About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Admiration technique, éblouissement sonore

Paris
Salle Pleyel
10/13/2010 -  et 14* (Paris), 19 (Madrid) octobre 2010
Paul Dukas : L’Apprenti sorcier
Dimitri Chostakovitch : Concerto pour violon n° 1 en la mineur, opus 77/99
Serge Rachmaninov : Symphonie n° 2 en mi mineur, opus 27

Vadim Repin (violon)
Orchestre de Paris, Paavo Järvi (direction)


V. Repin (© Kasskara/DG)


Comment ne pas avoir à l’esprit les images de Mickey, vêtu de sa robe rouge et de son chapeau bleu étoilé, bataillant avec le balai maudit lorsqu’on entend résonner les premières notes de L’Apprenti sorcier (1897) de Paul Dukas (1865-1935)? En tout état de cause, et quelles que soient les références de chacun, l’Orchestre de Paris et le public avec lui (certains spectateurs n’hésitant pas à fredonner maladroitement le thème avant même qu’il n’intervienne...) sont visiblement ravis de donner et d’entendre en concert une œuvre qui, en dépit de sa célébrité, n’est pas si fréquemment jouée. Pourtant, on s’attend à un concert globalement bien imparfait tant l’interprétation s’avère ici imparfaite. Dès l’entrée des bassons, le décalage avec les cordes est patent; par ailleurs, le tempo adopté par Paavo Järvi s’avère très mesuré et ne rend jamais compte de la dimension sarcastique et diabolique de ce scherzo symphonique. L’orchestre, en dépit de très belles sonorités (les premières notes nous renvoient plus que jamais à l’ombre tutélaire de Wagner), est totalement bridé dans les tutti et la folie de la pièce n’apparaît à aucun moment.


Le Premier Concerto pour violon de Dimitri Chostakovitch (1906-1975) joué en lieu et place du Troisième concerto de Camille Saint-Saëns initialement programmé, est-il de nature à dissiper nos premières appréhensions? Certes, ce n’est plus la joie mais, bien au contraire, l’anxiété et la noirceur du régime soviétique qui constituent ici l’arrière-plan d’une pièce qui réclame un violoniste hors pair et, si possible, un orchestre au diapason du soliste. Le Premier Concerto, commandé à Chostakovitch par le grand David Oïstrakh (1908-1974), demanda plusieurs années d’efforts au compositeur puisque, bien qu’élaboré principalement en 1947, il fut remanié à maintes reprises, à la demande notamment de son dédicataire, pour être finalement créé en 1955 sous la direction d’Evgueni Mravinsky (1903-1988). Les couleurs lugubres du premier mouvement («Nocturne»), permettent immédiatement à Vadim Repin de subjuguer l’auditoire par la profondeur du son de son Guarneri et la finesse de son toucher, notamment dans des aigus surnaturels. Avec un arrière-plan folklorique, c’est la technique du jeune violoniste qui fait ensuite merveille dans le deuxième mouvement («Scherzo»): on reste ébahi par la conjonction d’une virtuosité poussée à son paroxysme et d’une rythmique effrénée, l’Orchestre de Paris suivant avec précision la direction au cordeau de Paavo Järvi. La «Passacaille» marque une pause pleinement mélodique dans le concerto, le lyrisme pur et simple apparaissant ici comme le seul véritable fil conducteur. Vadim Repin s’y montre tout aussi convaincant, concluant le mouvement dans la célèbre cadence de plus de cinq minutes qui sert de transition avec le «Burlesque» conclusif. Séquence endiablée, elle est saluée par une salve d’applaudissements qui félicitent ainsi un violoniste prodige dont on ne cesse de se demander où il s’arrêtera.


La seconde partie du concert était tout entière consacrée à un autre chef-d’œuvre de la musique russe, destinée à l’orchestre cette fois-ci: la Deuxième symphonie de Serge Rachmaninov (1873-1943). On se souvient comment le jeune compositeur avait durement ressenti l’échec total de la création de sa Première Symphonie (1895), créée en mars 1897 sous la baguette d’un Glazounov ivre mort. La déconvenue subie explique en grande partie le fait qu’il ne se soit remis à la composition d’une œuvre symphonique qu’au début de l’année 1907, l’achevant à la fin de l’année, cette nouvelle symphonie étant triomphalement créée en janvier 1908 sous sa propre direction. Passage obligé pour tout orchestre souhaitant faire étalage de ses qualités techniques et musicales, qu’il s’agisse des orchestres étrangers (voir ici) ou français (voir ici), il convenait bien que l’Orchestre de Paris s’attaquât à son tour à cette véritable symphonie de bravoure après avoir donné il y a quelques mois la Première (voir ici). Et de quelle manière! Tout au long des quatre mouvements, il nous enchante grâce à une maîtrise absolue de cette partition ô combien foisonnante. Les tutti sont remarquables de plénitude et d’engagement, qu’il s’agisse des cordes ou des bois (dans le premier mouvement, Largo – Allegro moderato), sans compter des cuivres au faîte de leur éclat et de leur puissance. Les solistes sont également du plus haut niveau: comment ne pas saluer l’extraordinaire Pascal Moraguès dans le solo de clarinette qui ouvre l’Adagio? Son timbre velouté et coloré est tout simplement parfait, de même que le cor solo d’André Cazalet ou le violon solo de Roland Daugareil. Mais que serait cette symphonie sans un chef capable de la conduire de la manière la plus adroite, sans se disperser dans les détails et manquer ainsi le souffle qui innerve l’œuvre de la première à la dernière note? Là aussi, on ne peut qu’applaudir, à l’instar de l’orchestre au moment des saluts, la direction fine et attentive de Paavo Järvi dont le visage, souvent austère, s’illumine lors des passages les plus lyriques de la partition. Visiblement, le courant passe très bien entre les musiciens et leur nouveau directeur musical: au regard de la prestation de ce soir, on ne peut que s’en féliciter!


Le site de Vadim Repin



Sébastien Gauthier

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com