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Le dernier tango à Montevideo

Paris
Opéra Comique
12/13/2010 -  et 5, 6 (Quimper), 9, 11, 12 (Rennes) novembre, 9 (Besançon), 14* (Paris) décembre 2010, 11 (Bourges), 20 (Saint-Etienne) janvier 2011
Oscar Strasnoy : Cachafaz

Lisandro Abadie (Cachafaz), Marc Mauillon (Raulito), Nicolas Vial (Le policier)
Les Cris de Paris, Ensemble 2e2m: Axelle Ciofolo-de Peretti (clarinette), Loïc Sonrel (trompette), Damien Prado (trombone), Didier Aschour (guitare), Aurélien Richard (orgue Hammond), Clément Delmas (percussion), Pierre Baldassare (violon), Olivier Moret (contrebasse), Geoffroy Jourdain (direction musicale)
Benjamin Lazar (mise en scène), Lisandro Abadie (dramaturgie), Nicolas Vial (collaboration artistique), Adeline Caron (décors), Alain Blanchot (costumes), Christophe Naillet (lumières)


M. Mauillon, L. Abadie (© Nathaniel Baruch)


Après Quimper, où il a été créé, Besançon et Rennes, et avant Bourges et Saint-Etienne, Cachafaz s’arrête pour deux soirs à l’Opéra Comique. «Comique», l’histoire du couple formé par le métis Cachafaz («fripouille»), travailleur des abattoirs devenu une sorte de Mackie-le-Surineur des faubourgs de Montevideo, et Raulito, travesti au cœur d’artichaut, qui dépècent les policiers pour nourrir les habitants déshérités de leur conventillo et trouvent finalement une mort violente?


Comique, cette «tragédie barbare en deux actes et en vers»? Désopilante, grand-guignolesque, assurément, sous la plume de Copi (1939-1987), auteur de la pièce éponyme (1981). Baroque, aussi, tel l’univers grotesque et gore, aussi sordide que flamboyant, du dessinateur et écrivain argentin, qui inspire son compatriote Oscar Strasnoy (né en 1970), moins de deux ans après que Régis Campo a adapté Les Quatre Jumelles (voir ici). Et si en matière de baroque, Benjamin Lazar en connaît un rayon, lui qui a ressuscité Le Bourgeois gentilhomme, Il Sant’Alessio puis Cadmus et Hermione, ce n’est évidemment pas du même registre qu’il est ici question: adieu le menuet, bonjour le tango, Copi, qui se prénommait Raul, se souvenant de sa jeunesse uruguayenne, même s’il situe l’action dans les années 1920.


La langue (espagnole) et les péripéties sont d’une crudité qui relèguerait presque le sulfureux Powder her face d’Adès et Hensher au rang de divertissement pour pensionnat de jeunes filles. Mais on n’en retrouve pas moins la sobriété et la rigueur typiques du metteur en scène dans son souci de ne pas en rajouter dans les outrances et les délires de situations et personnages dont le texte, entre humour noir et parodie, force déjà sans cesse les traits: le résultat ne s’en révèle que plus efficace, et le décor délabré d’Adeline Caron, les costumes dépenaillés d’Alain Blanchot aussi bien que les lumières lugubres de Christophe Naillet y concourent en pleine harmonie. Dans cette intrigue où chacun n’a de cesse d’invoquer la décence, voilà du naturalisme plus naturel que nature, du vérisme plus vrai que vrai, dans ses excès sentimentaux et dans ses héros entiers, pitoyables et naïfs à la fois. Mais si les trois rôles, dont un parlé, évoquent les trois principaux protagonistes de Tosca, c’est toute l’histoire de l’opéra qui défile sous nos yeux: âmes venues de l’au-delà (et munies de mégaphones), interminable Liebestod, révolte sociale de Wozzeck et de L’Opéra de quat’sous, ....


La musique n’est pas en reste en termes de persiflage, avec un décompte des cadavres recyclés à la boucherie sur l’air du catalogue de Don Giovanni et un intermède consistant en une transcription de l’Ouverture de La Force du destin, qu’il faut imaginer confiée à un octuor façon Histoire du soldat (clarinette, trompette, trombone, percussions, violon, contrebasse) mais intégrant une guitare pour la couleur locale et un orgue Hammond particulièrement volubile. La partition de Strasnoy tient la durée (près de cent minutes) et semble s’amuser à relever les défis stylistiques: elle n’élude pas les rythmes et musiques sud-américains, à commencer par le tango («El Cachafaz» fut d’ailleurs le surnom d’un célèbre danseur de l’entre-deux-guerres), mais ces références ne deviennent jamais trop épigonales ou envahissantes. Du parlé au duo lyrique, en passant par le récitatif ou l’air à couplets, l’écriture vocale apparaît, elle aussi, d’une grande variété.


Geoffroy Jourdain assure la direction musicale: les douze femmes et douze hommes de son chœur de chambre Les Cris de Paris tiennent le rôle des voisins et des âmes, et huit membres de l’ensemble 2e2m sont dans la fosse. S’impliquant pleinement pour porter l’essentiel du spectacle, les deux chanteurs solistes remportent un triomphe mérité: comme Lazar, ils viennent du monde baroque, aussi bien le baryton-basse Lisandro Abadie, idéal en malfrat macho, que le baryton Marc Mauillon, qui joue admirablement des ambiguïtés de timbre.


Le site d’Oscar Strasnoy
Le site de l’ensemble 2e2m
Le site du chœur de chambre Les Cris de Paris
Le site de Lisandro Abadie
Le site de Marc Mauillon



Simon Corley

 

 

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