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Sagesse et ennui

Paris
Salle Pleyel
11/02/2010 -  et 26 (Ljubljana), 28 (Warszawa), 30 (Vilnius) octobre 2010
Richard Strauss : Don Juan, opus 20
Richard Wagner : Tristan und Isolde : Prélude et Mort d’Isolde
Johannes Brahms : Symphonie n° 4 en mi mineur, opus 98

New York Philharmonic, Alan Gilbert (direction)


A. Gilbert (© Mats Lundqvist)


Le musicologue Hans Keller raconte l’anecdote fameuse suivant laquelle Wilhelm Furtwängler, assistant à une exécution de la Neuvième symphonie de Beethoven dirigée par Arturo Toscanini, se serait, quelques minutes après le début du concert, levé d’un bond de son siège en grommelant «Foutu batteur de mesure!» à l’adresse de son collègue italien, avant de quitter la salle... Si le chef allemand regrettait là que l’on entende trop distinctement les sextolets du début de l’œuvre, on a très envie de reprendre cette apostrophe pour l’adresser cette fois-ci à Alan Gilbert. En effet, le jeune chef (il est né en 1967), par habitude ou par peur de mal faire, ne cesse de battre la pulsation, entravant et bridant ainsi un orchestre qui, compte tenu des œuvres choisies, ne demandait au contraire qu’à s’épanouir et à profiter d’un léger rubato.


La déception commence donc par un morceau de choix: Don Juan est en effet la marque d’un jeune et fougueux compositeur, Richard Strauss (1864-1949), qui crée la pièce avec succès à Weimar en novembre 1889. Immédiatement, un constat s’impose ce soir: l’Orchestre philharmonique de New York est dans un mauvais jour. Les cordes manquent singulièrement de volume, le hautbois (tenu par le pourtant talentueux Liang Wang) est d’une rare laideur et ne distille aucune émotion, les musiciens s’ennuient... Il est vrai qu’Alan Gilbert, pour sa part, dirige ce poème symphonique avec soin mais de façon trop appliquée, presque clinique, de telle sorte que les emportements, les volutes sonores, les différences d’atmosphère (du grinçant au charmeur) sont quasiment absents.


La transition avec les extraits suivants était toute trouvée puisque Richard Strauss aurait écrit les premières notes de Don Juan alors qu’il était en Italie et qu’il venait d’entendre Tristan und Isolde à Bologne, au printemps 1888. Quelques mois plus tard, à Bayreuth, il ira d’ailleurs écouter Parsifal et Les Maîtres-Chanteurs, poursuivant ainsi son imprégnation de l’œuvre wagnérienne… Chaque spectateur attendait donc avec impatience cet «accord de Tristan» qui, par ses quatre fameuses notes, symbolise plus que tout autre passage un des chefs-d’œuvre de Richard Wagner (1813-1883). Or, là encore, on est à mille lieues de ce que doit être cette musique. Alan Gilbert ne distille aucune atmosphère particulière mais appréhende davantage le Prélude comme une succession d’épisodes ayant peu à voir les uns avec les autres; en outre, le climat se veut bucolique, presque enjoué, alors qu’il devrait, sauf erreur, plutôt annoncer le drame à venir. L’orchestre demeure inégal, alliant par exemple un très bon cor anglais à un hautbois toujours aussi décevant. Quant au «Liebestod», on constate tout d’abord quelques problèmes d’équilibre au sein de l’orchestre, les cordes venant notamment couvrir le trait de la clarinette, repris ensuite par le hautbois et la flûte alors que ce sont eux, ici, les protagonistes importants. De même, on ne peut que regretter le crescendo des timbales à la fin du passage, beaucoup trop fort, et, parfois, le manque de netteté des attaques des vents. Enfin, là encore, et c’est sans aucun doute le plus regrettable, Alan Gilbert ne semble pas investi par cette musique, choisissant de la diriger comme n’importe quelle œuvre du répertoire.


La seconde partie du concert était consacrée à la Quatrième symphonie de Johannes Brahms (1833-1897), qui se veut un hommage à la polyphonie baroque, notamment dans le finale. Même si la prestation est globalement meilleure qu’en première partie, elle n’emporte pas vraiment l’adhésion. Le premier mouvement (Allegro non troppo) n’avance pas et finit rapidement par s’enliser; quant au climat qui devrait normalement bénéficier d’une plénitude sonore (les cordes!), il s’apparente bien davantage à de la sécheresse. L’Andante moderato, servi notamment par un magnifique pupitre de cors, illustre une certaine difficulté de Gilbert à tenir un tempo et à soigner les transitions qui s’avèrent trop fréquemment abruptes. Si l’Allegro giocoso frappe également par son tempo retenu, on sera davantage convaincu, en revanche, par le dernier mouvement où brille la flûte solo de Robert Langevin, pleine d’intensité et de désolation à la fois.


Ce concert ne convaincra donc pas ceux qui, en février dernier, avaient déjà trouvé décevante la première venue du Philharmonique de New York et de son chef Alan Gilbert (voir ici et ici). Et ce ne sont pas les deux bis, une somptueuse Ouverture pour une fête académique de Brahms et un extrait velouté d’Un Américain à Paris de Gershwin, qui changeront l’appréciation générale d’un concert globalement très lisse.


Le site de l’Orchestre philharmonique de New York
Le site d’Alan Gilbert



Sébastien Gauthier

 

 

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