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Melting pot

Paris
Amphithéâtre Bastille
12/18/2010 -  et 19, 21*, 22 décembre 2010
Kurt Weill : Street Scene (extraits)

Olivia Doray (Rose Maurrant, Une lycéenne), Ilona Krzywicka (Mrs. Maurrant), Zoe Nicolaidou (Mae Jones, Une lycéenne, Première nurse), Chenxing Yuan (Mrs. Fiorentino), Marianne Crebassa (Mrs. Olsen), Carol García (Jenny Hildebrand), Letitia Singleton (Mrs. Jones, Seconde nurse), Manuel Nunez Camelino (Abraham Kaplan, Lippo Fiorentino), Cyrille Dubois (Sam Kaplan, Daniel Buchanan), Alexandre Duhamel (Mr. Olsen), Michal Partyka (Henry Davis), Damien Pass (Mr. Maurrant, Dick McGann), Florian Sempey (Harry Easter, Mr. Jones)
Alphonse Cemin, Chloé Ghisalberti (piano), Lorenzo Di Toro, Ugo Mahieux (chefs de chant), Jeff Cohen (direction des études musicales)
Irène Bonnaud (mise en scène), Claire Le Gal (scénographie), Nathalie Prats (costumes), Daniel Lévy (lumières), Jean-Marc Piquemal (chorégraphie)


(© Mirco Magliocca/Opéra national de Paris)


Après Le Mariage secret de Cimarosa et Mirandolina de Martinů, l’Atelier lyrique de l’Opéra national de Paris s’aventure une fois de plus hors des sentiers battus: sous le titre «Kurt Weill. New York (Songs from Street Scene)», voici maintenant à l’Amphithéâtre Bastille de larges extraits de Street Scene (1946). Heureuse initiative, car si la période européenne du compositeur est bien connue, tel n’est pas le cas de son exil américain. Or, Street Scene, comme le rappelle Pascal Huynh dans ses instructives notes de programme, marque précisément une étape capitale dans l’assimilation du tout nouveau (1943) citoyen américain, fort de deux succès à Broadway, qui a sous-titré sa partition «opéra américain en deux actes».


Déjà adaptée au cinéma par King Vidor (1931), la pièce éponyme (1929) d’Elmer Rice (1892-1967) avait suscité l’intérêt de Weill dès 1936 alors qu’il était encore à Berlin. Le dramaturge a lui-même contribué aux lyrics, auxquels le poète Langston Hughes (1902-1967) a toutefois pris une part déterminante. Fidèle aux unités classiques de temps et de lieu, l’action se déroule dans la moiteur d’une soirée puis d’une matinée d’été au pied d’un immeuble d’un quartier pauvre de New-York, dont la scénographie de Claire Le Gal restitue l’inévitable pompe à incendie rouge et la pierre brune sur laquelle contrastent quelques affiches publicitaires de couleurs vives: un cadre inchangé près de deux heures durant, à l’image de l’enfermement ressenti par les personnages – ils veulent tous quitter le quartier, mais ne le peuvent pas – et dans lequel se développent des tensions croissantes, depuis les querelles de voisinage jusqu’au crime passionnel en passant par les disputes politiques, l’alcoolisme ou l’expulsion de locataires.


Heureusement, L’Opéra de quat’sous et West Side Story s’invitent dans le noir réalisme à la Zola, souligné par les costumes de Nathalie Prats, de ce Pot-Bouille new-yorkais qui menace sans cesse de virer au mélo: ainsi du ton décalé et cynique du duo des nurses («Lullaby») ou bien des clins d’œil à l’American way of life, tels l’impayable «Ice-cream Sextet» et le numéro de danse «Moon-faced, starry-eyed», avec chorégraphie de Jean-Marc Piquemal et lumières de Daniel Lévy passant en revue les figures obligées du musical. Comme embarrassée par la succession un peu raide d’airs et ensembles qu’offre une exposition un peu longuette, la mise en scène d’Irène Bonnaud trouve ensuite un rythme tout à fait satisfaisant, à la faveur des péripéties que réserve l’intrigue.


La musique se montre aussi composite que cette étrange mixture de bons sentiments et de catastrophes, de regrets et d’espoirs, de chronique sociale et d’humour mordant: comme Mozart dans Don Giovanni ou La Flûte enchantée, Weill manie différents registres esthétiques, scéniques et vocaux. Créé sous la direction de Maurice Abravanel, Street Scene revendique sans nul doute le caractère d’opéra «sérieux»: les exigences vocales sont réelles – la distribution fait d’ailleurs explicitement appel, par exemple, à des sopranos «dramatique», «lyrique» ou «colorature» – et les harmonies subtilement travaillées. L’air «Somehow I never could believe» de Mrs. Maurrant (poignante Ilona Krzywicka) témoigne lui aussi de l’ambition de cultiver le grand genre – et en possède les moyens. Mais Street Scene, présenté en son temps dans un théâtre de Broadway, relève également de la comédie musicale: le cast comprend un Broadway baritone, deux singers-dancers et des rôles parlés, le plus souvent sur un accompagnement musical (les dialogues sont ici donnés en français), et l’écriture ne dissimule ses dettes ni aux maîtres du genre (Gershwin, Irving Berlin), ni aux modes d’expression typiquement américains (blues, boogie, ...).


Par leurs multiples origines, les pensionnaires de l’Atelier lyrique, encadrés pour l’occasion par Jeff Cohen en «directeur des études musicales», ont tout pour incarner, dans une acoustique pas toujours très favorable aux voix, cette galerie de personnages emblématiques des failles et des rêves du melting pot. Malgré la réduction du nombre des rôles, certains en endossent jusqu’à trois durant la soirée: tout en investissant pleinement la haine puis les remords de Mr. Maurrant, le baryton-basse australien Damien Pass s’autorise ainsi un dynamique numéro de jitterbug avec la pétillante soprano chypriote Zoe Nicolaidou. On retrouve avec plaisir la soprano Olivia Doray, piquante Mirandolina la saison passée, dans le personnage de Rose, sans doute le plus abouti de la pièce. Les promotions de jeunes chanteurs se succédant par moitié, le ténor Cyrille Dubois vient de faire son entrée dans la troupe, mais il y a déjà trouvé toute sa place, comme il le démontre dès son bel air «Lonely house».


Même si l’on peut toujours déplorer que des coupures aient dû être pratiquées, notamment les passages mettant en scène des enfants, les trois quarts du spectacle demeurent toutefois préservés. Davantage que ces contraintes inhérentes aux moyens dont dispose l’Atelier lyrique, on regrettera en revanche que l’orchestre ait été remplacé par un simple piano: non pas qu’Alphonse Cemin, quelquefois renforcé pour un quatre mains par Choé Ghisalberti, soit à blâmer, bien au contraire, mais il est dommage de se priver d’une instrumentation que, bien que s’étant limité à une trentaine de musiciens, Weill avait particulièrement soignée.


La page de l’Atelier lyrique de l’Opéra national de Paris
Le site de la Fondation Kurt Weill
Le site d’Olivia Doray
Le site de Cyrille Dubois
Le site de Carol García
Le site de Zoe Nicolaidou
Le site de Letitia Singleton



Simon Corley

 

 

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