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Sensualité vénéneuse

Marseille
Opéra
11/17/2010 -  et 20*, 23, 26 novembre 2010
Camille Saint-Saëns : Samson et Dalila, opus 47

Olga Borodina (Dalila), Torsten Kerl (Samson), Philippe Rouillon (Le Grand Prêtre), Wojtek Smilek (Un vieillard hébreu), Nicolas Testé (Abimélech), Wilfrid Tissot (Le Messager philistin), Guy Gabelle (Premier Philisitin), Jean-Jacques Doumène (Second Philistin)
Chœur de l’Opéra de Marseille, Pierre Iodice (chef de chœur), Orchestre de l’Opéra de Marseille, Emmanuel Villaume (direction musicale)


E. Villaume, O. Borodina (© Christian Dresse)


L’Opéra de Marseille propose Samson et Dalila de Saint-Saëns en version de concert, sans même la judicieuse mise en espace qui avait fort bien réussi à l’Attila de Verdi la saison passée. Interrogé sur ce choix, le directeur artistique de l’Opéra nous a expliqué qu’il est difficile de financer seul une nouvelle production de cette œuvre, et surtout de demander à une star comme Olga Borodina de rester pour un mois entier de répétitions à Marseille. Obtenir la participation des meilleurs chanteurs mondiaux oblige parfois à certains sacrifices. En fait, l’œuvre biblique de Saint-Saëns, initialement prévue comme un oratorio, supporte très bien cette formule. L’orchestre, installé sur la scène, plus fourni que d’ordinaire, sans atteindre cependant à son effectif maximum en configuration symphonique, occupe presque tout le plateau, reléguant le chœur tout au fond. Cela permet d’apprécier pleinement la perfection constante de l’écriture de Saint-Saëns, guère novatrice, certes, mais d’une richesse, d’une élégance, d’une finition soignée qui la rend savoureuse à chaque instant.


Le courant semble merveilleusement passer entre l’orchestre et le chef Emmanuel Villaume, qui entraîne ses troupes avec une direction à la fois brillante et acérée, tour à tour spectaculaire et subtile. Comme souvent, la qualité de la prestation de l’Orchestre de l’Opéra de Marseille nous surprend agréablement. On dit que ces musiciens effraient les chefs par leur caractère peu discipliné, voire farceur, en répétition, mais les soirs de spectacle, ils jouent avec un engagement, une ferveur et une maîtrise instrumentale qui font souvent cruellement défaut chez des ensembles pourtant plus réputés. Dès l’introduction orchestrale, on est saisi par le grave opulent délivré par d’admirables pupitres de contrebasses et de violoncelles, et tout au long du spectacle la splendeur sonore demeure sans défauts. L’orchestre ainsi mis en valeur devient la véritable star de la représentation, et rivaliser avec son cantabile, avec ses sonorités soyeuses, ses hautbois de miel ou ses cuivres orgiaques, devient finalement redoutable pour les chanteurs!


Olga Borodina en Dalila relève pleinement le défi et comble nos attentes. Triomphalement révélée dans ce rôle à Covent Garden en 1992, elle en demeure la spécialiste mondiale (voir à Bruxelles et à Washington), présente dans mes meilleures versions récentes au disque (avec Colin Davis) ou en DVD (avec James Levine au MET). La mezzo russe possède la voix idéale pour ce rôle hors norme, conçu pour Pauline Viardot, usant d’une incroyable palette de timbres, s’appuyant sur un impressionnant registre grave de poitrine, capable des éclats d’une soprano dramatique, parfois un peu rudes même, elle nous régale avec des couleurs onctueuses, des pianissimi dans l’aigu d’une merveilleuse délicatesse. Elle incarne toutes les facettes de la séductrice sensuelle et vénéneuse, comme de la vengeresse colérique.


A ses côtés, le Heldentenor Torsten Kerl semble manquer ce jour-là un peu de la puissance requise pour camper le colosse Samson, forçant un peu jusqu’à un timbre métallique, mais il compense par une ligne de chant d’une belle musicalité, surtout dans les moments intimistes, avec une très émouvante plainte de Samson aveugle au début de l’acte III. Il est vrai qu’il affronte une rude concurrence, avec une superbe brochette de voix masculines, au premier rang desquelles l’étonnant baryton Philippe Rouillon, voix profonde, dense et puissante, élocution d’une clarté impeccable, qui donne du relief aux moindres inflexions du texte, et anime avec truculence le rôle du Grand Prêtre, tour à tour véhément, menaçant ou railleur. Deux basses superbes, Nicholas Testé dans le bref rôle d’Abimélech, et Wojtek Smilek dans celui du vieillard hébreu, font forte impression, et trois voix moins immenses assument parfaitement les offices des deux philistins et du messager philistin, la basse Jean-Jacques Doumène et les ténors Guy Gabelle et Wilfrid Tissot. Les chœurs semblent un peu à la peine dans les déchainements initiaux (il est vrai qu’ils sont repoussés au fond de la scène), mais ils excellent ensuite dans les nombreux moments de recueillement religieux qui ponctuent cette œuvre.


Bref, encore un magnifique spectacle musical à mettre au crédit de l’Opéra de Marseille. D’ailleurs, l’exigeant public méridional ne s’y trompe pas, et réserve une ovation de plus en plus appuyée à chacun des protagonistes de cette exemplaire réussite.



Philippe van den Bosch

 

 

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