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Un cycle à suivre

Paris
Salle Pleyel
12/01/2010 -  et 2 décembre 2010
Anatole Liadov: Le Lac enchanté, opus 62
Serge Prokofiev: Concerto pour violon n° 2, opus 63
Igor Stravinski: Petrouchka

Gil Shaham (violon)
Orchestre de Paris, Dima Slobodeniouk (direction)


D. Slobodeniouk (© Marco Borggreve)


L’arrivée d’un froid sibérien à Paris coïncide avec une semaine musicale à forte coloration russe, notamment à Pleyel: avant un week-end prolongé où se succéderont Vadim Repin, Boris Berezovsky, Evgueny Kissin et, dans le cadre de l’année France-Russie 2010, Vladimir Fedosseïev avec son Orchestre symphonique Tchaïkovski, l’Orchestre de Paris propose à deux reprises un court programme russe, tant par l’origine des œuvres que par la nationalité du chef. En janvier dernier, Dima Slobodeniouk, qui se faisait alors appeler Dimitri, avait, pour ses débuts en France, repris in extremis l’intégralité du programme russe – déjà – que Neeme Järvi, souffrant, devait initialement diriger (voir ici): la tradition veut que les remplaçants soient remerciés par une invitation à part entière la saison suivante, mais le succès remporté à cette occasion justifiait à lui seul que lui soit offerte la possibilité de revenir à la tête de l’Orchestre de Paris.


Né en 1975 à Moscou mais formé en Finlande (où il réside désormais), notamment par l’incontournable Jorma Panula, Slobodeniouk débute par Le Lac enchanté (1909). Même s’il faut toujours se réjouir de pouvoir entendre au concert les brèves pages symphoniques de Liadov, c’est quand même la quatrième fois en huit ans que cette brève «scène de conte de fées» est à l’affiche de l’Orchestre de Paris. Le chef met en valeur une instrumentation d’un grand raffinement, comme des «Murmures de la forêt» revus par Scriabine, pas très éloignée non plus du Schönberg des Gurre-Lieder.


Gil Shaham s’est produit pour la première fois avec l’Orchestre de Paris alors qu’il n’avait pas encore dix-huit ans. Abordant désormais la quarantaine, il y entreprend un cycle de six concerts, au cours desquels il donnera à chaque fois un concerto des années 1930 – et pas les plus célèbres: ni celui de Berg, ni celui de Bartók, qu’il a déjà présenté en 1999 avec Wolfgang Sawallisch et en 2001 avec Pierre Boulez, mais, dès les 6 et 7 avril prochain, celui de Walton (avec Sakari Oramo), puis ceux de Korngold, Szymanowski, Barber et Britten. Une série qu’il faudra suivre avec la plus grande attention, à en juger par le triomphe qu’il remporte légitimement, tant auprès des musiciens que du public, dans le Second Concerto (1935) de Prokofiev: les soixante-quinze ans, jour pour jour, de sa création à Madrid ont ainsi été célébrés de la plus belle manière qui soit. Et les festivités ne sont pas terminées: en janvier dernier, Slobodeniouk avait accompagné Sergey Khachatryan dans le Concerto de Tchaïkovski; par coïncidence, pour sa venue le lendemain au Théâtre des Champs-Elysées, le violoniste arménien a finalement choisi, au lieu du Concerto de Khatchaturian originellement prévu, le Second Concerto de Prokofiev – la comparaison promet d’être passionnante, car à défaut de faire mieux, il sera certainement possible de faire différemment.


Après avoir très longuement serré la main du premier violon Roland Daugareil, qui avait lui-même joué ce concerto voici deux ans, Shaham paraît pressé d’en découdre, à l’image d’une très vive entrée en scène, tout sourire, pour livrer avec une facilité confinant à la décontraction une prestation éblouissante d’agilité, de finesse, de technique, de générosité et de chaleur: un pur régal violonistique, sans cabotinage, et une sonorité d’exception, puissante sans être grasse, qui lui permet de s’approprier les volumes de Pleyel comme peu parviennent à le faire. La démonstration en ressort clairement dans les bis, successivement et dans le désordre les trois premiers mouvements de la Troisième Partita de Bach (Gavotte en rondeau, Prélude puis Loure), où priment l’enthousiasme, le brio et la fraîcheur de l’ornementation: dans de tels moments, qui a besoin d’authenticité?


Liadov, qui fut l’un des maîtres de Prokofiev, contribua aussi à la renommée de Stravinski, puisque, fidèle à sa réputation de paresse, c’est son peu d’enthousiasme à écrire L’Oiseau de feu pour Diaghilev qui incita ce dernier à se tourner vers le jeune Stravinski. L’année suivante, c’était déjà Petrouchka (1911), ici dans sa version originale, plus rare et faisant appel à un effectif plus fourni que la révision de 1947. La rupture avec l’opulence et les chatoiements rimskiens apparaît ainsi moins marquée, et, grâce à des pupitres au sommet de leur forme, ce sont de nouveau des délices sonores qui se répandent dans la salle. Abordant la partition davantage comme une pièce symphonique que comme un ballet, Slobodeniouk ne se montre pas principalement soucieux de pittoresque ou même de narration, mais l’ennui ne menace jamais: étincelante, ensoleillée et chantante, son interprétation sait aussi se faire poétique.



Simon Corley

 

 

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