About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Dada chez Favart

Paris
Opéra Comique
01/07/2011 -  et 9*, 10, 12, 13 janvier
Dimitri Chostakovitch : Fox-trot extrait de la Première Suite pour orchestre de jazz
Darius Milhaud : Le Bœuf sur le toit, opus 58
Francis Poulenc : Les Mamelles de Tirésias

Hélène Guilmette (Thérèse, la Cartomancienne), Ivan Ludlow (le Mari), Werner van Mechelen (Le Directeur de théâtre, le Gendarme), Christophe Gay (Presto), Loïc Felix (Lacouf), Thomas Morris (le Journaliste parisien), Marc Molomt (le Fils), Jeannette Fischer (la Marchande de journaux), Robert Horn (Comédien), Henri Bruère-Dawson, Romuald Bruneau, Loïc Consalvo, Braulio Do Nascimento Bandeira, Aurélien Mussard, Lilian Nguyen Duy Nguyen (Danseurs), Edgard Guilet (Figurant)
Orchestre et Chœurs de l’Opéra de Lyon, Ludovic Morlot (direction)
Macha Makeïeff (mise en scène, décors, costumes et accessoires)


(© Pierre Grosbois)


Trop légères, Les Mamelles de Tirésias, créées à l’Opéra Comique en 1947, pour un lendemain de guerre mondiale et la libération d’un pays occupé ? Poulenc a lui-même répondu à ces attaques : « Ayant chanté ma soif d’espérance dans Figure humaine, en 1943, j’estime que j’avais bien le droit de célébrer l’allégresse da la liberté retrouvée avec une œuvre un peu folle écrite, en outre, pour le retour d’Amérique de mon cher Milhaud. » Les Mamelles de Tirésias sont finalement à Poulenc ce que la Neuvième Symphonie est à Chostakovitch. Et il dédie à Milhaud, le complice des années 1920, l’époque de l’éphémère Groupe des six, sa mise en musique du « drame surréaliste » d’Apollinaire, créé en 1917, en pleine première Guerre mondiale… moins d’un mois après Parade de Satie.


Rien de cela n’a échappé à Macha Makeïeff, dont le spectacle associe Les Mamelles de Tirésias au Bœuf sur le toit de Milhaud, précédés du Fox-trot de la Première Suite pour orchestre de jazz de Chostakovitch – alors qu’en 1934 l’effervescence artistique des débuts de la révolution n’était plus qu’un souvenir. Un spectacle que la nouvelle directrice de la Criée marseillaise a voulu placer sous le signe du cirque, de la revue de music-hall et de Dada, en retournant, comme Poulenc, à l’esprit d’invention loufoque et burlesque des années folles. Voici donc des musiciens noirs, Joséphine avec ses bananes, des acrobates et un boxeur, des clowns à la trogne enfarinée, mais aussi un cheval à quatre jambes, un vrai bœuf… Thérèse et son mari deviennent des personnages du cirque et le Directeur apparaît sous les traits d’Apollinaire blessé à la guerre. On s’attendait évidemment au côté Deschiens de la mise en scène, qui a bien sa place dans cet univers déjanté. C’est coloré, ça bouge, c’est remarquablement monté. On sent toutefois plus d’effets que d’idées et cette lecture des Mamelles s’en tient à un premier degré - le féminisme, le travesti, le journalisme, la dépopulation… - sans chercher à creuser les ambiguïtés, à débusquer la poésie, confondant un peu trop la charge et la parodie. Si l’œuvre de Poulenc porte en elle la marque nostalgique d’une époque où l’on se moquait de tout, cette époque est révolue : son opéra-bouffe a aussi ses zones d’ombre et de mystère - le Prologue, par exemple, clin d’œil au théâtre grec, tombe à plat.


Ludovic Morlot l’a bien compris, qui s’impose des limites : précise et sûre, la direction a beau ne pas résister au plaisir de savourer tous ces rythmes de danse, elle garde parfois une sorte de retenue à travers l’exubérance, surtout dans le ballet de Milhaud, où certains se déhanchent davantage. Mais le lien, du coup, se fait naturellement entre le ballet et l’opéra, sur lesquels un Fox-trot de Chostakovitch assez mélancolique avait d’emblée jeté son ombre. On apprécie également que le jeune chef ne se laisse pas prendre au piège de l’acoustique des lieux : la musique ne vire jamais au bruit – il est vrai que l’Orchestre lyonnais, depuis qu’il est pris en main par Kazushi Ono, a gagné en cohérence. Hélène Guilmette, hier sœur Constance à Nice, campe ici une Thérèse pleine d’abattage scénique et vocal, drôle sans outrance, homogène sur une tessiture que Poulenc veut longue : il faut désormais compter avec la soprano canadienne. On n’en dira pas autant du Mari d’Ivan Ludlow, pourtant exactement caractérisé : trop baryton pour le Trial exigé. Impeccables et impayables Presto et Lacouf de Christophe Gay et Loïc Felix, comme le Journaliste de Thomas Morris ou l’éphémère Marchande de journaux de Jeannette Fischer, alors qu’il manque à Werner van Mechelen, pour le Directeur, le sens de la déclamation propre au grand style français.



Didier van Moere

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com