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Mais qu’est donc devenu l’orchestre de Mravinski? Paris Théâtre des Champs-Elysées 01/15/2011 - Johannes Brahms: Concerto pour piano n° 2, opus 83 – Symphonie n° 4, opus 98
Nelson Freire (piano)
Orchestre philharmonique de Saint-Pétersbourg, Youri Temirkanov (direction)
N. Freire (© Fabrice Boissière)
Exclusivement dédié à Brahms, le second programme de l’Orchestre philharmonique de Saint-Pétersbourg au Théâtre des Champs-Elysées n’en permet pas moins de retrouver, comme la veille, Nelson Freire, dans une œuvre chère à son cœur, le Second Concerto (1881), qu’il a déjà donné à Paris à plusieurs reprises ces dernières années, aussi bien avec le Philharmonique de Strasbourg en octobre 2006 qu’avec le Symphonique de Londres en septembre 2009. Placé au devant des musiciens, seul à l’avant-scène, le pianiste brésilien s’impose avec une force tranquille, conjuguant évidence, sérénité et délicatesse grâce à un jeu dépourvu de pesanteur mais n’en sachant pas moins cultiver des sonorités d’une somptueuse profondeur. Toutes qualités éminemment brahmsiennes qui réjouissent également dans le Deuxième des trois Intermezzi de l’Opus 117 (1892) offert en en bis.
Nelson Freire a d’autant plus de mérite que Youri Temirkanov, à force de vouloir mettre en valeur la dimension lyrique de la partition, s’acharne à vouloir ralentir le tempo et à alourdir le propos, au risque de couper l’élan, et que l’orchestre, dont le rôle est central dans cette «symphonie avec piano principal», se montre très en retrait du souvenir que ses précédentes visites avaient laissé: forêt de cordes (près de soixante-dix) contribuant à une texture épaisse, couleurs bien ternes, niveau instrumental assez décevant. Cette impression s’aggrave hélas après l’entracte dans une Quatrième Symphonie (1885) d’une rare médiocrité, compacte et massive, grandiloquente et tonitruante – à l’énoncé du thème de la Passacaille, on se demande si la statue du Commandeur ne va pas traverser la scène –, mais surtout techniquement indigne: finition peu soignée, et même cafouillage au début de l’Andante moderato, solistes à la dérive (cor sans cesse en difficulté, bois aigrelets, timbalier trop présent). Comment l’orchestre de Mravinski en est-il arrivé là?
Certes toujours attentif au chant, Temirkanov, avec ses phrasés volontiers sirupeux, tend cependant à lorgner vers Tchaïkovski: poussiéreux et démodé, dans un tempo lent et fluctuant, ce Brahms dépourvu de fil conducteur nous ramène à celui qu’une certaine critique française avait beau jeu de caricaturer il y a plus d’un demi-siècle. Comme la veille, la formation russe choisit Elgar en bis et, comme en 2000, 2007 et 2009, «Nimrod», neuvième des Variations «Enigma» (1899), nouveau prétexte à des excès de pathos.
Simon Corley
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