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Ranki au plus haut niveau ! Paris Salle Pleyel 02/20/1998 - Bela Bartók : Danses populaires roumaines pour orchestre, Concerto pour piano et orchestre n°2
Sergei Prokofiev : Symphonie n°5
Orchestre Philharmonique de Radio France, Gianluigi Gelmetti (direction) Arrivée Salle Pleyel : les écrans d'information signalent que Zoltan Kocsis, souffrant, sera remplacé par son compatriote Deszö Ranki dans le Deuxième Concerto de Bartók. Il est décevant de ne pas pouvoir écouter Zoltan Kocsis ; et encore plus quand on va écouter du Bartók. Qui pourrait l'égaler ? Mais ce soir Ranki était sans conteste l'homme de la situation. Car il faut bien avouer qu'il est très réjouissant de pouvoir écouter Ranki, que l'on a peu l'occasion d'écouter, et encore plus, quand il y a du Bartók au programme. Lui non plus n'a pas son pareil. Kocsis et Ranki sont deux pianistes de la même génération, qui ont été remarqués ensemble comme le renouveau du piano "hongrois", à une époque où ils jouaient beaucoup ensemble. Depuis, Kocsis l'exubérant a fait sa carrière sous les feux de la rampe, quand Ranki, plus discret, est resté dans l'ombre - une ombre très relative d'ailleurs.
Ce soir-là, son interprétation du Deuxième Concerto de Bartók était époustouflante : sûre, virtuose, incroyablement virtuose même, mais retenue, poétique. Ranki ne joue pas en puissance, malgré l'énergie et la force qu'il doit déployer pour arriver à bout de cette oeuvre où l'instrument, deuxième mouvement mis à part, est essentiellement percussif. Aucune dureté du son, et pourtant, l'oeuvre n'est pas travestie : elle reste percussive quand il le faut, la diversité des accents propres à l'écriture pour piano de Bartók est scrupuleusement respectée. Ranki a en outre une finesse de toucher qu'il n'utilise pas pour distraire ou se vendre, mais pour l'efficacité de l'oeuvre. Tout est là. C'est ce que l'on peut appeler du piano incandescent. Gelmetti et l'Orchestre philharmonique n'ont pas démérité, avec de belles sonorités des vents, un beau fondu des cordes dans le deuxième mouvement, mais des cuivres parfois trop éclatants. A la fin de cette interprétation captivante, les musiciens de l'orchestre se sont unis au public pour applaudir longuement le soliste -fait rare pour être noté : en posant tous leurs instruments, pour pouvoir applaudir à pleines mains.
Le programme avait débuté avec les Danses populaires roumaines pour orchestre, trop empesées dans l'ensemble, mais où l'on put admirer de très belles prestations (car très libres, vraiment tziganes, audacieuses même) des solistes de l'orchestre (flûte, clarinette, violon). Venait ensuite la Cinquième Symphonie de Prokofiev qui, le plus souvent, malgré quelques percées, laissait assez indifférent.
Ranki revient interpréter le Troisième Concerto de Bartók le 9 mai prochain à la Salle Pleyel, toujours avec l'Orchestre philharmonique de Radio France, placé cette fois sous la direction de Dimitri Kitaenko. Un concert qui promet, en attendant de pouvoir l'écouter en récital.
Stéphan Vincent-Lancrin
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