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El canciónero de Don Luis Normandie Rouen (Eglise Saint-Sever) 10/28/2010 - et 12 décembre 2010 (Versailles), 4 mars 2011 (Paris) Luis de Briceno : El canción Claire Lefilliâtre (soprano), Isabelle Druet (mezzo-soprano), Mira Glodeanu (violon), Lucas Peres (basse de viole), Thomas de Pierrefeu (violone), Massimo Moscardo, Vincent Dumestre, Thor-Harald Johnsen (guitares), Marie Bournisien (harpe), Joël Grare (percussions)
Le Poème Harmonique, Vincent Dumestre (direction)
Le Poème Harmonique (© Guy Vivien)
Belle idée de Frédéric Roels que d’inviter, dans une église de la rive gauche de la ville (quartier populaire), pour le premier programme de la résidence du Poème Harmonique (saison 2010-2011 à l’Opéra de Rouen), les artistes et les abonnés ou spectateurs d’un soir de « sa » maison lyrique. Belle idée, également, de Vincent Dumestre que de donner, en second bis, un prolongement « moderne » à son programme espagnol XVIIe par l’exécution d’un fado captivant (célébrissime Fado Menor)… Idée sympathique aussi : le moment dédicaces et échanges informels avec le public : l’entrée du Poème Harmonique dans les « proches » des habitués de l’Opéra, comme la prime entrée dans le giron des Rouennais d’accentus en 1998, est une opération réussie : c’est réjouissant et c’est un beau challenge.
Le concert en lui-même était, lui aussi, franchement réussi. Pourtant l’entreprise était d’envergure : faire « accrocher » l’auditoire à un programme « inconnu » ibérique du XVIIe siècle entre reconstitutions instrumentales et chants en duo accompagnés ; soit il s’agissait de textes (paroles et musique) d’auteurs anonymes ou de ceux de Luis de Briceno, compositeur-phare du concert.
Le déroulé dudit concert était attractif, très travaillé chez les musiciens de Vincent Dumestre, qui impulsait, de sa place de guitariste, une fougue ni trop électrisante, ni trop bonhomme à son ensemble. Notons que pour le regain d’ambiance entre les pièces, le directeur musical était très aidé par le brillantissime percussionniste Jöel Grare, fournisseur officiel de cohérence rythmique et de connivence avec voix, guitares, harpes, violon et basses pendant tout le recueil de Briceno et les quelques compositeurs sans « nom » qui s’y trouvaient intégrés.
Des deux chanteuses, Isabelle Druet est incontestablement plus avantagée par le côté gouaille des textes espagnols, grâce à la nature de sa voix, à ses graves timbrés et à son goût pour le jeu de scène assez démonstratif et vigoureux tandis que l’excellente Claire Lefilliâtre, qui est pourtant une soprano à la diction très sûre, assure une prestation plus éthérée, mais non moins intéressante. Dans les duos, on a beaucoup apprécié l’incisive mezzo, très à l’aise dans le fait de porter des textes essentiellement masculins, écrits par l’auteur Briceno pour quelqu’un qui était probablement son élève, une femme proche de la Cour d’Espagne.
Dans les parties instrumentales, on a été très sensible à la prise de risques, aux libertés d’improvisations conservées par Vincent Dumestre pour son ensemble, même si on a préféré l’Espanoleta d’ouverture pour son extrême lisibilité virtuose au Canario anonyme de fin de concert en ce qui concerne la violoniste Mira Glodeanu, même si on a davantage aimé El baxel esta en la playa à la Para tener nochebuena de Claire Lefilliâtre. Le clou pour lequel on n’essayera pas de trouver les mots appropriés, revient à la sublime interprétation a cappella No so yo, moment de grâce du concert (dont les paroles sont «Je ne suis pas celui que vous voyez vivre, ce n’est pas moi, je suis l’ombre de celui qui est mort, Madame, je ne suis pas celui qui se réjouissait de votre bonheur, j’ai perdu la mémoire, elle est dans l’autre monde…») : les deux chanteuses subjuguent ainsi que dans leur interprétation de l’ultime chanson du programme, Di me de que te quexas, dans un autre registre, plus du tout mélancolique.
Le public très nombreux et amplement séduit par la diversité, entre plages contemplatives, passages fort nostalgiques et moments d’effusions sonores de franche gaîté, attend certainement avec la même impatience, qui est nôtre, le Cadmus et Hermione de Lully, en décembre. On compte les jours. C’est trop long. C’est bon signe.
Le site du Poème Harmonique
Pauline Guilmot
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