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Mieux que Titanic ! Paris Opéra Bastille 03/05/1998 - et 9, 13, 19, 23, 25 et 28 mars 1998 Benjamin Britten : Billy Budd Kim Begley (Edward Fairfax Vere), Rodney Gilfry (Billy Bud), Monte Pederson (John Claggart), David Wilson-Johnson (Mr Redburn), Paul Whelan (Mr Flint), Daniel Sumegi (Lieutenant Ratcliffe), Francis Egerton (Red Whiskers), Johannes Mannov (Donald), Stafford Dean (Dansker), Doug Jones (le novice), Steven Cole (Squeak), Ashley Holland (Bosun), Franck Leguérinel (l’ami du novice), Hans-Jürgen Schöpflin (Maintop)
Orchestre et choeurs de l’Opéra National de Paris, Roderick Brydon (direction)
Francesca Zambello (Mise en scène) Les drames maritimes sont actuellement en vogue. Titanic bas les records d’entrées, Tristan, à Bastille, sombre dans le mauvais goût. Loin de ces excès, la reprise de Billy Budd hisse deux pavillons : sobriété et efficacité. Grâce à un dispositif de scène intelligent et à quelques symboles (Billy comme crucifié au mas) Francesca Zambello figure avec discernement les lieux et les climats de cette histoire de sacrifice.
Avec ses pectoraux musclés et sa blondeur innocente, Rodney Gilfry arbore une plastique parfaite pour Billy. Dommage que la voix soit si courte, les harmoniques si pauvres, car l’incarnation sensible du chanteur restitue la bonté primaire mêlée de révolte de ce grand naïf qu’est Budd. Monte Pederson est un Claggart idéal, autant physiquement que vocalement. La sécheresse coupante de son timbre, la raideur de son allure conviennent naturellement à ce personnage froid et sans pitié qui navigue entre désir et répulsion. Parce qu’il est irrémédiablement attiré par Billy, parce que celui-ci éveille en lui une homosexualité étouffée, Claggart doit se débarrasser de son mal, de sa source. Et cette "purification" passe par une cruauté contre laquelle le commandant Vere, incarné par Kim Begley, ne peut rien. Prisonnier de son devoir, le personnage subit plus qu’il ne décide. Le chanteur, qui n’a guère l’apparence sculpturale du héros viril admiré par son équipage, mise donc sur cette fragilité, sur cette noblesse blessée qui nous le rend sympathique. La voix est belle, équilibrée, plaintive aussi.
Le reste de la distribution affiche une belle homogénéité musicale et dramatique. La direction du chef écossais Roderick Brydon ravit par son acuité, son sens du détail orchestral, son dosage expert des nuances. La fosse écoute les chanteurs, elle vibre avec eux, elle les porte, les soutient. Elle joue son rôle tout simplement. Cela n’est pas si fréquent. Katia Choquer
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