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Deux interprètes pour une veuve

Geneva
Grand Théâtre
12/14/2010 -  et 16, 18, 19, 21*, 23, 26, 28**, 29, 31 décembre 2010
Franz Lehar: Die lustige Witwe

José Van Dam (Baron Mirko Zeta), Jennifer Larmore (Valencienne), Johannes Martin Kränzle (Danilo), Annette Dasch**/Elisabeth Flechl* (Hanna Glawari), Bernard Richter (Camille de Rosillon), José Pazos (Cascada), Fabrice Farina (Raoul de Saint Brioche), Silvia Fenz (Njegus), Romaric Braun (Bogdanowitsch), Magali Duceau (Silviane/Frou-Frou), Wolfgang Barta (Kromow), Christiana Presutti (Olga/Dodo), Omar Garrido (Pritschitsch), Rosale Bérenger (Praskowia/Jou-Jou), Daniela Stoytcheva (Lolo), Lubka Favarger (Clo-Clo), Dominique Cherpillod (Margot)
Chœur du Grand Théâtre de Genève, Ching-Lien-Wu (direction), Orchestre de la Suisse Romande, Rainer Mühlbach (direction musicale)
Christof Loy (mise en scène), Christian Schmidt (décors), Ursula Renzenbrink (costumes), Olaf Winter (lumières), Thomas Wilhelm (chorégraphie)


(© GTG/Monika Rittershaus)


Murmures dans les rangées de fauteuils du Grand Théâtre. Ce n’est pas tous les soirs en effet que le directeur en personne monte sur scène. Le 21 décembre, Tobias Richter est contraint d’annoncer qu’Annette Dasch ne pourra pas chanter le rôle d’Hanna Glawari dans la nouvelle production de La Veuve joyeuse, pour cause de laryngite. Prévenu la veille au soir, il n’a pas eu la tâche facile pour dénicher une remplaçante, d’autant que les transports dans toute l’Europe sont fortement perturbés par le mauvais temps. Il a néanmoins une bonne nouvelle: Elisabeth Flechl, membre de la troupe de la Volksoper de Vienne, a accepté de relever le défi. Un exploit courageux quand on sait que la chanteuse était en train de répéter Les Joyeuses Commères de Windsor dans la capitale autrichienne. Comme elle n’est arrivée à Genève qu’en milieu d’après-midi, elle n’a pas eu le temps d’assimiler le spectacle, si bien qu’Annette Dasch jouera le rôle de la veuve sur scène, pendant qu’Elisabeth Flechl chantera la partition devant un pupitre sur un côté du plateau. Solution peu ordinaire donc, pour une situation extraordinaire. A la fin de la soirée, les spectateurs, reconnaissants, ont chaleureusement applaudi Elisabeth Flechl, qui a sauvé la représentation. Certes, le rôle est inscrit à son répertoire, mais elle a impressionné par sa concentration et son sang froid, livrant une prestation sans aucune fausse note ni décalage audible avec ses collègues ou le chef d’orchestre, chapeau! Le 28 décembre, c’est une Annette Dasch rétablie qui assure son rôle à la fois vocalement et scéniquement. Même si la voix peine parfois à se faire entendre dans la salle, la chanteuse charme par son timbre lumineux, sa présence scénique, son expressivité et, il faut bien le dire, ses formes sculpturales, surtout lorsqu’elle traverse le plateau en sous-vêtements. Point d’orgue du spectacle, la célèbre Légende de Vilja est rendue avec beaucoup de sensibilité.


Cette production était attendue avec une appréhension certaine, tant le metteur en scène, Christof Loy, avait massacré – il n’y a pas d’autre terme! – La Donna del Lago en mai (lire ici). Heureusement, il a été cette fois autrement plus inspiré: modifiant passablement le livret, il a concentré l’action sur 24 heures et dans un lieu unique, un grand hall en marbre, impersonnel et froid, d’un bâtiment administratif des années 1950, évoquant le Palais des Nations de Genève. Une allusion au caractère cosmopolite de la ville, étant donné que les dialogues et certains airs se succèdent en allemand, en français, en anglais et en croate, une façon aussi de tenir compte de la nationalité des interprètes (ainsi, Valencienne, jouée par Jennifer Larmore, est ici une Américaine n’hésitant pas à entonner un air de One Touch of Venus de Kurt Weill). Christof Loy jette un regard subtil et décalé sur une société qui veut s’amuser mais où chacun se cherche sans véritablement se trouver (superbes chassés-croisés entre les personnages!), une société désabusée, nostalgique de son passé, en quête de valeurs et menant un combat entre les sexes (dans le programme, le metteur en scène évoque «une sorte de prise de conscience par les femmes des désirs masculins»). Si les bulles de champagne et les froufrous sont au rendez-vous (normal pour un spectacle de fêtes!), on sent poindre beaucoup de lucidité et de gravité dans une production cohérente et intelligente, à l’humour grinçant, avec un superbe travail de direction d’acteurs, chaque personnage étant finement caractérisé. Jamais deux sans trois dit-on: on attend désormais avec impatience de savoir ce que nous réserve Christof Loy pour Les Vêpres siciliennes en mai prochain.


Malgré sa longue carrière, José Van Dam n’avait encore jamais interprété une opérette sur scène. Même si, désormais, il parle plus qu’il ne chante, il campe un ambassadeur haut en couleur, mêlant roublardise et cynisme avec une veine comique qu’on ne lui connaissait guère. Jennifer Larmore s’en donne à cœur joie en Valencienne, incarnant une Américaine plus vraie que nature, qui garde sa bonne humeur et son entrain coûte que coûte. Johannes Martin Kränzle est un Danilo de grande classe, au naturel époustouflant, rendant à merveille les mille et une facettes du personnage: tout à la fois amoureux transi et séducteur en diable, fêtard et sombre. On retiendra aussi le beau timbre et le physique de jeune premier de Bernard Richter en Camille de Rosillon ainsi que l’inénarrable Njegus confié à la comédienne Silvia Fenz. Le champagne coule également dans la fosse, où Rainer Mühlbach fait pétiller chaque note.



Claudio Poloni

 

 

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