la demi-mesure.


Parvenu à l’entracte d’un concert mahlérien où Mahler semble s’être absenté, on craint alors de devoir rechercher en vain le nerf comme la veine du natif de Kalistě, dans une œuvre qui demeure en elle-même source de controverse. La Dixième symphonie a, en effet, été laissée inachevée par son auteur en 1910. Reconstituée par Deryck Cooke (1919-1976) au début des années 1960, la version qu’il n’est désormais plus rare d’entendre en concert relève toujours du «mensonge» ou de l’«absolument inacceptable» (Pierre Boulez) pour certains, alors qu’elle témoigne d’un «travail admirable» (Henry-Louis de La Grange) pour d’autres. Se situant à l’évidence dans le camp des convertis, Eliahu Inbal fréquente cette partition depuis longtemps – ayant même laissé deux enregistrements de la version Cooke qu’il présente régulièrement sur scène (bientôt encore à la tête du Concertgebouw d’Amsterdam dans le cadre de l’excitant cycle Mahler de la formation amstellodamoise) – et cela s’entend. Eliahu Inbal ne parvient certes pas à nous faire retrouver Mahler dans les passages les moins convaincants du travail de reconstitution de Deryck Cooke – comme dans ce Scherzo. Schnelle Viertel qu’il est tentant de voir comme une régression par rapport à l’évolution stylistique du Mahler de l’été 1910. Mais il peut compter sur le formidable engagement des musiciens tchèques pour unifier cette partition aussi fascinante que transgressive. A la tête d’un orchestre de cent instrumentistes (dont soixante cordes), le chef israélien captive un public qui fait silence jusque dans les toutes dernières notes du Finale.


Est-ce parce que Gustav Mahler est né dans l’actuelle République Tchèque, qu’il a créé l’une de ses œuvres les plus extrêmes (sa Septième symphonie) avec la Philharmonie tchèque, que celle-ci est baignée d’une longue tradition interprétative de ses œuvres, que l’Adagio semble aussi sonner aussi évidemment juste? On admire tout à la fois la rigueur des pupitres et la liberté d’un discours riche en contrastes, où chaque voix jouit d’une liberté qui n’entrave jamais la cohérence de l’ensemble. Il faut dire que les cordes tchèques – pugnaces et chantantes, souples et véhémentes, intenses mais jamais agressives – regardent sans cesse vers l’exubérance de la Première symphonie. Les cuivres rejoignent l’excellence préservée des cordes dans le premier Scherzo, les musiciens ne sacrifiant jamais le mordant à la vélocité et à la précision – sauf peut-être dans un Purgatorio qui échoue à constituer le cœur spirituel de la partition qu’il est pourtant censé être. Cela rehausse d’autant l’incontestable unité du second Scherzo, baigné de couleurs schubertiennes, ivre de mouvement, aussi souple dans les grandes masses (grâce à des cuivres superlatifs) que tranchant dans les brèves interventions (trombones, contrebasses, violoncelle solo) annonciatrices du Finale. L’atmosphère de décharnement de la nature est alors d’autant plus saisissante qu’Eliahu Inbal faisait, dans les quatre mouvements précédents, la part belle aux sonorités rondes et à la luxuriance de l’orchestre. Elle met également en valeur la pureté presque suspecte des interventions en solo de la flûte – contractée et claire comme une lame de rasoir – et de la trompette – d’une tension à la limite du soutenable. Rythmé par des coups de tambour implacables et glaçants, ce Finale pourrait oser plus de contrastes, révéler davantage de tension et de violence. Il respire, en revanche, l’évidence et surtout l’excellence d’une exécution instrumentale infaillible.


Le site de l’Orchestre philharmonique tchèque
Le site de Thomas Hampson



Gilles d’Heyres

 

 

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